Une instruction de la Direction générale du Travail (DGT) apporte un début de réponse, mais soulève encore bien des questions.

Ce n’est pas parce qu’on porte un masque qu’on est protégé contre l’amiante. Encore faut-il que les fines fibres de ce matériau cancérogène ne pénètrent pas à l’intérieur. Pour cela, il faut que l’employeur mette à disposition des salariés une protection respiratoire adaptée au niveau d’empoussièrement.

Les obligations de l’employeur

La réglementation impose à l’employeur :
- de faire une évaluation préalable de l’empoussièrement attendu dans la zone de travail ;
- de connaître le facteur de protection assigné (FPA) des diverses protections respiratoires ;
- de choisir un modèle dont l’efficacité garantira que la concentration en fibres d’amiante dans l’air respiré par le salarié à l’intérieur du masque ne dépassera pas la nouvelle valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP).

 

Les difficultés de mise en oeuvre

La VLEP est passée de 100 fibres à 10 fibres d’amiante par litre d’air (f/l) sur 8 heures au 1er juillet 2015. Mais le ministère a maintenu « transitoirement » inchangés les trois anciens niveaux d’empoussièrement réglementaires censés déterminer le choix de protections respiratoires adaptées (avec des bornes à 100 f/l, 6000 f/l et 25 000 f/l.)

Il a annoncé que ces niveaux seront réajustés dès que l’Instittut national de recherche et de sécurité (INRS) aura complètement terminé la réévaluation de l’efficacité des types de protections respiratoires.

D’où une situation confuse avec du « déjà plus » et du « pas encore » qui a motivé la publication d’une instruction du 16 octobre 2015 de la Direction générale du travail (1).

 

Une nécessaire modification des pratiques professionnelles

Cette instruction a le mérite de rappeler une évidence : Le respect de la VLEP de 10 f/l (2) est immédiatement applicable depuis le 1er juillet 2015, en prenant - faute de mieux - pour base le facteur de protection assigné connu des masques, même s’il est en cours de réévaluation. Cela crée des obligations précises pour les protections respiratoires :


- au-dessus de 3300 fibres par litre dans l’espace de travail, la seule protection respiratoire efficace sans restriction est la tenue étanche ventilée-pressurisée, « jusqu’alors très peu utilisée dans les chantiers de désamiantage » ;
- l’appareil isolant à adduction d’air, « qui suffisait pour respecter la VLEP de 100 f/l » n’est aujourd’hui considéré comme « adapté » par la DGT que si la durée journalière d’’exposition est réduite : à 3 heures par jour entre 3300 et 6000 f/l et à 2 heures par jour entre 6000 et 10 000 f/l. (au-dessus de 10 000 f/l, elle considère que l’appareil à adduction d’air est « non adapté » et que le port d’une tenue étanche ventilée-pressurisée est « incontournable »).
- Au dessus de 100 f/l, l’usage de quatre modèles de masques (3) est classé « interdit ».
- Quant au masque à usage unique FFP3, il est interdit pour les travaux de retrait (sous-section 3) et il n’est autorisé pour  les travaux au contact de l’amiante (sous-section 4) que pour une durée journalière maximale d’un quart d’heure.

Cela doit conduire les entreprises à modifier dès aujourd’hui leurs pratiques professionnelles, sans attendre les résultats de la réévaluation en cours sur l’efficacité des protections respiratoires.

Celles qui ne le feront pas doivent savoir qu’elles peuvent engager leur responsabilité pénale.

Cette instruction insiste aussi sur la nécessité d’une vigilance particulière pour les plâtres et enduits amiantés, qui provoquent « des niveaux d’empoussièrement pouvant être très importants » et « génèrent davantage de fibres fines d’amiante susceptibles de pénétrer plus facilement à l’intérieur du masque ».

Elle invite les
entreprises à « revoir les
processus et l’organisation
de ces chantiers »
 pour réduire
l’empoussièrement.

Vers une nouvelle évolution de la réglementation ?

L’instruction de la DGT
annonce que « le ministère
du Travail engagera une
concertation avec l’ensemble
des acteurs pour
faire évoluer plus en profondeur
la réglementation
dès que le rapport complet
et définitif de l’INRS sera
disponible. »

L’Andeva, forte de l’expérience
de ses associations
locales, est bien entendu
prête à participer à cette
concertation, en faisant
part des problèmes rencontrés
sur le terrain et en faisant
des propositions.

Mais
une question se pose :
Quand l’INRS
aura-t-elle terminé ?
La réévaluation de l’efficacité
des masques était
préconisée par l’Agence de
sécurité sanitaire dès 2009.
L’INRS avait donc tout le
temps de la mener à bien.
Or l’instruction de la DGT
annonce que « les résultats
concernant les APR à
ventilation assistée (VA) ne
sont pas attendus avant la
fin de l’année 2015 »
 et ne
donne aucun délai pour les
APR filtrants.
Ce retard est injustifiable.
Il risque de prolonger indûment
une période qualifiée
de « transitoire » par la Direction
générale du Travail.

— -

(1) réf : DGT/CT2/2015/238 (en ligne sur le site du ministère du
travail et sur celui de Legifrance).

(2) mesure en microscopie électronique (META), avec comptage
des fibres fines d’amiante.

(3) Il s’agit du masque FFP3, du demi-masque ou du masque
complet avec filtre P3, du demi-masque TM2P VA, de la cagoule
ou du casque TH3P VA.


MESURES D’EMPOUSSIEREMENT Certains labos agréés sont peu fiables

« L’INRS a constaté une sous-estimation
importante des niveaux d’empoussièrement
résultant des mesurages effectués
par les organismes accrédités
(OA) lors de retrait de plâtres, de retrait
d’enduits ou de retrait de flocages,
ses propres mesurages révélant des
niveaux d’empoussièrement excédant
largement à la fois le niveau attendu
dans les plans de retrait et le seuil
réglementaire maximal de 25 fibres
par litre. Il en résulte une sous-évaluation
du niveau d’empoussièrement
des processus en cause et un sous-dimensionnement
des équipements de
protection individuels au regard des
niveaux de risques. C’est toute l’évaluation
des risques (EVR) des entreprises
concernées qui se trouve ainsi
viciée, pouvant aboutir au final à une
exposition des travailleurs au-delà de
la VLEP et à un dépassement de la
borne supérieure du niveau 3 de 25000
fibres. »

(extrait de l’instruction de la
Direction générale du Travail)
Ce constat est grave. Il pose un problème
de formation, mais aussi un
problème de sanction, voire de retrait
d’agrément.