En 2008, le Médiateur de la République proposait de « faire bénéficier du dispositif les salariés employés en sous-traitance ou en intérim » [1]. L’idée était bonne, mais la loi n’a pas changé. Huit ans ont passé. Où en sommes-nous ?

LES DROITS DES INTERIMAIRES

Une circulaire

Une circulaire ministérielle du 14 décembre 2000 [2] ouvre le dispositif aux intérimaires à condition qu’ils fournissent à la CARSAT « des ordres de mission et des documents établis à une date comprise dans les périodes figurant dans l’arrêté inscrivant l’établissement »

A défaut « une attestation de l’entreprise de travail et une attestation de l’entreprise utilisatrice comportant chacune une description précise des périodes de mission dans l’établissement figurant sur les listes  ». Les périodes devront être attestées «  de manière certaine et concordante  ».

Le contentieux

Ces conditions. sont difficiles à réunir : le salarié n’a souvent pas conservé de justificatifs de son emploi à l’époque. Certaines entreprises ont disparu, d’autres refusent de délivrer des attestations.

Mais le salarié peut contester un refus de la Carsat.

En 2008, la cour d’appel de Rouen [3] a confirmé un arrêt de première instance qui ordonnait le départ en «  pré-retraite amiante » d’un intérimaire ayant travaillé des années dans une entreprise de la navale. Il avait produit des contrats de missions, une attestation de son agence d’intérim, un certificat de travail et des attestations d’anciens collègues. La Cour a estimé que ces documents concordants étaient des preuves suffisantes.

Un arrêt plus récent de la Cour d’appel de Bordeaux [4] a validé la demande d’un intérimaire qui avait produit des attestations d’anciens collègues en l’absence d’ordres de missions.

La société d’intérim et l’entreprise inscrite sur les listes ayant disparu, la cour a jugé qu’on ne peut lui «  faire grief de ne plus disposer de ses ordres de mission datant de près de 40 ans ».

Seul un examen au cas par cas dans le strict cadre de la circulaire de 2000 permettra donc à une juridiction de faire droit à la demande d’un intérimaire.
Il faudra notamment produire divers documents (certificats de travail, attestation rédigée par l’entreprise sous-traitante, témoignages de collègues) précisant son affectation au sein de l’établissement listé et la période d’activité.

LES DROITS DES SOUS-TRAITANTS

Une circulaire

Une circulaire de la CNAM de janvier 2006 [5] interdit aux salariés d’une entreprise sous-traitante, intervenue sur un site « classé amiante  », de bénéficier de l’Acaata, si l’établissement dont il est salarié n’est pas lui-même inscrit sur les listes.

Cette circulaire exclut tous les salariés sous-traitants qui ont travaillé sur un site inscrit sur la liste.

Le contentieux

« Quatre arrêts récents de la Cour de cassation [6] montrent que la porte n’est peut-être pas complètement fermée », explique Frédéric Quinquis.

La cour d’appel de Bordeaux avait jugé que chacun des anciens salariés sous-traitants pouvait bénéficier de l’allocation amiante, car il avait travaillé durant la période de référence «  au sein non de l’établissement de son employeur, mais d’un établissement figurant sur la liste fixée par l’arrêté interministériel du 3 juillet 2000 modifié, et avait été ainsi exposé habituellement au contact de l’amiante ».

La Cour de cassation a jugé qu’elle avait eu raison d’en déduire que le salarié était de ce fait « fondé à bénéficier de l’ACAATA pour la période litigieuse  ». (dans ces affaires, les salariés avaient travaillé en sous-traitance dans l’établissement listé avant d’en devenir eux-mêmes des salariés).

Il incombera aux juges du fond d’apprécier ce que signifie « exposition habituelle ».

Une voie semble s’ouvrir avec ces quatre arrêts de la Haute juridiction.
Le salarié en sous-traitance qui voudra s’y engager, en prenant appui sur cette jurisprudence, devra rapporter des preuves précises et concordantes, justifiant sa période d’emploi au sein d’un établissement listé en qualité de sous-traitant. Il devra aussi préparer méticuleusement en amont des pièces qui seront d’abord examinées par la CARSAT avant de l’être par le juge en cas de refus.

[1] Médiateur actualité N°35 (mars 2008)
[2] Circulaire ministérielle du 14/12/2000 (n°2000-607)
[3] Cour d’appel de Rouen, 08/01/2008 (n°07/01520)
[4] Cour d’appel de Bordeaux, 19/02/2015 (n°15/05652).
[5] Circulaire CNAM du 31/01/2006 (CIR-9/2006)
[6] Cour de cass. arrêts du 07/072016 (n° 15-20627 ...)