L’usine Rincheval (aujourd’hui Fomaro) fabrique des goudronneuses. 200 personnes y travaillaient il y a 20 ans. Elle n’en compte plus aujourd’hui que 56.
Jusqu’en 1996, tout le système de réchauffage du goudron était calorifugé par des cordons d’amiante, posés par le personnel des ateliers.
Onze ans après l’interdiction, des mesures révèlent un dépassement des valeurs limites d’exposition dans deux ateliers.


 

Valeurs limites dépassées = personnel en danger

 


Valter Zarri, élu CFDT et secrétaire du CHSCT, raconte : « Jusqu’à l’interdiction en 1997, les cordons d’amiante arrivaient par ballots de 5 kilos. La poussière voltigeait dans les ateliers. »

Son père, qui l’a fait embaucher comme électricien, est mort il y a 13 ans d’un cancer de l’amiante. Il y a aujourd’hui 3 maladies reconnues et 4 décès dus à l’amiante.

« Le CHSCT a demandé maintes fois combien d’amiante avait été acheté et stocké avant l’interdiction. La direction n’a jamais répondu ».

Rincheval a été inscrite sur les listes ouvrant droit à la cessation anticipée d’activité amiante en janvier 2007. La direction a alors contesté cette inscription. Le syndicat CFDT et le CHSCT ont fait appel au cabinet Teissonnière pour défendre le dossier.

« Le mémoire de l’avocat est arrivé en juillet. En septembre la direction tentait de me licencier… pour vol ! J’ai 30 ans d’ancienneté.
L’inspection du travail a a été alertée. La tentative a échoué. J’ai été réintégré, mais ils m’ont saqué. J’étais adjoint du responsable de production. On m’a mis dans un placard. J’ai continué malgré tout mon combat dans l’entreprise ».

En octobre 2007, le CHSCT demande des prélèvements d’air dans les ateliers (les derniers avaient eu lieu en 2004). La direction refuse. La CRAM écrit à la direction pour appuyer cette demande.
Résultat des mesures : 5,1 fibres par litre sur deux postes. Les valeurs limites sont dépassées. Le personnel est en danger. Les élus ne l’apprendront que trois mois plus tard...

La direction demande à Veritas de refaire un prélèvement. Il a lieu le week-end, en l’absence de toute activité susceptible de provoquer des vibrations et des mouvements d’air mettant les fibres en suspension. Cette fois-ci, les résultats sont inférieurs aux valeurs limites...

Mais Veritas signale la présence de joints en amiante. Personne n’était informé. Des ouvriers perçaient, meulaient ces joints sans savoir qu’ils contenaient de l’amiante, provoquant des pics de pollution dans les ateliers...

En décembre le CHSCT se réunit, en présence du médecin du travail de la CRAM et de l’inspection du travail. Tous trois soulignent le danger.
La direction décide alors de faire cesser le travail dans les ateliers. A la veille de Noël, après une réunion extraordinaire du C.E., les salariés sont priés de rentrer chez eux sans un mot d’explication.

Ils ne seront informés officiellement que 10 jours plus tard par une lettre
leur demandant de revenir travailler le
7 janvier.

Ce jour-là, au cours d’un C.E. extraordinaire convoqué à 7 heures du matin, les délégués sont informés que des mesures conservatoires ont été prises : l’atelier a été mis sous confinement pour être dépollué. L’opération est en cours. Le personnel sera déplacé dans un autre bâtiment durant les travaux.

« Le CHSCT demande un retrait complet des poussières d’amiante présentes dans les ateliers ainsi que des contrôles, dit Valter. Il demande aussi le repérage de tous les joints amiantés et leur élimination comme déchets amiante. Nous n’acceptons pas que la direction nous ait laissé travailler sans dire que les niveaux d’empoussièrement étaient supérieurs aux normes. Nous allons déposer une plainte pour mise en danger d’autrui. Deux actions en faute inexcusable de l’employeur sont en cours ».


Article extrait du Bulletin de l’Andeva N° 25 (janvier 2008)