La justice s’intéresse enfin au rôle de la médecine du travail dans le scandale de l’amiante

Le docteur Claude Raffaelli, a été médecin du travail pendant plus de vingt ans chez Ferodo-Valéo à Condé-sur-Noireau. La juge d’instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy lui a notifié sa mise en examen dans le dossier des plaintes pour homicide et blessures involontaires déposées par des victimes des usines d’amiante, par l’Andeva et l’Aldeva de Condé-sur-Noireau.

Il devra aussi s’expliquer sur sa participation au comité permanent amiante (CPA), structure de lobbying mise en place par les industriels pour éviter l’interdiction de ce matériau cancérogène et retarder toute réglementation contraignante.

Pour l’Andeva, la FNATH et le comité anti-amiante Jussieu, qui ont salué l’événement dans un communiqué commun, « cette première mise en examen d’un médecin du travail, dans le dossier de l’amiante mais aussi dans l’histoire de la médecine du travail, revêt une importance capitale. »
Cette décision confirme que « l’instruction des plaintes, après avoir été véritablement bloquée pendant près de dix ans, progresse enfin »,
 même si les moyens donnés pour l’instruction sont insuffisants.

Les associations « se félicitent que la justice demande enfin des comptes à la médecine du travail.

Le cas du Dr. Raffaelli est sans doute l’exemple le plus caricatural d’un médecin du travail qui s’est mis au service de son entreprise et des industriels au mépris de la santé des salariés qu’il était chargé de surveiller

Cela dit, sur ce dossier de l’amiante, il est évident – au-delà des responsabilités individuelles – que c’est l’institution qui a été totalement défaillante. Les médecins du travail sont des acteurs majeurs dans la prévention des risques professionnels. Ils savaient ou auraient dû savoir que l’amiante était un produit cancérogène. Ils auraient dû – à tout le moins - avertir les personnes exposées des dangers encourus, ils auraient dû alerter les autorités sanitaires, mettre en œuvre des moyens de surveillance adaptés et, compte tenu des enjeux de santé publique, utiliser tous les moyens mis à leur disposition par la réglementation pour agir plus efficacement auprès des employeurs afin que ces derniers prennent les mesures de prévention nécessaires.

Mais au-delà, les associations de victimes interpellent l’ensemble de la profession. Aujourd’hui encore, malgré l’affaire de l’amiante, qui est la plus importante catastrophe sanitaire que notre pays ait connue, il apparaît très clairement que la médecine du travail ne remplit pas pleinement sa mission. S’il ne s’agit pas de culpabiliser individuellement les médecins du travail, force est de déplorer des lacunes graves pour la santé publique.

Trop souvent, les certificats médicaux permettant aux victimes de déclarer leur maladie professionnelle, ne sont pas établis par la médecine du travail, au motif que cela serait très mal vu par les chefs d’entreprise.

Trop souvent encore, les fiches d’entreprises dans lesquelles la médecine du travail a obligation réglementaire de mentionner les risques professionnels auxquels sont exposés les salariés sont lacunaires, voire inexistantes.

Trop souvent, la médecine du travail relaye le discours et les impératifs économiques de l’entreprise, alors qu’elle doit se situer dans l’intérêt exclusif de la santé des salariés.

Enfin, force est de constater que les autorités publiques chargées de contrôler l’action de la médecine du travail et de garantir son indépendance ne remplissent pas non plus leur rôle.

Malgré les défaillances constatées chaque jour, combien de services de médecine du travail voient leur agrément délivré par les Directions régionales du travail remis en question ?

Les associations de victimes souhaitent que cette affaire serve enfin de leçon et que ces problèmes pourtant évidents soient traités sérieusement.

Elles rappellent que le rapport de la mission d’enquête de l’Assemblée nationale recommandait la création d’un grand service public de la santé au travail.

Il serait temps que cela soit mis en œuvre et que l’on ne se contente pas de demi-mesures comme celles proposées par la récente conférence nationale sur les conditions de travail. »


LE CANARD MET LES PIEDS DANS LE PLAT

Le 2 décembre 2007, un mois après la mise en
examen du Docteur Raffaeli, est paru au Journal officiel un arrêté qui entérine sa nomination comme représentant syndical CFE-CGC au conseil d’administration du Fonds de gestion de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA.

Le Canard Enchaîné a diffusé l’info en demandant au ministère s’il voulait « faire tousser la
Justice »…


Article extrait du Bulletin de l’Andeva N° 25 (janvier 2008)