« Faire de la prévention du risque « amiante » une grande cause nationale »

Le rapport présenté à la presse le 2 juillet par le Comité de suivi «  amiante » du Sénat accorde une place centrale à la prévention du risque amiante. Il a le mérite de souligner l’importance des enjeux pour les travailleurs et la population et de faire 28 propositions, dont plusieurs marqueraient une réelle avancée, si elles étaient réalisées.

Pour une stratégie nationale de désamiantage

Le rapport préconise une «  stratégie pluriannuelle de désamiantage dans les établissements publics » avec «  des financements pérennes, un échéancier et un suivi régulier ». Cette proposition rejoint la demande de l’Andeva d’un plan d’éradication de l’amiante, décliné nationalement et par région. Il y a aujourd’hui en France plus de 20 millions de tonnes de matériau contenant de l’amiante qui se dégradent, année après année. L’éradication de ce matériau cancérogène suppose une volonté politique tenace, inscrite dans la durée, des moyens et des priorités. La création proposée d’une « mission d’appui pour les maîtres d’ouvrages publics confrontés au désamiantage » serait certainement un outil utile pour y parvenir.

Pouvoir consulter
les DTA sur Internet

Le Comité reprend partiellement une proposition de la mission amiante de Claude Got en 1998 : « créer une base de données internet, régulièrement mise à jour, avec tous les DTA [dossiers techniques amiante] ».
Cette proposition, refusée par les gouvernements successifs depuis 15 ans, serait une avancée considérable pour la prévention du risque amiante, sous réserve bien sûr que celle-ci soit accessible aux utilisateurs des bâtiments et aux intervenants.
On peut regretter que la proposition limite la base de données aux «  établissements publics de l’Etat et des collectivités territoriales  », alors que la proposition originale de 1998 concernait tous les bâtiments.

Une plate-forme unique sur le risque amiante

Le comité propose de créer une plate-forme Internet unique sur le risque amiante, en déclinant les informations selon l’identité de l’utilisateur (« particulier, parent d’élève, maitre d’ouvrage public ou privé, donneur d’ordre, entreprise de désamiantage »). Elle permettrait à tous d’accéder rapidement à des informations régulièrement mises à jour et renverrait vers les sites appropriés existants.

Améliorer le
repérage des
matériaux amiantés

Le rapport souligne à juste titre que le repérage de l’amiante en place est « le maillon faible de la réglementation » et fait des propositions pour améliorer la qualité des repérages, la formation des diagnostiqueurs et le contrôle de leurs pratiques professionnelles ainsi que pour étendre les obligations en matière de diagnostic avant travaux.

Renforcer l’action
de l’inspection
du travail

Le comité de suivi propose « d’assurer une meilleure protection des travailleurs  » et d’accroître l’efficacité de l’inspection du travail, «  en augmentant ses effectifs » et en créant «  une cellule nationale d’appui « amiante  » à la Direction générale du travail (DGT) » et des cellules spécialisées dans chaque région.
Afin de « renforcer la protection de la population », il reprend une proposition faite en février 2009 par l’Anses (ex-Afsset) : abaisser d’un facteur 10 le seuil de gestion de l’amiante dans les bâtiments. Cette proposition, restée lettre morte depuis cinq ans, est aujourd’hui une urgence.

Mieux gérer les
déchets, éviter les décharges sauvage

L’élimination des matériaux contenant de l’amiante dans des décharges agréées est une obligation légale. Le comité note avec raison que le nombre de ces décharges, déjà insuffisant, a baissé et que leur répartition entre départements est inégale.
Il souligne aussi la nécessité – pour éviter les décharges sauvages – d’une information régulièrement actualisée des particuliers, sur l’emplacement des décharges et d’une réflexion avec les collectivités locales sur les « moyens d’organiser la collecte et le stockage à des coûts abordables pour les particuliers ».
C’est une demande que portent de nombreuses associations locales de l’Andeva. Il est dommage qu’en matière de traitement des déchets il limite son horizon à l’enfouissement, sans évoquer la nécessité d’une recherche active pour abaisser le coût financier et énergétique des procédés transformant l’amiante en matériau inerte.

Mettre en oeuvre sans attendre ces préconisations

Ce rapport, présenté au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, est l’oeuvre de sénateurs de régions et de tendances politiques diverses  (voir ci-contre). Plusieurs d’entre eux sont confrontés dans leur région aux problèmes posés par l’indemnisation des victimes et la prévention du risque amiante.
Il n’y a donc aucune raison d’attendre pour appliquer ces recommandations et commencer à «  répondre au défi du désamiantage ».


9 ans après
Un bilan, des propositions

Neuf années ont passé depuis le rapport sénatorial sur « le drame de l’amiante en France  » de 2005.
Après avoir auditionné une quarantaine d’organismes - dont l’Andeva - le Comité de suivi «  amiante  » du Sénat, présidé par Aline Archimbaud, en a fait le bilan.
Si la majorité des de préconisations faites à l’époque ont été mises en oeuvre, le rapport note «  des progrès insuffisants  » sur l’indemnisation des victimes, l’allocation de cessation anticipée d’activité et le suivi post-professionnel.
En matière de prévention du risque amiante le comité note un écart entre une «  réglementation globalement très protectrice » et de graves carences en matière de pilotage et de contrôle.
Il propose d’en faire une «  grande cause nationale » et fait des propositions dont l’Andeva demande une rapide mise en oeuvre.


« Pré-retraite » amiante, Fiva
Trois propositions oubliées depuis 2005

Le comité regrette que plusieurs propositions du rapport de 2005 n’aient toujours pas été mises en œuvre :

- étendre la cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA) par la création d’une voie d’accès individuelle (que le comité qualifie de « question de justice pour les salariés exposés à l’amiante »),
- permettre l’accès des fonctionnaires à la cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante,
- permettre au FIVA d’accorder aux victimes et aux ayants droit le bénéfice qui s’attache à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

Le rapport de la Cour des comptes 2014 a repris les deux dernières propositions. Il est grand temps que le gouvernement les mette en œuvre.


Amiante dans les bâtiments
améliorer la protection de la population

Le Comité propose « d’abaisser le seuil de l’amiante dans l’air déclenchant des travaux de désamiantage à 0,47 fibre par litre » :
« Défini en 1974 à partir de la mesure du fond de pollution de l’air en Ile-de-France, le seuil actuel de 5 fibres par litre est contesté, notamment par l’Andeva qui rappelle que l’amiante est une substance dangereuse quelle que soit la quantité respirée, aussi minime soit-elle.
En février 2009, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, « avait préconisé de réduire le seuil d’amiante dans l’air à 0,47 fibres par litre » .
La réévaluation de ce seuil figurait dans « l’objectif n°10 du plan national santé environnement 2 (2009-2013) ».


Un enjeu de santé publique

« Il faut éviter qu’au drame de l’amiante né de son interdiction tardive en 1997 s’ajoute un nouveau drame né aux conditions du désamiantage », indique le rapport d’information dans son préambule.

Les auteurs du rapport :

- Aline Archimbaud (EELV, Seine-Saint-Denis),
- Gilbert Barbier (RDSE, Jura),
- Gérard Dériot
(UMP-Ratt., Allier),
- Catherine Deroche (UMP, Maine-et-Loire),
- Jean-Pierre Godefroy (soc, Manche),
- Ronan Kerdraon (soc, Côtes d’Armor),
- Jean-Marie Vanlerenberghe (UDI-UC, Pas-de-Calais),
- Dominique Watrin (CRC, Pas-de-Calais).

comment se le procurer ?

Paru sous le titre « Amiante : des enjeux toujours actuels, relever le défi du désamiantage », le rapport d’information N°668 est disponible en version papier (au prix de 5 euros).
Il est aussi téléchargeable sur sur le site du Sénat (www.senat.fr) dans sa version informatique.


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°46 (septembre 2014)