Il y a à Marseille une centaine d’écoles encore truffées d’amiante. La mairie s’est lancée dans d’importants travaux de rénovation et de démolition de 5 bâtiments vétustes et dangereux. L’association AVALÉ 13 est vigilante. Elle exige des mesures de prévention draconiennes pour protéger les enfants, le personnel et tous les intervenants.

De l’amiante partout, du sol au plafond

à Marseille une cinquantaine de groupes scolaires, soit une centaine d’écoles  ont été conçues et réalisées par le Groupement d’Études et d’Entreprises Parisiennes. Nathalie LACLAU, la présidente de l’AVALÉ 13, connait bien ces « écoles GEEP » : « Ce sont des bâtiments à structure métallique identiques au tristement célèbre collège Pailleron qui flamba en 1973, en faisant 20 victimes, car sa structure métallique n’avait pas résisté à la chaleur de l’incendie. Suite à cela, tous les bâtiments identiques, construits autour des années 60-70 ont été ignifugés avec de l’amiante. Il y en a partout, du sol au plafond. Vu l’état dégradé de ces écoles usées et jusqu’alors très mal entretenues, la mairie de Marseille s’est attaquée au lourd chantier de rénovation et démolition de cinq groupes scolaires dont  la situation était considérée comme la plus urgente. »

L’AVALÉ 13 a alerté la municipalité contre les risques d’une telle opération. « Nous avons été reçus plusieurs fois par l’adjoint à la mairie en charge du plan de rénovation des écoles, explique Nathalie. Les entretiens furent cordiaux. Instruits par des expériences malheureuses, nous avons souligné le risque énorme de voir ces chantiers bafouer la réglementation en matière de sécurité. A chaque fois, la mairie s’est voulue rassurante. »

Des photos inquiétantes

Les travaux dans l’école maternelle Malpassé les Oliviers ont commencé aux vacances de février avec notamment la démolition, d’une cloison nécessitant un désamiantage. Les enseignants inquiets n’ont pas voulu se fier aux propos rassurants de la mairie. Après cette première démolition, l’un d’entre eux s’est rendu à l’école durant les vacances  et a pris plusieurs photos qui mettaient en évidence de nombreux trous dans les murs, notamment là où la cloison avait été détruite.

« Nous avons transmis ces photos à l’élu pour lui demander des comptes, dit Nathalie. Nous lui avons dit que la rentrée des vacances de février ne pouvait absolument pas se faire dans des locaux qui se trouvaient dans cet état. »

La réaction ne s’est pas faite attendre, avec pour seule question « Qui a fait les photos ? »,  « Ne vous fiez pas aux rumeurs qui sont légions à Marseille », etc, etc.

Des mesures d’empoussièrement de l’air furent faites avant la rentrée. Leurs résultats furent négatifs.

Le verdict des lingettes

« Parmi les enseignants, quasiment personne ne fut vraiment rassuré, constate Nathalie. Aidés par l’association, les collègues ont fait des prélèvements surfaciques avec lingettes que nous avons fait analyser. Ces prélèvement ont confirmé la présence d’amiante, notamment dans la salle des maîtres où la cloison avait  été enlevée. Les résultats ont été aussitôt envoyés à la mairie.»

Aussitôt, branle-bas de combat à la mairie et chez l’inspectrice de l’éducation nationale : « Qui a fait ces prélèvements ? C’est interdit !  Ce n’est pas règlementaire ! »

Nathalie ironise : « Manifestement la présence d’amiante dans des locaux remis en service gênait beaucoup moins ces messieurs-dames, que le fait que l’on se soit permis de faire ces prélèvements. Mais les courageux enseignants « fautifs » ne se sont pas dénoncés et sont restés droits dans leurs bottes en répétant : « Le seul problème c’est l’amiante, le reste ne mérite même pas d’être discuté ».

La salle en question a été barrée par une simple rubalise, les trous dans les murs rebouchés à l’enduit et au scotch. La mairie a refait faire des mesures d’empoussièrement de l’air à nouveau négatifs, qu’elle nous a communiqués. »

L’inspection académique et les syndicats informés

« Nous avons interpellé le F3SCT (ex CHSCT). Les syndicats ont mis à l’ordre du jour de la première réunion de cette nouvelle structure, les travaux de cette école.  Une délégation de représentants de l’inspection académique et des syndicats a fait la tournée de l’école pour voir l’état de la maternelle, qui fonctionne normalement. Jusqu’aux grandes vacances, il n’y aura plus de démolition sur le site. »

Une nouvelle rencontre positive à la mairie

« Reçus depuis à la mairie, nous avons longuement parlé de cette école, mettant l’accent aussi sur le fait que si le Plan de rénovation des écoles commençait comme ça, il n’avait pas fini d’entendre parler de nous.»

La rencontre en présence de l’adjoint et de 3 personnes responsables du chantier, s’est malgré tout bien déroulée. « Nous avons dû un peu frapper sur la table, explique Nathalie, pour qu’ils entendent non seulement le point de vue des architectes et des entreprises, mais aussi le point de vue des victimes  et de l’association qui traite des dossiers d’enseignants malades ou décédés. Cela a remis les choses à leur place et contribué à changer le ton de la discussion. »

Trois membres de l’association assistaient à ce rendez-vous. Leur vécu a donné du poids à leurs interventions. Emmanuel a indiqué que son père, proviseur de lycée, est décédé d’un mésothéliome après des travaux dans son établissement.
Didier, ancien professionnel du bâtiment, et lui-même victime d’une asbestose, a montré qu’il connaissait sur le bout des doigts la réglementation amiante. Des connaissances qui ont cloué le bec à des responsables de la mairie.

« Nous avons eu le sentiment que la mairie a pris en considération ce que nous avons dit et appréhende différemment le déroulé des futurs travaux.

Signe positif : la discussion s’est terminé par cette phrase : « Qu’est ce que vous voulez qu’on fasse ? » Nous avons critiqué la méthodologie très discutable des mesures d’empoussièrement et demandé des mesures sur opérateur beaucoup plus fiables.  Nous leur avons dit de porter attention aux références et au sérieux des entreprises intervenantes.

Autre signe : des travaux analogues devaient commencer à la rentrée des vacances de Pâques dans une école en fonctionnement. Ils sont reportés aux grandes vacances.

A suivre !!! Nous serons toujours là pour vérifier ! »


L’AVALÉ 13

L’AVALÉ 13 a été créée en 2019 par des enseignants marseillais suite à la découverte de plaques pleurales d’une  collègue. L’association informe les enseignants et les parents sur les DTA et la présence d’amiante dans les écoles. Elle suit de très près le plan de rénovation des écoles à Marseille et a mené plusieurs actions, avec l’avocate Julie Andreu, en particulier sur le chantier de démolition du collège Versailles. Elle traite aussi des dossiers  FIVA et maladies professionnelles. Elle travaille en lien avec Urgence Amiante Écoles, collectif animé par Cyril Verlingue et Emmanuel Roy (également membre de l’AVALÉ 13).


Prélèvement surfacique

Le principe est simple : on frotte une surface à l’aide d’un chiffon qu’on envoie ensuite pour analyse à un laboratoire. Ce prélèvement, non prévu par la réglementation française, ne permet pas de quantifier très précisément le nombre de fibres d’amiante, mais il a le grand avantage de répondre par OUI ou par NON à la question : y a-t-il de l’amiante ?

Par un arrêt du 20 novembre 2013, la cour de cassation a jugé que la présence d’amiante sur une lingette imposait à l’employeur de prendre des mesures de prévention pour protéger ses salariés.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°71 (juillet 2023)