A ceux qui penseraient que l’amiante est un problème du passé, rappelons que, depuis le nouvel an, la fibre tueuse a causé dix morts par jour et que cette hécatombe va encore durer pendant plusieurs décennies.

Ce n’est pas la charité que réclament les victimes de l’amiante et leurs familles. C’est la justice. Elles ont, elles aussi, un cahier de doléances et des mesures concrètes à présenter aux pouvoirs publics.

Elles veulent obtenir des tribunaux et du Fiva des indemnisations en rapport avec la gravité de leurs préjudices.

En finir avec la sous-déclaration des maladies qui spolie des personnes laissées sans information et sans aide.

Obtenir du corps médical que les patients et leurs proches soient écoutés, respectés et impliqués dans les choix thérapeutiques.

Avoir un soutien de l’Etat aux recherches sur le mésothéliome, prometteuses mais freinées par une pénurie de moyens.

Donner aux juridictions civiles les moyens humains et financiers de fonctionner, leur situation, déjà très précaire, risquant encore de s’aggraver suite au transfert depuis le premier janvier du contentieux Sécurité sociale vers les tribunaux de grande instance.

Garantir la traçabilité des expositions à l’amiante et aux cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) pour faciliter le suivi et la prise en charge des maladies.

Organiser un suivi médical post-exposition pour les actifs et post-professionnel pour les retraités et les chômeurs, avec une large information des personnes concernées, des scanners rapprochés et des explorations fonctionnelles respiratoires (EFR).

Proposer un suivi post-consolidation à tous les porteurs de plaques pleurales.
Élargir le bénéfice du préjudice d’anxiété, limité par la jurisprudence actuelle aux personnes ayant travaillé dans un établissement ouvrant droit à la « pré-retraite amiante ». Prendre en compte la multiplicité des expositions pour d’autres produits CMR et des sites non inscrits.

Restaurer les Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

Permettre à tout citoyen de savoir s’il y a de l’amiante, où et dans quel état, dans une école, un hôpital ou une HLM, en mettant en ligne les dossiers techniques amiante (DTA) sur Internet.

Adopter un plan pluri-annuel d’éradication des vingt millions de tonnes de matériaux contenant de l’amiante encore en place dans notre pays. Avec priorité aux bâtiments recevant du public, et d’abord aux établissements scolaires.

Définir une politique cohérente de gestion des déchets amiantés pour éviter la multiplication des décharges sauvages : densifier le réseau de décharges agréées, organiser une collecte gratuite pour les particuliers, privilégier l’inertage sur l’enfouissement des déchets, en recherchant les procédés les moins coûteux et les moins énergivores.

Durcir les peines prévues contre les employeurs coupables de « mise en danger de la vie d’autrui ».

Arracher enfin le procès pénal que les victimes attendent depuis plus de vingt ans, pour juger tous les responsables de la catastrophe sanitaire de l’amiante, à commencer par les décideurs politiques et économiques.

Obtenir que la France milite pour une interdiction mondiale de l’amiante et pour le classement de l’amiante chrysotile comme produits dangereux (six fois refusé en douze ans à la Convention de Rotterdam suite au veto d’une poignée de pays producteurs).

Le programme est sans doute ambitieux. Mais le premier des droits de l’Homme, c’est le droit à la santé et à la vie.

Jacques FAUGERON
Alain BOBBIO