Plusieurs arrêts récents de la Haute juridiction confirment la compétence des prud’hommes et précisent plusieurts points importants  : la preuve du préjudice du seul fait de l’inscription d’un établissement sur les listes ouvrant droit à
la cessation anticipée d’activité (Acaata), la connaissance du risque comme point de départ du délai de prescription et - en cas d’insolvabilité de l’employeur - la reprise des créances sur le préjudice d’anxiété par l’AGS seulement si l’inscription de l’établissement sur les listes est antérieure à sa liquidation.

L’anxiété et la maladie professionnelle

- Le 2 avril 2014, la cour de cassation a jugé que la reconnaissance d’une ma­ladie professionnelle « ne prive pas le salarié du droit de demander à la juridiction prud’homale la réparation des conséquences du trouble psychologique compris dans le préjudice d’anxiété, subi avant la déclaration de la maladie. »

La preuve de la réalité du préjudice

- Le 2 avril, la Cour a aussi cassé un arrêt de la cour d’appel de Lyon refusant d’indemniser l’anxiété d’un salarié d’Iveco au motif que ce préjudice n’aurait pas été prouvé par des documents médicaux.
La Cour a jugé qu’un salarié ayant travaillé dans un établissement ouvrant droit à un départ anticipé et se trouvant «  du fait de l’employeur, dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante, qu’il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, subit un préjudice spécifique d’anxiété »

- Le 2 juillet, la Cour a cassé un arrêt de la Cour d’appel d’Aix qui avait débouté un salarié de la société L’Électricité navale (inscrite sur les listes pour la « pré-retraite amiante  ») au motif que l’exposition individuelle n’était pas prouvée.

La Haute juridiction lui reproche d’avoir «  ajouté la condition de la preuve d’une exposition personnelle du salarié à l’amiante  », en violation de l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 qui a créé l’ATA.

Ces deux arrêts tendraient à montrer que le seul fait d’avoir travaillé dans un établissement listé suffiraiit à établir la réalité d’un préjudice d’anxiété, sans qu’il soit besoin de démontrer ni son existence par des examens médicaux ni son origine professionnelle par des preuves d’exposition.

Le point de départ de la prescription

Le délai de prescription aux prud’hommes est passé de 30 ans à 5 ans sous Sarkozy, puis de 5 ans à 2 ans sous Hollande. Restait une question : à partir de quelle date ce délai commence-t-il à courir ?

- le 2 juillet la Cour de cassation a jugé que le préjudice d’anxiété « ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l’amiante  », mais que ce préjudice «  est constitué par les troubles psychologiques qu’engendre la connaissance de ce risque par les salariés ».
S’agissant de la Normed, elle en a déduit que « le préjudice d’anxiété était né à la date à laquelle les salariés avaient eu connaissance de l’arrêté ministériel d’inscription . »

La reprise des créances sur l’anxiété par l’AGS

- Dans son arrêt du 2 juillet, la Cour traite de la question de la prise en charge du préjudice d’anxiété par l’Association pour la gestion du régime de Garantie des créances des Salariés (AGS).
Cet organisme patronal financé par les cotisations des employeurs, hérite des créances des employeurs défaillants. L’article L 3253-8 du Code du travail précise que l’AGS ne verse que « les sommes dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire »
La Cour d’appel d’Aix avait jugé que l’AGS devait garantir la créance fixée au passif de la Normed au titre du préjudice d’anxiété. Elle estimait en effet que ce préjudice découle d’un manquement fautif de l’employeur au cours de l’exécution du contrat de travail, c’est-à-dire antérieurement à l’ouverture de la procédure collective.
La Cour de cassation a cassé cet arrêt. Elle a jugé que l’AGS n’a pas, dans ce cas précis, à garantir la réparation du préjudice d’anxiété car la Normed a été inscrite «  au plus tôt le 7 juillet 2000  » c’est-à-dire «  à une date nécessairement postérieure à l’ouverture de la procédure collective ».

Cette jurisprudence restrictive risque d’impacter les salariés d’une série d’établissements dont la liquidation est ancienne, notamment dans les chantiers navals.


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°46 (septembre 2014)