Nous avons choisi de nous adresser à vous dans les colonnes du bulletin d’information diffusé à tous les adhérents de l’Andeva. En le lisant, vous mesurerez à quelles difficultés quotidiennes se heurtent les victimes et leur famille.

Vous verrez que l’affaire de l’amiante n’appartient pas au passé. C’est au présent que se vivent les difficultés pour la réparation des préjudices et la prévention des risques.

Nous souhaitons attirer votre attention sur quatre problèmes récurrents :

En premier lieu la prévention : L’exemple scandaleux du CHU de Caen le montre : si l’amiante est interdit depuis le 1er janvier 1997, les expositions continuent.

La France a l’une des meilleures réglementations de la planète pour le repérage et la gestion de l’amiante en place ainsi que pour la protection des salarié. Mais cette réglementation est peu ou mal appliquée : insuffisance des contrôles, absence de sanctions suffisamment dissuasives, manque de transparence et de traçabilité des diagnostics amiante…

La volonté politique de remédier à cette situation ne semble pas au rendez-vous.

L’amiante n’est pas seul en cause. Selon les chiffres du ministère du Travail 3,5 millions de salariés sont exposés à des produits cancérogènes.

A l’heure où les épidémiologistes prévoient 100 000 morts de l’amiante, comment accepter que les pouvoirs publics ne mettent pas tout en œuvre pour éviter de nouvelles contaminations ?

Le second problème dont nous souhaitons vous saisir c’est l’incompréhension débouchant et la colère des victimes face aux dysfonctionnements de la justice.

Nous nous retrouverons pour manifester devant la Cour d’appel de Douai, le 9 mai prochain où seront examinés les dossiers de soixante victimes auxquelles le Tass de Lille avait accordé des indemnisations dérisoires.

Comment expliquer aux victimes que ce tribunal, qui évaluait le montant des préjudices de victimes atteintes de plaques pleurales à 48 000 euros, n’accorde aujourd’hui à des personnes ayant la même maladie et subissant les mêmes préjudices que 3000 euros, voire zéro ?

Comment expliquer aux victimes que l’indemnisation de leurs préjudices, d’un tribunal à l’autre, d’une cour d’appel à une autre, varie dans des proportions telles – à pathologie, taux d’IPP et situation sociale comparables – que la justice civile s’apparente à une vaste loterie ?
Comment expliquer aux justiciables que, dans le ressort de certains tribunaux des affaires de Sécurité sociale, comme à Marseille, ou au Havre, il faille attendre jusqu’à cinquante mois pour qu’une affaire soit plaidée ?

Qu’il s’agisse du montant des indemnisations, de la qualité de ces expertises ou des délais, notre expérience de 10 000 procédures judiciaires menées par des victimes de l’amiante nous fait porter un regard extrêmement critique sur le fonctionnement de la Justice civile française.

Nous attendons du futur Président de la République qu’il remédie à ces problèmes récurrents déjà bien documentés par plusieurs rapports.

En troisième lieu, nous attendons une réforme améliorant la « préretraite amiante ».

L’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (Acaata) doit permettre aux personnes qui, du fait de leur exposition à l’amiante, ont une espérance de vie réduite, de cesser le travail avant l’âge légal de la retraite.

Dans les faits, cette conception équitable peine à s’appliquer et reste très inégalitaire. La majorité des personnes contaminées n’y a pas accès. Par exemple, le secteur où l’on rencontre le plus grand nombre de victimes, celui du bâtiment, n’ouvre pas droit à cette disposition.
En conséquence, nous demandons la création d’un dispositif complémentaire à celui existant.

Enfin, nous persistons à demander la réparation intégrale des préjudices des victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles.
La société française ne peut plus tenir le monde du travail à l’écart de l’évolution de la réparation des dommages corporels. La persistance d’une différence de traitement entre les victimes, selon l’origine du dommage, constitue une discrimination de plus en plus intolérable.

François DESRIAUX
Président de l’Andeva



Article paru dans le Bulletin de l’Andeva N°22 (avril 2007)