En France aujourd’hui 2,2 millions de salariés sont exposés à des cancérogènes dans leur travail [1].

Amiante, poussières de bois, rayonnements ionisants, silice, métaux (cadmium, chrome VI, nickel, cobalt), benzène et ses dérivés, fumées de diesel, brouillards d’acides forts, hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), pesticides et bien d’autres agents absents des tableaux de maladies professionnelles.

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« Selon les estimations du dernier plan cancer, de 14 000 à 30 000 personnes seraient chaque année victimes d’un cancer lié à leur activité professionnelle. Pourtant, moins de 2 000 d’entre elles obtiennent la reconnaissance de leur pathologie en maladie professionnelle par l’Assurance maladie », constate Anne Marchand dans la revue Santé et Travail [2].

La sous-déclaration des cancers professionnels est un phénomène massif y compris pour le mésothéliome, pathologie spécifique à déclaration obligatoire auprès des autorités sanitaires par les médecins. 40% des mésothéliomes ne sont pas déclarés en maladie professionnelle [3] !

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Dans le monde où nous vivons, déclarer un cancer ne va pas de soi.

Il y a des difficultés objectives liées au temps de latence entre exposition et maladie (30, 40, voire 50 ans) et au caractère multifactoriel de beaucoup de ces pathologies.
Il y a aussi la représentation sociale dominante du cancer, qui en fait très souvent un problème privé lié à des comportements personnels et très rarement un révélateur de la nocivité évitable des conditions collectives de travail.

Il y a la lourdeur des traitements du cancer qui mobilisent les énergies des patients et de leurs proches, peu disponibles pour des démarches administratives complexes.

Il y a la désinformation des salariés sur les risques des produits. Des dizaines de milliers de mineurs ou de métallos ont lavé leurs mains au
« trichlo ». Combien ignorent encore qu’il s’agit d’un cancérogène ?

Il y a la méconnaissance de leurs droits par les victimes et leurs proches, dont les médecins traitants ignorent souvent le B-A BA du système de réparation des maladies professionnelles.

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La sous-déclaration a des conséquences graves :

- Elle prive des milliers de victimes et d’ayant droit d’une légitime réparation de leurs préjudices et plonge des familles dans des difficultés financières évitables.

- Elle impute indûment le coût de ces maladies à la branche maladie financée par les assurés alors qu’il devrait être à la branche AT-MP financée par les employeurs [4].

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Pour faire reculer la sous-déclaration des cancers professionnels il faut agir sur divers leviers : l’information des salariés, la traçabilité des expositions, la formation des médecins, l’accompagnement médical mais aussi social des victimes et des familles...

Il faut aussi relancer le suivi médical des retraités et des chômeurs.

Dans un document récent [5], la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) se donne pour objectif de « faire connaître le suivi médical post-professionnel », « dispositif encore mal connu des salariés et des professionnels »

L’Andeva et la Fnath ont fait des propositions à la CNAM. Espérons qu’elles seront entendues.

Jacques Faugeron
Alain Bobbio