« Mon père, Benvenuto FINA, a découvert qu’il avait un cancer du poumon en 1978, par une radio chez le médecin du travail.

Il nous a répété que ce cancer ne venait pas des quelques cigarettes qu’il fumait mais de son travail, où il respirait beaucoup de poussières et de fumées. Préoccupée par son état de santé, je n’ai pas prêté attention à ses paroles.


On ne parlait alors pas beaucoup de maladies professionnelles et encore moins des dangers de l’amiante.


J’étais technicienne à la Sécurité sociale, je traitais les dossiers d’accidents du travail, mais nous étions très peu formés sur les maladies professionnelles gérées par les médecins conseils. Mon père travaillait dans une entreprise de chauffage climatisation. Chaudronnier, traceur, soudeur, tôlier, il était continuellement exposé à l’amiante, sans se douter de la perversité de ce produit qu’il trouvait très efficace.


Il aimait son métier. Il en était fier.


Ce cancer du poumon, deux ans après un terrible accident de voiture qui avait causé la mort de sa femme et lourdement handicapé son jeune fils, fut un traumatisme pour toute la famille.


Mon père était un homme fort, qui cachait ses angoisses à ses enfants, mais je devinais sa souffrance d’être seul, sans sa femme, face à cette épreuve.

Après son opération, il avait tenté sans succès de reprendre son activité.
Quelques années après, ce fut l’horreur des hospitalisations répétées, les bouteilles d’oxygène, l’amaigrissement, les angoisses nocturnes, le refus de voir ses amis par honte de sa déchéance, l’envie d’en finir...


Il ne voulait pas rester à l’hôpital. Il est décédé chez lui, dans les bras de ma soeur et moi, le 28 avril 86.


Des années après, lors d’une formation maladies professionnelles, j’ai réalisé que l’amiante avait tué mon père. J’ai été prise de remords de ne pas avoir pris ses paroles en compte. Par mon travail, j’étais en contact avec l’Addeva 93. Alain m’a expliqué que, suite à l’action de l’Andeva, une maladie dont la première constatation médicale est intervenue entre le 1er janvier 1947 et décembre 1998 pouvait être reconnue, y compris après un décès.

à ma retraite en 2009, je suis devenue bénévole de l’Addeva 93. J’ai repris le dossier de mon père. J’avais gardé ses certificats de travail et ses fiches de paye, mais je n’avais aucune pièce médicale et pas trace de ses collègues.


J’ai retrouvé son médecin de famille en retraite, qui m’a fait un certificat confirmant l’origine du décès. J’ai eu son dossier hospitalier et un certificat médical initial. Un frère et un cousin avaient travaillé avec lui. Ils ont témoigné sur ses expositions à l’amiante. Et sa maladie professionnelle a été enfin reconnue !


Puis, j’ai appris que l’Andeva avait fait passer le délai de prescription du Fiva de 4 ans à 10 ans et que j’avais jusqu’au 31 décembre 2013 pour monter les dossiers de ma famille, aidée par l’Addeva.


Il faut trouver le courage de se replonger dans les tristes souvenirs et de revivre des moments si difficiles. Que de larmes versées en décrivant sur les attestations la joie de vivre de notre père et sa lente agonie !

En décembre 2012 le FIVA nous a fait une offre d’indemnisation.
Nous n’osions pas y croire, cela nous semblait irréel. Cela ne nous a pas rendu notre père, mais justice lui a été rendue, après tant d’années, cela nous a mis du baume au coeur. Je pense que s’il peut nous voir, il doit être très content. »

Rosa FINA, épouse Geslin


Article tiré du Bulletin de l’Andeva N°38 (janvier 2012)