Le 12 décembre dernier, l’Abeva, l’association de défense des victimes de l’amiante en Belgique, a présenté les résultats d’une étude réalisée par des démographes de l’association ADRASS.

Elle porte sur 237 travailleurs tués par l’amiante qui avaient travaillé dans deux usines de fibrociment  : Coverit à Harmignies et Eternit à Kapelleop- den-Bos.

Validée par des spécialistes du domaine, l’étude a calculé le nombre d’années de vie qu’ils ont perdues à cause de l’amiante, en se référant à la durée de vie moyenne de chaque génération. Les résultats sont accablants : en moyenne, leur durée de vie a été amputée d’un quart.

Ce travail scientifique n’aurait sans doute jamais pu exister sans l’opiniâtre travail de fourmi d’un « épidémiologiste aux pieds nus » : Michel Verniers, ouvrier de Coverit et membre actif de l’Abeva, qui avait minutieusement recensé tous ses collègues de travail décédés d’une maladie liée à l’amiante, avant d’être lui-même emporté par un mésothéliome le 13 décembre 2009.

« Les travailleurs décédés de l’amiante ont perdu en moyenne une vingtaine d’années de vie »

André Lambert, démographe membre de l’Association pour le développement de la recherche appliquée en sciences sociales (Adrass) a expliqué la méthodologie particulière de son étude :il ne s’agissait pas de calculer l’espérance de vie de l’ensemble des salariés d’une entreprise sur plusieurs décennies, car il n’était pas possible de connaître avec exactitude « la population des travailleurs soumise au risque. »

« Nous avons comparé les durées de vie de chaque victime aux durées de vie accomplies ou probables de sa génération, constituée de toutes les personnes nées la même année que la victime. »

« Nous avons travaillé à partir de deux sources : la liste de décès des personnes travaillant ou ayant travaillé à Coverit (Harmignies) établie par Michel Verniers et les données du Fonds des maladies professionnelles qui ont permis d’élargir l’étude à Eternit (Kapelleop- den-Bos et Tisselt) (...) Il s’agit d’ouvriers et de cadres des deux entreprises, parfois de voisins immédiats, voire d’épouses contaminées par la poussière contenue dans les vêtements de travail de leur mari. »

Pour réaliser cette étude, André Lambert a reconstitué un « tapis de tables de mortalité par âge etpar sexe, spécifiques pour chaque année entre 1895 et 2008. »

Pour la mortalité dans l’avenir, il a extrapolé la tendance à l’allongement de l’espérance de vie à l’oeuvre en Belgique ces dernières années. Il a aussi étudié l’hypothèse - peu probable - où la mortalité générale cesserait de diminuer et resterait constante à partir de 2009. Même dans ce cas, la durée de vie perdue par les victimes décédées serait encore de 19 ans.

Au vu des résultats de ce travail, financé par ce chercheur sur ses fonds propres, l’Abeva à invité l’Etat à mesurer la gravité des dommages subis et à prendre ses responsabilités pour améliorer l’indemnisation, la recherche et la prévention.

 

<p align="center"> 

Harmignies

Kapelle
-op-den-Bos

<p align="center">Nombre de cas étudiés

100

157

Nombre d’années perdues

20,77

21,17

Durée moyenne de vie des victimes

61,93

63,88

Durée moyenne de vie
des générations auxquelles
appartiennent les victimes

82,70

85,05 **

— -

(**)
Le nombre d’années perdues et les durées moyennes sont exprimés en années et centièmes d’années.

Les durées de vie accomplies ou probables des générations
auxquelles appartient la victime sont calculées à l’âge du décès.