Le seuil de gestion du risque amiante à l’intérieur des locaux est de 5 fibres par litre d’air. Il est depuis longtemps obsolète, mais le Haut conseil de la santé publique recommande au gouvernement de le laisser inchangé durant les cinq prochaines années et de ne l’abaisser qu’en 2020.

Qu’est-ce que
le seuil de gestion
du risque amiante ?

Depuis le décret 96-97 de 1996, le seuil d’empoussièrement à ne pas dépasser à l’intérieur des locaux est de 5 fibres d’amiante par litre d’air, mesuré en microscopie électronique (META).
C’est une valeur repère pour la gestion du risque amiante : son dépassement doit déclencher réglementairement des travaux de retrait ou de confinement.
Les mesures libératoires à l’issue d’un chantier de désamiantage ne doivent pas dépasser ce seuil.

Pourquoi
l’avoir fixé à
5 fibres par litre ?

Cette valeur avait été fixée par référence à des mesures de fond de
pollution urbain réalisées dans les années 70.
A cette époque, l’amiante n’était pas encore interdit et la pollution de l’air des villes en fibres d’amiante était dix fois supérieure à ce qu’elle est aujourd’hui.

Que propose
l’Agence de
sécurité sanitaire ?

La valeur de 5 fibres d’amiante par litre d’air étant manifestement obsolète, l’Agence de sécurité sanitaire (Anses, ex-Afsset) a recommandé dès 2009 un abaissement du seuil de gestion d’un facteur 10 (de 5 fibres par litre à 0,5 fibres)

Pourquoi une saisine
du Haut Conseil
de la santé publique ?

En janvier 2010, la Direction générale de la Santé a demandé au Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) de formuler une recommandation sur la valeur de ce seuil.
Le HCSP a alors réuni des experts pour constituer un groupe de travail.

Quelle a été
la position du
groupe d’experts ?

Ce groupe a produit une série de recommandations (repérage, métrologie, contrôles) et s’est prononcé pour un premier abaissement du seuil de gestion dès 2015 à 2 fibres par litre, préparant un passage à 1 fibre par litre en 2020 :
Les experts considèrent à juste titre qu’il faut « assurer un niveau d’exposition aussi bas que possible de la population générale aux fibres d’amiante, le bruit de fond de pollution actuel (0,08 fibre par litre) ne justifiant pas que la population soit exposée au-delà de ce bruit de fond, dès lors que la faisabilité technique du mesurage est démontrée ».
Rappelant que la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) doit être abaissée d’un facteur dix au 1er juillet 2015, ils estiment que «  ne rien faire conduirait à assurer la protection de la population générale à un niveau inférieur, en termes d’exposition aux fibres d’amiante, à celui des salariés travaillant sur l’amiante ».
Ils soulignent que «  le passé montre que tout décalage dans les décisions d’abaissement de seuil réglementaire n’est jamais utilisé par les acteurs concernés pour anticiper ou se préparer à ces dispositions mais à en retarder davantage l’application ».
Ils considèrent que «  fixer 2 fibres par litre en 2020 justifierait l’inaction des acteurs concernés jusqu’à cette date, et il serait difficile pour les pouvoirs publics de justifier l’absence d’évolution réglementaire sur les seuils alors que l’amiante continue à entraîner des milliers de décès, des coûts de « réparation » associés exorbitants et qu’aucune contrainte technique ne s’oppose à la prise en compte de ces recommandations dès à présent ».

Quelle a été la position
du Haut Conseil
de la santé publique ?

Abaisser sans attendre le seuil de gestion du risque amiante dans les bâtiments aurait dû relever de l’évidence, mais la Commission spécialisée Risques liés à l’environnement (CSRE) du Haut Conseil en a jugé autrement.
Non seulement elle n’a pas repris la position de ce groupe d’experts, mais elle l’a combattue publiquement en s’opposant à tout abaissement du seuil de gestion dans l’immédiat.

Quels arguments
peuvent justifier l’inertie
et l’attentisme ?

Partant du constat (bien réel) que «  les pratiques de repérage et mesurage, de mise en œuvre des travaux, de gestion des déchets amiantés et des situations d’exposition d’origine environnementale » ne respectent pas la réglementation, elle en tire cette conclusion paradoxale : « Une réduction des seuils réglementaires serait illusoire en l’absence d’améliorations importantes et concrètes ».
Poussant le raisonnement jusqu’à l’absurde, le HCSP s’évertue même à démontrer qu’un abaissement de ce seuil augmenterait le nombre de maladies liées à l’amiante (!) :
« une baisse des seuils qui serait décidée rapidement, écrit la CSRE, conduirait inévitablement à une augmentation importante du nombre de chantiers de désamiantage et des volumes de déchets de chantiers à éliminer, avec pour conséquence, sans capacité satisfaisante actuelle de gestion de cette situation, un risque de voir augmenter l’exposition des personnels des chantiers, des riverains et de la population générale (y compris autour des sites de stockage de déchets, et in fine un bilan sanitaire négatif. ».
Le dernier argument avancé pour justifier cette position attentiste est la volonté crûment exprimée que « les principales préconisations des experts passent effectivement les étapes des arbitrages politiques » et d’éviter que les opérateurs « ne s’opposent pour des raisons de faisabilité économique à toute avancée du dossier ».
Cette autocensure politico-économique d’une expertise qui n’aurait dû être guidée que le souci d’améliorer la protection de la population est à mille milles de la mission de santé publique qui devrait être celle du HCSP.

Ce que demande
l’Andeva à la ministre
de la Santé

Au-delà des aspects purement techniques, la question posée est simple  : la présence à l’intérieur d’un bâtiment d’un niveau d’empoussièrement en fibres d’amiante dix fois supérieur à celui de l’extérieur peut-elle être considérée comme « normale » ?
Du point de vue de la prévention comme du point de vue éthique, la réponse est évidemment : Non.
C’est pourquoi l’Andeva demande à Marisol Touraine de ne tenir aucun compte de l’avis du Haut conseil de la santé publique et d’abaisser sans attendre 2020 le seuil de gestion du risque amiante, conformément aux recommandations de l’Agence de sécurité sanitaire.

 


L’URGENCE... D’ATTENDRE 2020 !

« Immobilisme » et «  attentisme  », tels sont les maîtres-mots de la position que vient de prendre le Haut conseil de santé publique (HCSP) sur le seuil de déclenchement des travaux de retrait ou de confinement de matériaux contenant de l’amiante.
Le HCSP soutient qu’un abaissement de ce seuil en 2015 serait «  illusoire », voire « contreproductif » et pourrait même avoir un «  bilan sanitaire négatif  ». Il recommande au législateur d’attendre… 2020 pour passer de 5 fibres à 2 fibres d’amiante par litre d’air !

Ce refus d’une mesure de prévention dont la mise en œuvre immédiate ne présente aucune difficulté technique est manifestement dicté par des considérations économiques et politiques étrangères à la protection de la Santé publique.
Le HCSP prend ainsi le contrepied des recommandations de l’Agence de sécurité sanitaire (Anses, ex-Afsset) datant déjà de 2009 et du Comité de suivi « amiante » du Sénat. Il désavoue les experts qu’il avait lui-même réuni en groupe de travail et qui proposaient de passer à 2 fibres par litre dès 2015 et à une fibre en 2020.

L’Andeva considère que la prévention du risque amiante ne se résume pas à l’abaissement des valeurs limites (le contrôle du respect de la réglementation, la formation des intervenants, la sanction des contrevenants en sont des aspects importants). Mais la réduction des valeurs limites en est cependant un maillon essentiel.
C’est pourquoi elle demande à la ministre de la Santé de ne tenir aucun compte de la position du HCSP et d’abaisser sans tarder le seuil de gestion du risque amiante dans les bâtiments, en cohérence avec celle de la valeur limite d’exposition professionnelle, conformément aux recommandations de l’Anses.

 


Où en est la valeur limite d’exposition professionnelle ?

Dès 2009, l’Agence de sécurité sanitaire (ex Afsset) recommandait de faire passer la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) de 100 fibres d’amiante à 10 fibres par litre d’air.
Le décret du 12 mai 2012, des avancées réglementaires (mesures en microscopies électronique, suppression de la distinction entre friable et non friable,...), mais il avait fixé un délai anormalement long de 3 ans pour abaisser cette VLEP.
L’Andeva avait alors dénoncé ce retard injustifié.
Elle sonne l’alerte aujourd’hui sur le risque de voir cette mise en oeuvre tardive à nouveau retardée.
La VLEP doit en effet passer à 5 fibres par litre au premier juillet 2015 (dans moins d’un an), mais on peut s’attendre à de très fortes pressions des employeurs - en particulier des PME et des artisans - pour arracher un report de date au gouvernement. La vigilance est donc de mise. Un refus d’abaisser rapidement le seuil de gestion de l’amiante dans les bâtiments pourrait préparer un report de l’abaissement de la VLEP.


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°46 (septembre 2014)