Comment est née votre association ?

Elle s’est créée en octobre 86 à la demande d’un groupe de femmes. Elles souhaitaient qu’à leur sortie d’hôpital les femmes ayant eu un cancer, puissent recevoir une aide. Il y avait une porte à ouvrir…
Notre action s’est d’abord centrée sur la ville de Montfermeil (en Seine-Saint-Denis), puis elle s’est élargie à d’autres communes et à d’autres départements, pour prendre une dimension nationale. Elle a aujourd’hui 600 adhérents.

Quel a été le ressort de votre engagement ?

Lorsque ma fille a été hospitalisée, il y a plus de vingt ans, j’ai été profondément choquée par l’indifférence qui régnait dans cet hôpital. Quelqu’un pouvait circuler en larmes dans les couloirs, sans que personne n’aille vers lui pour lui demander : « qu’est-ce qui ne va pas ? ».
La solitude a des effets terribles. Je suis convaincue qu’on peut mourir de solitude.

Quelle aide pouvez-vous apporter aux malades atteints d’un cancer ?

Il y a d’abord une écoute et un soutien moral. Chaque jour, huit bénévoles passent des appels téléphoniques. L’an dernier, nous avons appelé près de 500 malades.
Nous ne le faisons que si une personne exprime le souhait d’être appelée. Nous ne démarchons pas les malades. Nous n’allons les voir que s’ils en font la demande.
L’association est connue. Les malades savent qu’ils peuvent échanger avec des femmes et des hommes qui ne sont pas des soignants. Il n’y a pas de limites aux sujets qu’ils peuvent aborder. Ils peuvent « se lâcher »...
Il y a une convergence entre malades, aides-soignants et association.

La tâche des bénévoles est difficile. Comment y sont-ils préparés ?

Au départ il y a une motivation forte. La plupart d’entre eux ont été confrontés au cancer ou à l’hospitalisation, soit directement, soit à travers l’expérience d’un proche. Ils sont sensibilisés.
Nous ne sommes pas des psychologues professionnels. Mais un bénévole doit être à l’écoute, comprendre une situation et s’y adapter, sentir un état de fatigue...
Nous avons mis en place deux groupes de parole : l’un pour les bénévoles, l’autre pour les malades. Ils se tiennent une fois par mois pendant deux heures, avec un psychologue, qui a longtemps travaillé en oncologie et dans un service de soins palliatifs.

Vous apportez aussi une aide matérielle.

Oui. Aux difficultés de la maladie s’ajoutent souvent des problèmes financiers. Il n’y a pas que la pathologie.
Beaucoup de malades ont un parcours difficile, avec des divorces, des pensions alimentaires non versées. Sur dix femmes que nous aidons, neuf vivent seules. Nous essayons d’être à leurs côtés.
En cas de difficultés financières, la situation est d’abord étudiée par une assistante sociale, puis nous constituons un dossier complet (pathologie, revenus, charges, justificatifs…).
Nous montons aussi des projets, comme la venue d’une esthéticienne pour les malades à l’hôpital.

Avez-vous un débat avec les médecins sur leur pratique professionnelle ?

Avec le « Plan cancer », des choses ont commencé à bouger, mais, sur le terrain, on rencontre encore beaucoup de difficultés.
Le malade est soigné, mais son conjoint n’est pas assez souvent pris en considération par l’équipe soignante.
Je ne suis pas sûre que tous les médecins mesurent l’effet d’annonce d’un cancer. La personne qui va voir son oncologue reçoit un choc : quand le mot « cancer » est lâché, il n’y a plus de retour en arrière. 9 personnes sur 10 à qui on a fait cette annonce ne se souviennent même plus des explications qui l’ont suivie. C’est une épreuve qu’on ne doit pas affronter seul. Il est impensable qu’on laisse une personne rentrer seule chez elle, sans même lui fixer un rendez-vous, alors qu’elle en a pris plein la figure.
Il y a tout de même une évolution : quand les associations abordent ce sujet, elles commencent à être écoutées.
Il y a aussi les dépassements d’honoraires : une personne va verser à un médecin 1500 euros, alors qu’elle en aurait besoin pour manger ! Quand on lui dit qu’elle ne devrait pas, elle répond : « si je ne paye pas, je ne suis pas soigné. Si je ne suis pas soigné, je meurs... » . Il serait temps que l’on comprenne que tout ne s’achète pas….
Les médecins qui font des dépassement excessifs devraient être sanctionnés.
Un malade doit avoir le droit de refuser de payer.
Un médecin ne doit pas avoir le droit de refuser de soigner.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°26 (mai 2008)