Daniel est décédé d’un cancer du côlon. Nous publions ici des extraits du témoignage qu’il avait fait pour un collègue du travail.

J’ai commencé à travailler chez Norton à La Courneuve en 1973. J’ai travaillé aux réfractaires jusque fin 1979. Nous fabriquions des pièces en réfractaire, des moules et des plateaux : entre 50 et 100 pièces dans la journée.

Nous étions en contact permanent avec l’amiante, mais, à l’époque, nous en ignorions les dangers.

Une fois que les pièces étaient faites, on retournait le moule sur des plaques Pical qui faisaient 50×50 et qui pesaient dans les 1,5-2 kg. Ces plaques Pical étaient des pièces amiantées et très friables, surtout qu’on tapait avec un gros maillet sur le moule à l’envers pour décoller les pièces. Avec les chocs, la chaleur et le poids des pièces et des moules, elles avaient tendance à se détériorer et à faire de la poussière d’amiante. Elles se dégradaient et s’érodaient aussi sous l’action du dépilage. Le gars qui dépilait, les prenait une fois vides, les mettait sur une plateforme les unes sur les autres.

Les poussières d’amiante étaient partout et, à l’empilage et au dépilage, on transportait de l’amiante avec nous de tous les côtés. Et puis, les moules qu’on posait dessus faisaient parfois 25 kg, ce qui ne les arrangeait pas. On respirait les poussières d’amiante directement, on n’avait ni masque ni aspiration.

Certaines pièces contenaient des paillettes d’amiante plus fines que des aiguilles de pin. Elles arrivaient dans des sacs. Elles étaient utilisées dans certains mélanges. On les reconnaissait à leur couleur blanche.
Quand les pièces étaient démoulées, on en mettait certaines sur des plateaux en bois, d’autres sur des plaques de Pical en amiante (elles devaient résister à la chaleur). Elles faisaient à peu près 3 ou 4 centimètres d’épaisseur et mesuraient un mètre sur 60 centimètres. On mettait 10 à 30 pièces par plateau. Quand ils étaient remplis, ils allaient dans les séchoirs. On respirait là de sacrées odeurs. Quand on les posait sur celles du haut, ça raclait, on se prenait la poussière d’amiante sur la tête.

Quand les plaques Pical et les plateaux amiantés ont été retirés, on ne les a pas jetés pour autant. Longtemps ils sont restés là. Ils servaient toujours quand on manquait de place...

À l’époque, on ne savait pas trop ce qu’on manipulait. La direction a toujours eu du mal à reconnaître la présence de l’amiante. Beaucoup de mes collègues de travail ont été contaminés par l’amiante. Moi-même j’ai des plaques pleurales dues à l’amiante reconnues en maladie professionnelle. J’ai aussi un cancer du côlon opéré. Je suis convaincu que cette deuxième maladie est, elle aussi, due à l’amiante.


Article extrait du Bulletin de l’Andeva N° 25 (janvier 2008)