L’usine du Pont a disparu du paysage. Une autre vie commence pour les riverains. « J’ai versé une larme quand j’ai vu les ouvriers arriver pour de bon », avait dit Odette Goulet, dont la maison se trouvait à moins de 3 mètres de cette usine, en pensant à son mari, tué par l’amiante. Il a fallu neuf années de lutte pour obtenir la déconstruction de l’usine. Jean-Claude Barbé, un des animateurs de l’Aldeva Condésur- Noireau, nous parle de ces neuf années de lutte.

« Les gens veulent tourner la page et recommencer une vie sans amiante »

Qui a lancé l’alerte ?

« C’est Rémy Goulet, qui a alerté notre association en 2006 sur les dangers de cette friche industrielle. L’usine du Pont fabriquait des tresses, des presse-étoupes et des tissus calorifuges en amiante. Elle avait fermé depuis 50 ans mais le site n’avait pas été dépollué. Les fenêtres avaient disparu. Le vent dispersait des fibres d’amiante sur le voisinage. La municipalité de l’époque ne semblait pas consciente du danger.

Qu’avez-vous fait ?

Nous avons réclamé la déconstruction et la dépollution du site. Il a fallu se battre pendant 9 ans pour y parvenir.

Au début, Valéo voulait confiner les déchets amiantés sur place. Nous nous sommes fermement opposés à cette proposition. Enfouir des déchets amiantés près d’une rivière en zone inondable, c’était risquer de polluer l’eau potable.

Avec l’association « Pour une vie sans amiante à Caligny  », présidée par Jocelyne Guillemin, nous avons combattu ce projet en demandant que l’usine soit désamiantée dans des conditions correctes. Notre action a eu un très large écho dans les médias.

Finalement, en décembre 2012, Valeo a accepté de déconstruire et d’évacuer les déchets hors du site. Les travaux ont pu alors commencer. Ils ont pris fin en septembre 2015. »

Comment réagissent aujourd’hui les riverains ?

C’est une grande satisfaction de ne plus voir cette usine qui a fait tant de mal.

Tout le monde veut tourner la page et recommencer une « vie sans amiante ».

Mais il y a aussi une certaine difficulté à s’habituer à ce nouveau paysage. Etune certaine amertume à se dire que des maladies auraient pu être évitées si celaavait été fait plus tôt.

Les dégâts humains sont considérables...

Certaines familles ont été très durement touchées.

Une amie adhérente de l’Aldeva, née à Caligny, avait grandi et joué à proximité del’usine. Elle a eu d’abord des plaques pleurales, puis un cancer bronchopulmonaire. Elle a été opérée trois fois. Son père est décédé d’un cancer du péritoine. Sa mère avait une maladie liée à l’amiante. Ses trois soeurs, elles aussi, étaient atteintes...

Je pense aujourd’hui avec émotion à nos amis disparus qui se battus à nos côtés pour la déconstruction de l’usine et qui ne sont plus là pour partager cette victoire avec nous : Rémy Goulet, Maurice Leroux et Michel Davy, tués par l’amiante.

Le problème d’un suivi médical des personnes ayant eu une exposition intra-familiale et/ou environnementale à l’amiante est donc posé.

Oui. Il y a toujours une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes et la crainte de nouvelles victimes. Un médecin du CHU de Caen, a proposé de faire un suivi des personnes exposées dans leur famille ou au voisinage de l’usine. Ce ne sera pas facile, car certains préfèrent « ne pas savoir ». Les pouvoirs publics devraient accorder davantage d’importance aux victimes environnementales ».