20 ans de surveillance

Le programme national de surveillance des mésothéliomes pleuraux (PNSM) a été créé en 1998. Il couvre 21 départements.
Dorothée Grange, de Santé Publique France, a tiré le bilan des 20 dernières années.
L’incidence du mésothéliome pleural augmente. Il y a aujourd’hui 1100 nouveaux cas par an. L’augmentation est plus rapide chez les femmes : le nombre a doublé en 20 ans et atteint 310 cas. Les régions les plus touchées sont le Nord, le Nord-Ouest et le Sud-Est.
La proportion des personnes atteintes de mésothéliome pleural ayant exercé une activité dans le BTP est en augmentation constante depuis 1998. Elle a atteint 50 % en 2016.
Les expositions professionnelles prédominent chez les hommes (neuf sur dix). Les expositions non-professionnelles sont plus importantes chez les femmes (une sur trois). Pour une femme sur quatre, aucune exposition à l’amiante n’est retrouvée.
Des évolutions analogues sont constatées en Italie et en Espagne.
Depuis 2012, le mésothéliome est une maladie à déclaration obligatoire (D.O.)comme la tuberculose : les médecins doivent signaler tout nouveau cas à l’Agence régionale de santé (ARS). En réalité, on est encore très loin de l’exhaustivité.
Une fusion du PNSM et de la D.O. en un organisme unique (DNSM) est annoncée, avec une prise en charge de toutes les variétés de mésothéliome.

Le lien entre amiante et cancer

Marie-Claude Jaurand, biologiste à l’INSERM, qui a beaucoup travaillé sur le mécanisme d’action des fibres d’amiante a évoqué la possibilité qu’un mécanisme analogue puisse intervenir pour les nanoparticules.

Les traitements validés

Arnaud Scherpereel, chef du service d’oncologie et de pneumologie thoraciques de l’hôpital Calmette à Lille a fait le point.
La chimiothérapie est le traitement standard du mésothéliome pleural malin. En première ligne l’administration conjointe de cisplatine et de permetrexed est la référence.
Au vu des résultats des essais MAPS 2, les dernières recommandations européennes et françaises (2019) préconisent d’associer le bevacizumap au traitement de référence en première ligne pour améliorer son efficacité.
La chirurgie est réservée à des patients très sélectionnés (moins de 5% des cas). Elle n’a d’intérêt, associé à un traitement multimodal, que si elle donne de meilleurs résultats que la chimiothérapie en terme de durée de vie et qualité de vie.
Le Dr Nicolas Venissac a insisté sur l’urgence d’une standardisation des études chirurgicales très hétérogènes, en l’absence de référentiel commun.
La radiothérapie occupe une place limitée dans le traitement du mésothéliome.

Des essais cliniques prometteurs

En cas d’échec du traitement de référence, aucun traitement de chimiothérapie n’est validé en deuxième ligne, mais divers essais cliniques prometteurs sont en cours :
- l’immunothérapie vise à restaurer les défenses immunitaires naturelles de l’organisme sur lesquelles le cancer a mis des « freins ». Pour cela, on peut avoir recours à deux stratégies :
- des anticorps (anti-PD-1/PD-L1, anti-CTLA-4…) pour « lever ces freins » (déjà validés pour d’autres cancers).
- des thérapies cellulaires où l’on utilise les propres cellules du malade (globules blancs…) prélevées par une prise de sang, activées en laboratoire puis réinjectées pour lutter contre son mésothéliome.
- des thérapies ciblées qui agissent sur un mécanisme précis dans l’évolution du cancer, tel que la formation de nouveaux vaisseaux sanguins dans la tumeur ou autour d’elle.
Ces techniques ont été brillamment présentées par de jeunes chercheuses et chercheurs passionnés. Pour des profanes, ces exposés étaient sans doute les plus difficiles à suivre.

Les examens « anapath »

Le diagnostic du mésothéliome est difficile. L’examen anatomopathologique (« anapath ») est l’outil de référence. Il consiste à examiner des tissus prélevés par biopsie au microscope pour repérer des anomalies. Il est complété par l’immunohistochimie (IHC) qui identifie des protéines situées dans les cellules d’un tissu.
Françoise Galateau-Sallé, du centre Léon Bérard, et Diane Lamotte du CHU Cochin ont fait le point.
« L’anapath » permet d’abord de savoir s’il s’agit d’une tumeur maligne (cancer) ou bénigne (« hyperplasie atypique ») ; puis de savoir s’il s’agit d’une tumeur primitive de la plèvre (mésothéliome) ou d’une métastase pleurale d’un cancer né dans un autre organe.
Dans le cas d’un mésothéliome, « l’anapath » et l’IHC permettent aussi de déterminer son type (épithélial, biphasique ou sarcomatoïde).
De nouveaux outils permettent de revoir le classement des différentes formes du mésothéliome en identifiant des « sous-types ». Ils sont indispensables pour le diagnostic mais peuvent aussi fournir un pronostic et donner des indications utiles pour la prise en charge thérapeutique.
L’intelligence artificielle (I.A.) et l’utilisation de banques de données biologiques et cliniques (MESOBANK) laissent prévoir de nouvelles et importantes avancées.

Les réseaux de centres experts

Il existe actuellement deux réseaux experts :
- le réseau MESOCLIN, créé en 2012 à l’initiative de l’Institut national du cancer (INCa), a été soutenu par l’Andeva depuis sa création. Il regroupe une quinzaine de centres experts cliniciens. Le Pr Arnaud Scherpereel à Lille en assure la coordination nationale.
- le réseau MESOPATH regroupe des experts anatomopathologistes. Le centre coordonnateur est basé à l’hôpital Léon Bérard à Lyon sous la direction de Sylvie Lantuejoul.
MESOCLIN et MESOPATH seront bientôt regroupés dans une structure commune appelée NETMESO.

L’objectif de cette structure commune sera de proposer à tout patient - quelle que soit sa situation géographique - une aide au diagnostic et un traitement optimal discuté en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) au plan régional et éventuellement national.

Les essais pré-cliniques

En amont des essais cliniques sur des humains ont été mis au point des modèles précliniques sur des cultures cellulaires humaines et sur l’animal.
L’équipe nantaise de Marc Grégoire et Christophe Blanquart utilise par exemple des lignées cellulaires de mésothéliome pleural malin établies à partir de liquides pleuraux des patients pour développer des structures cellulaires en trois dimensions qui permettent d’étudier l’efficacité de molécules cytotoxiques ou de stratégies d’immunothérapie.
Ils ont notamment travaillé sur le virus atténué de la rougeole capable de tuer de façon ciblée des cellules cancéreuses.
Par ailleurs, une présentation a été faite par Véronique Serre-Beinier, Medical School of Geneva, (Suisse) sur un modèle « in ovo » qui permet d’étudier la croissance de l’invasion tumorale, et l’efficacité des thérapies antitumorales en utilisant un oeuf.
Ce procédé semble simple et peu coûteux. Il permettrait de réduire l’utilisation d’animaux dans la recherche médicale.

Les droits des victimes

Jean-Claude Pairon, du CHU Créteil a rappelé que la reconnaissance d’une maladie professionnelle ouvrait droit à une rente ou un capital et - dès l’âge de 50 ans - à une cessation anticipée d’activité « amiante ».
Pierre Lesteven, médecin conseil du Fiva, a présenté le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante. L’Andeva a souligné l’importance des actions en faute inexcusable de l’employeur qui permettent de porter la rente au taux maximum.

Une importante sous-déclaration

Analysant les données du PNSM, Jean-Claude Pairon a indiqué 30% des patients ayant un mésothéliome n’ont déclaré leur maladie ni à la Sécurité sociale ni au Fiva (entre 2005 et 2017).
Cette situation porte gravement préjudice aux victimes et à leurs proches.
Associations et médecins doivent en analyser les causes et agir ensemble pour faire reculer cette sous-déclaration. Les journées francophones pourraient être l’occasion d’évaluer et de stimuler les avancées dans ce domaine.

 

Article paru dans le Bulletin de l'Andeva n°62 (janvier 2020)