Un dispositif de rattrapage

Il existe deux dispositifs pour faire reconnaître une maladie professionnelle : le système des tableaux et le système complémentaire.

LE SYSTEME DES TABLEAUX

Le dispositif principal est le système des tableaux où sont énoncées les conditions nécessaires pour bénéficier de la reconnaissance.

Un tableau est constitué par trois colonnes :

-  à gauche : la colonne « désignation des maladies » répertoriant la ou les maladies prises en compte  ;

-  à droite : la colonne «  principaux travaux susceptibles de provoquer ces maladies » avec l’indication d’une « liste indicative » donc non exhaustive (exemple : tableau 30) ou d’une « liste limitative » très contraignante, excluant tous les travaux qui ne sont pas énumérés (exemple : tableau 30 bis) ;
-  au milieu : la colonne «  délai de prise en charge  », qui est le temps maximal à ne pas dépasser entre la fin de l’exposition et la 1ère constatation médicale (et non pas le certificat médical initial accompagnant la déclaration, qui peut être postérieur) ;

-  dans cette même colonne, pour certains tableaux, une « durée d’exposition » minimale.

Dès lors, si la victime satisfait aux critères énoncés dans le tableau, elle bénéficie de la présomption d’origine, qui ne peut être renversée par la caisse ou l’employeur que s’ils apportent la preuve que le travail n’a eu aucune influence dans la survenue de la maladie, ce qu’il est très difficile pour eux de prouver.

LE SYSTEME COMPLÉMENTAIRE

Le système des tableaux est un dispositif assez fermé laissant sur le bord du chemin un certain nombre de victimes parce qu’elles ne répondent pas à tous les critères du tableau ou que leur maladie ne figure pas dans les tableaux des maladies professionnelles.

C’est pourquoi a été crée en 1993 un système dit complémentaire constituant d’une part un système de rattrapage des tableaux et d’autre part donnant la possibilité de faire reconnaître une maladie liée au travail, mais qui n’est pas dans les tableaux.

Le principe est énoncé dans l’article L 461-1 du Code de la sécurité sociale aux alinéas 3 et 4.

L’alinéa 3

Il donne les conditions de rattrapage concernant les tableaux :

« Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime ».

L’alinéa 4

Il traite des maladies hors tableau :

« Peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraine le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux … au moins égal à un pourcentage déterminé » (25 %).

C’est au CRRMP qu’il incombe de donner son avis selon les cas sur un lien direct (3ème alinéa) ou sur un lien direct et essentiel (4ème alinéa). Cet avis s’impose à la caisse.

La procédure devant le CRRMP

LE COMITÉ

Il existe un CRRMP par échelon régional du contrôle médical de la Caisse nationale de l’assurance maladie des salariés.

Il est composé de trois membres

Ce sont tous des médecins. Ils ont la possibilité de se faire représenter dans les modalités définies à l’article D 461-27 du Code de la sécurité sociale :
-  le médecin conseil régional de la sécurité sociale,
-  le médecin inspecteur régional du travail,
-  un professeur des universités ou un praticien hospitalier particulièrement qualifié en matière de pathologie professionnelle.

Jusqu’à récemment les 3 membres devaient être présents pour que l’avis soit valide. Maintenant la présence de deux membres suffit dans le cadre d’un dossier traité en alinéa 3.

L’EXAMEN DU DOSSIER

La réunion

Le dossier est rapporté par un médecin conseil, notamment celui qui a examiné la victime. L’ingénieur conseil chef du service de prévention de la CARSAT (Caisse d’assurance retraite et de santé au travail) ou un ingénieur conseil désigné par lui est obligatoirement entendu. L’audition de la victime par le Comité est possible (il faut en faire la demande).

Le dossier

En application de l’article D 461-29 du Code de la sécurité sociale, il comprend :
-  la demande motivée de la victime,
-  le certificat médical initial du médecin traitant,
-  un avis motivé du médecin du travail,
-  un rapport de l’employeur,
-  les conclusions de l’enquête de la caisse,
-  le rapport du contrôle médical de la caisse et, dans le cas d’un dossier en alinéa 4, le rapport d’évaluation du taux d’IPP.

La victime (ou ses ayants droit) peut déposer des observations qui seront annexées au dossier.

Qui saisit le CRRMP ?

Le CRRMP peut être saisi directement par la victime ou par la caisse. Pour les dossiers relevant de l’alinéa 3, c’est la caisse qui prend le plus souvent l’initiative, au risque de le faire de façon parfois intempestive.

Les délais

Le CRRMP doit rendre son avis dans les six mois qui suivent la date de réception du dossier par la caisse
(correspondant aux trois mois d’instruction dévolus à la caisse plus trois mois complémentaires).

Mais le délai imparti au CRRMP pour rendre son avis dépend de la diligence de la caisse pour lui transmettre le dossier.

QUE FAIRE EN PRATIQUE ?

Pour mettre toutes les chances de son côté, il faut contrôler le processus dans toute sa durée..

Justifier l’exposition

Décrire le poste, joindre des, témoignages. Cette exigence est encore plus grande dans le cadre d’une maladie hors tableau.

Consulter le dossier

La caisse doit aviser la victime qu’elle va transmettre le dossier au CRRMP et lui proposer de venir en consulter les pièces auparavant.

Il faut impérativement le faire, pour contrôler son contenu, récupérer les documents qu’on n’a pas et produire des remarques éventuelles.

Ecrire des observations

Si la caisse transmet à tort le dossier au CRRMP alors que les critères du tableau sont remplis, il faudra contester la transmission avec des preuves sur l’exposition, sa durée ou le délai de prise en charge par exemple.

Si le dossier a déjà été vraisemblablement transmis, le mieux est d’adresser (avec copie à la caisse) les observations au CRRMP compétent : celui du lieu où réside la victime
(les adresses sont à la fin de la brochure « INRS ED 835 » téléchargeable sur le Net).

Pour les maladies hors tableau,

il faut s’appuyer sur la littérature médicale et notamment les études épidémiologiques pour savoir s’il est pertinent d’entamer une telle démarche.
En matière de cancérologie, le classement du CIRC (Centre international de recherche contre le cancer) est un outil précieux. Il distingue les agents cancérogènes avérés pour l’homme (groupe 1), les agents probablement cancérogènes pour l’homme (groupe 2A) et
les agents cancérogènes possibles pour l’homme (groupe 2B).

On dispose sur Internet de la liste régulièrement mise à jour des différents sites de cancers étudiés par le CIRC avec en correspondance les agents cancérogènes avérés et ceux pour lesquels les preuves sont limitées
(List of Classifications by cancer sites with sufficient or limited evidence in humans).

Concernant les cancers hors tableau liés à l’amiante le CIRC conclut à une relation causale clairement établie entre exposition à l’amiante et cancer du larynx ou cancer de l’ovaire. Il constate une association positive entre exposition à l’amiante et cancer du pharynx (notamment hypopharynx), cancer de l’estomac, cancer colorectal.

Pour les pathologies non cancéreuses la recherche bibliographique est plus laborieuse. Et il existe un verrou difficile à franchir : le handicap entrainé par la maladie doit justifier un taux d’IPP d’au moins 25 % pour que le dossier soit instruit dans le système complémentaire.


Le contentieux des CRRMP sera traité dans le prochain Bulletin de l’Andeva.