Le 20 juin, les chambres sociales de la Cour de cassation, réunies en formation plénière, examinaient les dossiers de 732 mineurs de Lorraine et de 39 cheminots de Marseille.

Ce jour-là se sont tenus une conférence de presse et un rassemblement unitaire place du Châtelet.

Une conférence de presse

Avant le rassemblement, François Dosso (CFDT Mineurs), Alain Bobbio (Andeva), Valentin Quadrone (CGT Energie) et Georges Arnaudeau (Cavam) ont répondu durant une heure aux questions des journalistes. Un dossier de presse très documenté leur avait été remis.

Un rassemblement Place du Châtelet

Venues de diverses régions de France, des délégations se sont rassemblées place du Châtelet. 250 mineurs de la section CFDT avaient fait le déplacement depuis la Moselle. Des délégations de la section CGT Energie et des associations affiliées à l’Andeva et à la Cavam participaient à ce rassemblement unitaire ainsi qu’une importante délégation de l’Usine Saint-Gobain de Thourotte.

Pour l’Andeva, l’Addeva 88, l’Adeva Centre, l’Adeva Rouen Métropole, l’Addeva 93, le Caper Bourgogne, l’Adeva Cherbourg et l’Adeva Picardie étaient présentes.

Un pupitre avait été installé place du Chatelet. Des représentants de toutes les organisations appelantes se sont succédés pour réclamer l’extension du préjudice d’anxiété à toutes les personnes exposées à des produits leur faisant courir un risque vital. Pour l’Andeva,c’est Jacques Faugeron, le président de l’association nationale qui est intervenu.

Une représentante des mineurs a lu à intervalles réguliers des témoignages de veuves sobres et touchants.

Le combat judiciaire des mineurs

Au même moment, le débat judiciaire s’engageait au Palais de justice.

732 anciens mineurs des Houillères de Lorraine, exposés à une liste impressionnante de cancérogènes (dont l’amiante) avaient demandé la réparation de leur préjudice d’anxiété devant les prud’hommes. Ils avaient reconnu ce préjudice mais n’avaient accordé qu’une indemnisation dérisoire de 1000 euros. Les mineurs avaient saisi la Cour d’appel de Metz qui les avait déboutés. Ils s’étaient alors pourvus en cassation.

« Ces maladies ne relèvent pas de la fatalité »

Devant la Cour de cassation, leur avocate Manuela Grévy évoque les multiples cancérogènes utilisés : les huiles de houille, la créosote, les huiles de coupe, le formaldéhyde, les rayonnements ionisants, l’amiante, le benzène… :
« Au moins 150.000 morts depuis 1945, dont 100.000 imputables aux seules maladies respiratoires. En 2004 encore, il y avait plus de 500 décès par an. Entre 3000 et 4000 fautes inexcusables ont été gagnées contre les Houillères. On ne peut pas dire que ces maladies professionnelles relèvent de la fatalité

En 2013, lorsque 745 mineurs exposés à de multiples cancérogènes ont engagé cette procédure, il n’y avait parmi eux aucun malade. Aujourd’hui l’on compte dans cette cohorte 231 maladies professionnelles reconnues dont 113 dues à l’amiante et 90 à la silice ! 41 d’entre eux sont décédés. »

Les Houillères ont manqué à leur obligation de sécurité. « Les mineurs n’avaient qu’un seul et même couteau pour couper les joints en amiante et pour couper leur casse-croûte. Ils travaillaient à sec, dans des nuages de poussières.

En 1981, alors que la réglementation prévoyait entre 2000 fibres par litre, on dénombrait sur les postes de travail entre 1400 et 107 000 fibres par litre. »
La Cour d’appel de Metz a balayé l’ensemble des preuves, considérant que des milliers de condamnations en faute inexcusable de l’employeur ne constituaient pas une preuve de l’exposition individuelle de chaque salarié.

On ne peut pas dire que ces maladies professionnelles relèvent de la fatalité. Elles sont le résultat d’une organisation du travail et d’une course au rendement, qui sont en contradiction avec l’obligation de sécurité qui incombe à l’employeur. »

Les arguments de l’avocate générale

L’avocate générale ne met pas en doute « la particulière pénibilité du métier de mineur ».

Sur le terrain du droit, elle admet qu’après le premier arrêt rendu par la cour de cassation le 5 avril, le préjudice d’anxiété puisse être reconnu par des salariés exposés à d’autres cancérogènes que l’amiante, à condition qu’ils apportent la preuve de la réalité de cette exposition et de l’anxiété qui en résulte.

Mais, dans le cas présent elle estime que la demande des mineurs de Lorraine doit être rejetée.

Elle considère que les dispositifs de pré-retraite des mineurs « ne peuvent être assimilés à cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante. »

Elle estime que l’appréciation des faits et des preuves relève « du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond » auxquels la Cour de cassation « ne saurait se substituer ».

Selon elle, la cour d’appel de Metz a bien fait son travail et il n’y a pas lieu de casser son arrêt « même s’il n’est pas rédigé d’une façon aussi rigoureuse qu’on pourrait le souhaiter ».

Juste après l’audience, la délégation et les avocats reviennent ensemble place du Châtelet où Cédric de Romanet fait un compte rendu.

La Cour de cassation rendra son arrêt le 11 septembre.