Robin des Bois est une association créée en 1985. Elle a pour objectif la protection de l’Homme et de l’environnement par toutes formes de réflexion et d’actions non violentes.

Elle publie un « Atlas de la France toxique » aux éditions Arthaud. Jacky Bonnemains, président de l’association et co-auteur de l’ouvrage nous explique pourquoi.

Comment l’idée de cet
Atlas est-elle venue ?

Jacky Bonnemains : C’est important pour nous de résumer les connaissances acquises en 30 ans de travail. La proposition d’Arthaud est tombée à pic.
Le plus difficile a été pour chaque sujet abordé de réduire en une page des mètres linéaires de documentation.

Nous avons proposé entre 30 et 40 textes sur des sujets qui nous semblaient majeurs, puis nous avons travaillé en coopération étroite avec un cartographe. En couplant les cartes et les textes, on réalise beaucoup mieux l’imprégnation des substances polluantes sur le territoire. C’est particulièrement vrai pour l’amiante. On se rend compte qu’elle est présente partout et du travail, lui aussi considérable, réalisé depuis des décennies par l’Andeva.
Vous évoquez beaucoup l’amiante dans cet Atlas.

J.B. En effet. L’amiante est un peu le fil rouge de cet ouvrage. En matière d’écologie, quel que soit le thème abordé, on est confronté à l’amiante.

Si vous évoquez des zones portuaires, vous devez parler de la déconstruction des navires. Or, 30 à 40% des bateaux qui partent aujourd’hui à la casse en Asie ont été construits en Europe dans les années 80-90 et sont bourrés d’amiante.

Même chose pour les incendies d’élevages. Hormis les désastreux dommages animaliers, deux tiers des bâtiments qui abritent des élevages sont recouverts de plaques de fibrociment. Les problèmes posés par la pollution des sols et le déblayage de ces déchets après les sinistres sont immenses.

Il y a aussi les problèmes purement environnementaux que l’on peut rencontrer en Corse avec la mine de Canari, ou en Nouvelle Calédonie à travers l’exploitation du Nickel.

Cette imprégnation du territoire par l’amiante se voit sur notre cartographie.
Vous abordez d’autres gros polluants comme les PCB (polychlorobiphényles) ou les pesticides.

J.B. Effectivement. La stratégie des industriels qui commercialisent ces produits est toujours la même. D’abord, ils lancent leur produit à l’aide d’un marketing très agressif en le présentant comme un produit miracle. Puis ils inondent le marché en déclinant pour des utilisations de toutes sortes.
Et, quand des lanceurs d’alertes comme des inspecteurs du travail commencent à relever les problèmes posés par le produit (pollution, maladies, etc), ils réduisent légèrement le marché en abandonnant quelques utilisations.
Enfin, ils font endosser la responsabilité de ces problèmes aux utilisateurs.

Pour cela, ils se transforment en « pédagogues ». Ils jouent aux éducateurs en donnant les bonnes pratiques qui selon eux, permettent l’utilisation sécure de leur produit. S’il y a des problèmes, ce sera la faute de l’utilisateur qui n’aura pas respecté leurs préconisations. De là découle le mythe de l’usage contrôlé, bien connu en matière d’amiante. Cette stratégie a d’ailleurs été inventée par la société Monsanto dans les années 30 pour le PCB et a ensuite été repris par Saint-Gobain, Eternit et consorts pour l’amiante, puis reprise par Monsanto pour les glycophosphates.

L’objectif inavouable étant, bien entendu, de continuer à commercialiser leurs produits aussi longtemps que possible avec les conséquences que l’on sait…

Vous abordez de nombreux autres sujets.

J.B. Nous savions que l’Atlas sortirait en mai, nous avons donc travaillé les sujets qui seraient d’actualité pendant l’été. Par exemple les feux de forêts qui n’ont rien à voir avec le réchauffement climatique mais tout à voir avec les négligences et le grignotage des espaces sauvages par l’urbanisation et les loisirs.

Nous travaillons aussi beaucoup sur la mer. Saviez-vous que les deux tiers du littoral français peuvent être considérés comme insalubres ? Les coquillages sont contaminés par la pollution bactérienne et métallique pour diverses raisons (stations d’épuration sous-dimensionnées, rejets de dragage des ports...). Les élevages d’huitres et de moules, et à travers eux toute une corporation de producteurs, sont en danger.

Par ailleurs, nous sommes les premiers à avoir travaillé sur le problème des porte-conteneurs. Ces énormes navires qui sont un peu les « diligences » de la mondialisation, perdent souvent leur chargement en mer. Ces pertes qui polluent l’océan sont très mal répertoriées pour de raisons de discrétion. Armateurs et assureurs s’entendent très bien sur ce point.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°52 (septembre 2016)