Faire reconnaître une maladie professionnelle est souvent un parcours du combattant. Obtenir un taux d’incapacité conforme à la gravité de son état peut aussi ressembler à une course d’obstacles. Les courriers incompréhensibles de l’administration, l’arrogance et/ou l’incompétence de certains experts, la lenteur des procédures judiciaires... Michel, Henri et Jacques ont connu cet épuisant marathon. Militants dans l’âme, ils sont allés jusque au bout. Et la justice leur a donné raison.


Michel Salard
(Caper Eternit Caronte)

"J’ai enfin obtenu que la justice me donne raison"

Michel a 88 ans. Il a travaillé 22 ans (de 1958 à 1979) chez Eternit Caronte, où il a été massivement exposé à l’amiante. C’est un fondateur et un pilier du Caper.

En 1995 il a des plaques pleurales reconnues avec un taux d’incapacité (IPP) de 10%.

En 2014, il demande une aggravation. La caisse refuse. Sa capacité pulmonaire totale (CPT) a baissé à 60% de la valeur théorique. Mais, pour le médecin conseil, cela vient surtout d’une tuberculose survenue il y a 66 ans, lors de son service militaire. II a fait toute sa carrière professionnelle sans rechute. Mais la CPAM n’en tient aucun compte.

Il conteste le refus d’aggravation.

En 2015, le tribunal du contentieux de l’incapacité (TCI) lui octroie une majoration de 10% après une expertise.

La CPAM maintient son refus. Elle demande à la Cour nationale du contentieux de l’incapacité (CNITAAT) d’Amiens d’infirmer cette majoration.

En décembre 2018, après une expertise, la CNITAAT confirme la majoration de 10%.

Michel reçoit cette décision 3 mois et demi plus tard, en mars 2019, 5 ans après sa demande d’aggravation !

Début mai, il n’avait toujours rien reçu de la CPAM...

« J’ai connu la douleur de perdre mon épouse décédée d’un mésothéliome en 2011 parce qu’elle avait lavé mes bleus, dit Michel. Mon handicap respiratoire s’est aggravé. Je m’essoufle au moindre effort. Mais j’ai la satisfaction d’avoir fait condamner Eternit pour faute inexcusable et d’avoir obtenu que la justice me donne raison contre la caisse des Bouches-du-Rhône. »


Henri Boumandil
(Addeva 93)

« J’ai convaincu le tribunal de
passer mon taux d’IPP de 60% à 100% »

Henri, 88 ans, secrétaire de l’Addeva 93, a été 20 ans électricien chez Alsthom.

En 1987, il a des plaques pleurales. Il obtient un taux d’IPP de 13% et fait condamner Alsthom pour faute inexcusable.

En 2005 survient une asbestose pulmonaire. La CPAM lui attribue un taux d’incapacité de 6% qu’il conteste.

Deuxième faute inexcusable.

En 2009, le TCI relève ce taux à 20%.

En 2015 son taux d’IPP passe à 40%.

En 2016, nouvelle aggravation. Il doit vivre sous oxygène, 24 heures sur 24. Un petit sac à dos abrite sa bouteille d’oxygène qui le suit partout.

En 2017, le médecin conseil de la caisse ne lui accorde pourtant qu’un taux d’IPP de 60%, très insuffisant au regard de son état et du barème médical en vigueur. Il conteste ce taux devant le TCI de Paris, en plaidant lui-même son dossier.

En 2019 le TCI porte son taux à 100%.

Le médecin conseil n’accepte pas cette majoration et fait appel !

« Si j’ai tenu si longtemps, dit Henri, c’est parce que je ne supporte pas l’injustice.

J’’étais sûr de mon bon droit.

Je n’ai pas accepté de mettre un genou à terre et de subir l’indifférence méprisante et l’incompétence de certains experts qui ont montré leur méconnaissance de mon dossier et affiché leur mépris.

Je n’ai jamais renoncé.

Au fil des années ma détermination s’est même renforcée.

Je n’étais pas seul. Le soutien permanent de mon association m’a aidé à tenir. »


Jacques Sourie
(Cridevit EDF) :

« J’ai dû attendre 3 ans l’attribution d’un taux d’IPP. »

Jacques Sourie a 72 ans.Il a travaillé dans les industries électriques et gazières pendant 33 ans, de 1966 à 1999. Il est président du Collectif régional d’information et de défense des victimes du travail énergie Poitou Charente (Cridevit) et administrateur de l’Andeva.

Il a deux maladies liées à l’amiante : des plaques pleurales diagnostiquées en 1985 et une asbestose diagnostiquée en 2015.

Dans un témoignage ahurissant, il a raconté dix-neuf années de galères et de combats judiciaires pour faire valoir ses droits (Bulletin de l’Andeva N° 58).

Aujourd’hui il se pose des questions :

- « Pourquoi mon médecin du travail avait-il écrit à mon pneumologue qu’il n’était pas nécessaire de déclarer mes plaques pleurales ?

- Pourquoi, ai-je dû attendre trois ans le taux d’IPP de mon asbestose ?

- Pourquoi le médecin de contrôle de la CPAM m’a-t-il délivré une attestation d’exposition pour les huiles minérales mais refusé de le faire pour l’amiante et d’autres cancérogènes ?

- Est-il normal que je paye un scanner de ma poche, alors que je devrais avoir un suivi médical gratuit ?

La bataille dure depuis 20 ans ! Si l’on n’a pas la fibre militante, on finit par abandonner. Mon engagement syndical et associatif m’a aidé à prendre conscience des enjeux et à tenir le coup. On ne se bat pas que pour soi mais surtout pour les autres.

En octobre 2018 j’ai fait condamner EDF pour faute inexcusable de l’employeur. Le tribunal a décidé une expertise médicale pour évaluer mes préjudices. J’attends toujours ma convocation... »