C’est le taux d’incapacité (taux d’IPP) fixé par le médecin conseil qui détermine le montant de l’indemnisation accordée par la caisse primaire de Sécurité sociale.

Avec un minimum d’expérience, on peut, sans être
médecin, repérer des taux d’incapacité anormalement bas pour des maladie liée à l’amiante. Des bénévoles des
associations de l’Andeva y parviennent. Pour cela, il faut d’abord savoir comment est évaluée l’incapacité.

Lorsqu’une maladie professionnelle est reconnue, la caisse attribue un taux d’incapacité permanente partielle à la victime (taux IPP). En théorie, c’est elle qui fixe ce taux, après avis du médecin conseil. En pratique ce dernier a un pouvoir quasi absolu dans ce domaine.

Le taux d’IPP doit tenir compte du barème

Lorsqu’il détermine le taux d’IPP, le médecin conseil, doit tenir compte des barèmes indicatifs d’invalidité : l’un concerne les accidents du travail, l’autre les maladies professionnelles (Pour les maladies liées à l’amiante, voir le chapitre 6 : « Affections respiratoires »). Les deux barèmes sont complémentaires. On les trouve sur Internet (www.ucanss.fr)
Le préambule du barème accidents du travail énonce des principes généraux valables aussi bien pour les accidents du travail que pour les maladies professionnelles.
Il précise que le barème a un caractère indicatif. Le médecin chargé de l’évaluation a la liberté de s’en écarter, mais il doit préciser les raisons qui l’ont conduit le le faire : « indicatif » n’est pas synonyme d’ « arbitraire ».
Il est logique qu’en présence de facteurs aggravants le médecin conseil attribue un taux d’IPP supérieur à celui du barème. On est par contre en droit de se demander pour quel motif il prendrait la liberté d’attribuer un taux inférieur au barème.

Des critères différents pour les cancers et pour les fibroses

-  Les cancers :

Pour le mésothéliome, le taux d’incapacité fixé par le barème est de 100%.
Pour le cancer du poumon, le barème prévoit une fourchette de taux d’IPP de 67 à 100 % selon sa classification TNM, qui définit des stades selon la taille de la tumeur, l’existence de ganglions proches et celle de métastases.
Il n’existe aucune raison d’attribuer un taux d’IPP inférieur à 67 % à une victime de cancer du poumon.

-  Les fibroses :

Pour les maladies non cancéreuses, le barème prend en compte deux critères essentiels : le diagnostic et l’altération de la fonction respiratoire. Des facteurs aggravants tels que la douleur ou l’existence d’une toux rebelle peuvent conduire à majorer le taux d’incapacité.

Le taux d’IPP peut être supérieur au barème

Pour les plaques pleurales, calcifiées ou non, le barème prévoit une fourchette de taux d’IPP de 1 à 5 %. Mais un article émanant d’un groupe de travail de la Société de pneumologie de langue française et de la Société française de médecine du travail précise que « même en l’absence d’anomalies fonctionnelles décelables », on doit tenir compte de « l’atteinte à l’intégrité physique radiologiquement confirmée » et des « conséquences psychologiques » de l’annonce du diagnostic :
« la présence de plaques pleurales, mêmes isolées devrait justifier un taux d’incapacité minimum de 5% »
(Revue des maladies respiratoires 2000, vol. 17, n°5 bis, page 1013).
 
L’Andeva recommande de contester tous les taux d’IPP inférieurs à 5% pour des plaques pleurales.
Rien n’interdit d’ailleurs d’attribuer un taux supérieur à 5% quand les plaques sont multiples et importantes, même si la fonction respiratoire n’est pas altérée.
Il faut d’ailleurs se méfier : le diagnostic de plaques pleurales posé par la caisse peut être « l’arbre qui cache la forêt ». Il peut s’agir en fait de lésions pleurales beaucoup plus importantes, sous forme d’épaississements de la plèvre viscérale, soit diffus, soit localisés associés à des répercussions au niveau du poumon (bandes parenchymateuses, atélectasies par enroulement). Les plaques peuvent aussi être associées à une fibrose du poumon (asbestose) passée sous silence.
Les comptes-rendus de scanner ne rendent pas souvent compte de l’importance des lésions. Il faut donc que les victimes apprennent à regarder les images fournies sur CD Rom, pour ne pas être lésées.

Évaluer les atteintes à la fonction respiratoire

Le barème prévoit 5 degrés d’insuffisance respiratoire chronique, de légère à sévère, avec à chaque fois une fourchette de taux d’IPP différente (§ 6.9 : déficience fonctionnelle).
Il prend en compte 4 critères : capacité pulmonaire totale, taux d’oxygène dans le sang, volume maximal expiré par seconde, retentissement sur le ventricule droit du cœur. Les 2 premiers sont les plus importants.

1) La capacité pulmonaire totale (CPT)

Le critère déterminant est la capacité pulmonaire totale : plus elle diminue, plus l’insuffisance respiratoire est forte.
- A une CPT comprise entre 60 et 80% de la valeur moyenne théorique (insuffisance respiratoire chronique légère) correspond une fourchette de taux d’IPP de 10 à 40 % (cf tableau).
- A une CPT à 80 % correspond un taux d’IPP de 10 %.
- A une CPT à 60 % correspond un taux d’IPP de 40 %.

2) Le taux d’oxygène dans le sang (Pa02)

La chute du taux d’oxygène dans le sang (hypoxémie) survient en général lorsque la CPT a déjà nettement diminué : le poumon n’est plus capable de jouer son rôle pour acheminer l’oxygène vers le sang. Plus la Pa02 est faible, plus l’insuffisance respiratoire est forte.
La caisse primaire doit en principe se référer à au moins un critère pour évaluer le degré de déficience fonctionnelle. On s’appuiera donc soit sur la CPT, soit sur la Pa02.
Ainsi à un taux d’IPP de 40 % peut correspondre :
- une Pa02 à 70 mmHg ( 1 )
- ou une CPT à 60 % de la valeur moyenne théorique.
 
Il est des cas où la CPT n’est pas franchement anormale, alors que la Pa02 est abaissée (égale ou inférieure à 70 mmHg). Il s’agit d’une hypoxémie « isolée » : les lésions du poumon ou de la plèvre, entraînent une mauvaise ventilation des bases du poumon (région richement vascularisée, qui contribue le plus à l’oxygénation du poumon).
En cas de discordance entre deux paramètres, on se réfère à celui qui donne le degré d’insuffisance respiratoire le plus sévère (dans ce cas : la Pa02)

Docteur Lucien Privet

( 1 ) mmHg = millimètres de mercure (unité de mesure de la pression partielle en oxygène dans le sang artériel).


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°26 (mai 2008)