« N’hésitez pas à contester un taux d’incapacité trop bas devant le TCI »

Le Tribunal du contentieux de l’incapacité (TCI)
est chargé de régler les litiges concernant le taux d’IPP (incapacité permanente partielle) en matière d’accident du travail et
de maladie professionnelle. De ce taux dépend le montant de l’indemnisation
qui sera versée sous
forme d’une rente ou d’un capital.

Qu’est-ce que le TCI ?

Ses missions

Le TCI est pour les victimes la voie de contestation du taux d’IPP attribué par la caisse primaire lorsque l’accident du travail ou la maladie professionnelle est consolidé. Mais c’est également la voie de contestation de l’employeur lorsqu’il n’est pas d’accord avec le taux d’IPP attribué à la victime.
Le TCI s’occupe aussi des litiges concernant l’attribution de la catégorie d’invalidité Sécurité sociale
(3 catégories) et la contestation des décisions de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) concernant les prestations comme l’allocation adulte handicapé (AAH), l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH)…

Sa composition

Le TCI est composé d’un juge « professionnel » et de deux assesseurs, l’un représentant les salariés et l’autre les employeurs.
Le TCI ne prend de décision qu’après avoir pris, en principe, l’avis soit du médecin expert présent auprès du tribunal qui fait sa consultation sur le champ, soit d’un expert chez lequel la victime est envoyée.

Les défenseurs

La victime peut soit se défendre seule, soit se faire assister d’un avocat ou d’un représentant qualifié des organisations syndicales et des associations de victimes ou d’un salarié exerçant la même profession ou du conjoint (ou pacsé ou concubin) ou d’un ascendant ou descendant en ligne directe.

Pourquoi un contentieux ?

Le taux d’incapacité permanente partielle (taux d’IPP ) est attribué par la caisse après avoir pris l’avis du médecin conseil qui rédige un rapport.
Les médecins conseils font la pluie et le beau temps et ont une tendance fâcheuse à tirer les taux d’IPP vers le bas, malgré les prescriptions des deux barèmes qui s’appliquent et qui sont complémentaires, le barème accidents du travail et le barème maladies professionnelles.
Il n’est donc pas étonnant que les contentieux devant le TCI soient très fréquents. La victime a un délai de deux mois pour saisir le TCI à compter de la réception de la notification du taux d’IPP.

Comment se passe une audience ?

Les médecins, le juge,
les assesseurs

Au niveau du TCI ce sont les médecins qui « font la loi », car les juges vont rarement à l’encontre des avis donnés par les experts sollicités, alors qu’ils en ont le droit. Il faut dire que le président n’est pas en fait un juge professionnel et que la qualité de son recrutement laisse dans l’ensemble à désirer. Quant aux assesseurs, ils servent la plupart du temps de « pots de fleur ».
En matière d’amiante, le dossier est obligatoirement soumis à un expert pneumologue extérieur et le résultat au TCI dépend donc de la bienveillance de l’expert.

Quel recours contre une décision du TCI ?

Si la victime n’est pas d’accord avec la décision du TCI, elle a un délai d’un mois pour saisir la CNITAAT (Cour nationale de l’invalidité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail).
Mais la victime n’a pratiquement aucune chance d’avoir gain de cause car les juges de la CNITAAT vont rarement à l’encontre des avis de leurs experts auxquels le dossier est soumis et ces experts sont pratiquement tous peu favorables aux victimes.
Par contre les caisses ont plus de chance si elles contestent devant la CNITAAT les décisions des TCI favorables aux victimes, car la plupart du temps le taux d’IPP est ramené, suite à l’avis des experts, au niveau attribué par le médecin conseil.
C’est pourquoi les caisses ne se privent pas de contester devant la CNITAAT. En fait, suite à une consigne nationale, elles contestent systématiquement dans leur ensemble les décisions des TCI favorables aux victimes.

Conclusions pratiques

Malgré les difficultés qui peuvent surgir, il ne faut pas hésiter à contester devant le TCI le taux attribué, si l’on n’est pas d’accord avec le taux, mais en tenant compte des prescriptions du barème maladies professionnelles (chapitre 6), accessible sur internet.
Pour être efficace, mieux vaut faire valoir devant le TCI des arguments médicaux solides et se faire assister par des militants.
Une permanence médicale se tient tous les mois au siège de l’Andeva à Vincennes. Des dossiers y sont régulièrement analysés. Ainsi peuvent être prodigués des conseils utiles pour affronter le TCI aux bénévoles des associations locales de l’Andeva qui le désirent.
De plus, le conseiller médical rédige régulièrement des avis écrits pour le TCI qui sont versés au dossier, à la condition que la victime « monte » à Paris pour le rencontrer.


TROIS EXEMPLES

1 / Les plaques pleurales

Le barème maladies professionnelles prévoit pour les plaques pleurales un taux d’IPP de 1 à 5 %, mais il existe depuis longtemps un consensus pour attribuer aux victimes un taux d’IPP minimum de 5 %. Dès lors, il ne faut pas accepter un taux d’IPP inférieur à 5 % et contester devant le TCI avec une chance de succès importante.
Si les plaques sont importantes, mais sans répercussion sur la fonction respiratoire, nous conseillons de contester devant le TCI pour essayer de décrocher un taux d’IPP 10 %, sachant que le résultat dépend de la bienveillance de l’expert pneumologue auquel le dossier est soumis. Un résultat favorable peut être fragilisé suite à la contestation de la caisse devant la CNITAAT.

2 / L’asbestose

Pour l’asbestose (fibrose pulmonaire) le taux d’IPP est surtout fixé en fonction des répercussions sur la capacité pulmonaire totale (CPT) et sur l’oxygénation du sang (PaO2). Mais il faut être vigilant, car les taux sont souvent attribués à la baisse.
Monsieur D., victime d’une asbestose, a contesté devant le TCI le passage de son taux d’IPP de 65 à 68 % lors d’une demande d’aggravation, alors que sa CPT est effondrée et que le taux d’oxygène dans
le sang est très bas, nécessitant une oxygénothérapie en continu.
Suite à une expertise favorable, le taux est porté à 95  % par le TCI (en fait la victime méritait 100 %).
La caisse a contesté devant la CNITAAT, mais elle était hors délai et sa demande a
été jugée irrecevable par la CNITAAT.

3 / Le cancer broncho-pulmonaire.

Le barème maladies professionnelles prévoit pour les victimes atteintes d’un cancer du poumon un taux d’IPP minimum de 67 %. Cette règle est rappelée dans la Charte AT/MP (éditée par la Caisse nationale d’assurance maladie) concernant l’amiante.
On a eu à traiter ces dernières années quelques cas où la victime s’est vue attribuer pour un cancer du poumon un taux inférieur à 67 %, par exemple 50 %, 30 % et même 20 %. Mais la situation a été rétablie au niveau du TCI et l’affaire en est restée là.
Monsieur C. est victime d’un cancer du poumon lié à l’amiante (il est d’ailleurs depuis décédé). La caisse lui attribue un taux d’IPP de 30 %. Suite à une expertise favorable, le taux est porté à 67 % par le TCI.
La caisse, qui n’est pas contente (en fait c’est le médecin conseil qui tire les ficelles) conteste devant la CNITAAT. L’expert de la CNITAAT vient de rendre son rapport et, en totale connivence avec le médecin conseil, propose de ramener le taux d’IPP à 30 %.
Nous sommes curieux de voir ce que vont faire les juges de la CNITAAT, auxquels nous avons rappelé que c’est le respect des règles qui primait avant tout et non pas l’opinion de leur expert.


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°46 (septembre 2014)