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Face à un risque grave tel que le risque amiante, le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) peut décider une expertise aux frais de l’employeur. C’est ce droit que le MEDEF veut aujourd’hui brider et remettre en cause. Une récente décision du Conseil constitutionnel apporte de l’eau à son moulin.

L’expertise CHSCT peut être un bon outil pour les représentants du personnel dans leur bataille pour la prévention. Mais les employeurs rechignent à financer une intervention extérieure qui pourrait leur rappeler leurs obligations de sécurité.

 

Ce que dit le code du travail

Les articles L4614-12 et L4614-13 précisent que c’est le CHSCT qui décide l’expertise et choisit l’expert (y compris contre l’avis de l’employeur) et que c’est l’employeur qui paye.

Il ne peut refuser l’entrée de l’expert dans l’établissement et doit lui fournir les informations nécessaires à sa mission.

L’expert a un mois (extensible à 45 jours) pour rendre son rapport.

L’employeur peut contester la nécessité de l’expertise, son coût, son étendue ou son délai de réalisation ainsi que le choix de l’expert.

 

Ce que demande le MEDEF

Pour « rogner les ailes » de l’expertise, il a posé trois revendications :

1) que l’expert soit choisi « d’un commun accord » avec l’employeur après appel d’offre ; autrement dit que le patron ait un droit de veto ;

2) que 20% des honoraires de l’expert soient pris sur le budget des instances représentatives du personnel, pour alléger la contribution de l’employeur ;

3) que l’expert n’ait plus que trois semaines pour rendre son rapport.

 

Ce qu’a dit le conseil constitutionnel

Lorsque l’employeur obtenait l’annulation d’une délibération du CHSCT sur le recours à l’expertise, le TGI laissait jusqu’ici les frais à sa charge (le CHSCT n’a pas de budget propre).

La société Foot Locker a saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

Le 27 novembre 2015, ce dernier y a répondu en estimant que le Code du travail et la jurisprudence pénalisaient les employeurs et portaient « atteinte au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre ».

Il a donné 13 mois au législateur (jusqu’au 1er janvier 2017) pour changer ces articles du Code du travail...

« Les entreprises ne seront plus les tiroirs-caisses des CHSCT », applaudit le Figaro qui cite les propos d’avocats des entreprises.

 

Qui va payer en cas d’annulation ?

Une avocate qui défend les entreprises propose des pistes de réflexion : « On pourrait obliger le CHSCT à payer en cas d’annulation de l’expertise. Ce qui suppose
de le doter d’un budget, ou, plus économique pour l’entreprise, de lui allouer une part de celui du CE »...

Un de ses collègues avocats surenchérit : « Le même raisonnement pourrait être repris pour les expertises du comité d’entreprise (CE), si une QPC était soulevée ».

Au travers de ces déclarations, il apparaît clairement que le but réel n’est pas l’équité entre justiciables mais la recherche d’un mode de financement des expertises qui dissuade les représentants du personnel au CHSCT et au CE d’y recourir.

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