Les victimes attendent un procès pénal depuis près de 20 ans

Jean-François Borde, ancien ouvrier d’Eternit, est le président du Caper Bourgogne, une association qui a pris en charge les dossiers de 135 victimes d’Eternit Vitry-en-Charollais décédées de l’amiante.

Comme ses collègues de Caronte, Thiant, Saint Grégoire ou Albi, il attend depuis près de 20 ans un procès pénal qui ne vient pas.

Le PDG du groupe est mort dans son lit il y a deux ans sans avoir été jugé.
Au lendemain de son décès, Jean-François a dit son amertume et sa colère dans une interview au Bulletin de l’Andeva : « Si l’instuction traîne encore, il n’y aura plus personne à juger ! Cyrill Latty, ancien président de l’Association française de l’amiante, est mort en mars 2013 à 84 ans. Le baron de Cartier de Marchienne est mort en mai 2013 à 92 ans, quinze jours avant le verdict de son procès en appel à Turin.Joseph Cuvelier est mort en juillet 2014 à 78 ans. Je comprends l’écoeurement des veuves qui disent : il a tué mon mari et il ne sera jamais jugé. »

L’amertume et la colère sont montées d’un cran, quand il a appris qu’une expertise allait encore retarder le procès pénal d’un an. Le comble a été atteint à la mi-avril, quand Jean-François et 6 syndicalistes CGT ont reçu une convocation d’une juge d’instruction de Versailles pour être mis en examen !

Les faits remontent à 2011.Une action était menée au siège d’Eternit pour les salaires, contre le licenciement d’un élu CGT au CHSCT et contre l’installation d’une décharge « dépotoir national » de l’amiante d’Eternit sur le site de Vitry-en-Charollais. Eternit n’a pas admis que les locaux du siège aient été « visités ». Il a porté plainte.

L’annulation de l’autorisation administrative abusivement délivrée pour la décharge a été prononcée.

Cinq ans ont passé.

Alors que la juge d’instruction s’apprêtait à clore le dossier, les avocats d’Eternit ont réclamé des mises en examen.

Jean-Paul Teissonnière qui est l’avocat de Jean-François et des syndicalistes CGT, a dénoncé un scandale judiciaire qui s’ajoute au scandale industriel.
La convocation a été reportée au 25 mai.
Rien n’est réglé. La menace demeure.


Ils veulent un certificat de bonne conduite

Les avocats d’Eternit ont remis aux juges un rapport d’expertise complaisant qui explique que le Fibrociment était le matériau amianté le moins nocif, qu’Eternit a fait de la lutte contre l’empoussièrement une priorité stratégique et que la réglementation de l’époque a toujours été respectée...

Demander l’impunité pénale ne leur suffit pas. Ils veulent aussi les félicitations du jury !

Pour un peu, les morts de l’amiante devraient leur dire merci.


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Ils demandent à l’Etat de payer la facture de leurs fautes inexcusables

Condamnée pour faute inexcusable de l’employeur, la société Eternit n’a pas du tout apprécié de devoir indemniser la famille d’un ancien salarié du site de Saint-Grégoire près de Rennes, mort d’un mésothéliome à l’âge de 51 ans.

Elle a saisi la cour d’appel de Rennes qui a confirmé la condamnation.

Elle a alors saisi le tribunal administratif, en demandant que soit mis à la charge de l’Etat 160 000 euros pour les indemnités qu’elle avait versées et 10 000 euros pour son « préjudice moral » !

Le 6 novembre 2014, le tribunal administratif lui a donné gain de cause, suscitant l’incompréhension et la colère de la famille.

L’Etat a fait appel. L’Andeva et la veuve du défunt sont intervenus à la procédure. L’affaire a été plaidée le 12 avril devant la cour d’appel administrative de Versailles.

Le rapporteur public a jugé recevable l’intervention de la famille et de l’association.

ll a souligné qu’Eternit, dont l’amiante était la matière première, avait commis une faute d’une particulière gravité avant et après 1977 et s’est opposé à la mise à la charge de l’Etat d’une part des indemnisations.

Frédéric Quinquis, du cabinet Ledoux, avocat de l’Andeva et de la veuve, a détaillé les conditions de travail effroyables des salariés et rappelé les pressions efficaces d’Eternit sur les pouvoirs publics pour retarder l’interdiction de l’amiante.

La Cour administrative d’appel de Versailles rendra sa décision dans quelques semaines.