Avancée sociale ou tromperie ?

Le 2 octobre 2006, six syndicats signaient un accord avec la direction sur l’indemnisation des victimes de l’amiante. L’Adeva RATP en tire aujourd’hui le bilan. Il est mauvais.

- Quant la RATP arnaque les victimes
- Questions à Jean-Marc Nibert
- Ne le dîtes à personne !


QUAND LA RATP ARNAQUE LES VICTIMES

Dix–huit mois ont passé depuis la signature par une partie des organisations syndicales d’un accord accordant aux victimes de la RATP la réparation de préjudices non indemnisés par la Sécurité sociale.
Si la Régie reconnaissait avoir commis une faute inexcusable et accordait une indemnisation équivalente à celle des tribunaux, nous dirions : bravo !

Ce n’est malheureusement pas le cas.
L’Adeva RATP avait critiqué cet accord. La CGT et Sud RATP ne l’avaient pas signé. L’expérience montre qu’ils avaient raison.
La RATP refuse de verser l’action successorale aux ayants droits. Elle ne considère comme tels que le conjoint survivant et les enfants. Malgré les engagements pris, elle n’informe pas toutes les personnes concernées sur leurs droits et « oublie » des enfants qui ne sont pas indemnisés.
Il est temps de dire : stop ! Et d’imposer une indemnisation équitable.


QUESTIONS A JEAN-MARC NIBERT,
président de l’Adeva RATP

Pourquoi la Régie a-t-elle proposé cet accord ?

Depuis dix ans, notre association a fait régulièrement condamner la Régie pour « faute inexcusable de l’employeur » par les tribunaux des affaires de sécurité sociale (les TASS). A chaque fois, les victimes et les ayants droit de victimes décédées ont obtenu des indemnisations importantes.
La Direction a voulu donner un coup d’arrêt à ces procédures judiciaires qui la mettaient en difficulté et redorer l’image de marque sociale de la Régie. Elle a proposé aux organisations syndicales de négocier un accord d’entreprise, en laissant entendre qu’elle était prête à payer automatiquement et sans délai la réparation des préjudices non indemnisés par la Sécurité sociale, avec des indemnisations supérieures à celles du Fiva. L’accord inclut aussi des dispositions sur les départs anticipés, le suivi médical et la prévention.

Comment l’Adeva RATP a-t-elle réagi ?

Nous avons travaillé avec l’ensemble des organisations syndicales sur une plate-forme commune de propositions pour une indemnisation équitable des victimes de l’amiante à la RATP. Le texte final de cette plate-forme a été approuvé par toutes les organisations syndicales et par l’Adeva RATP.
Malheureusement, au terme des négociations, les ultimes propositions de la RATP sur le barème d’indemnisation restaient très inférieures à ce qu’accordaient les tribunaux. Nous les avons jugées inacceptables. La CGT et Sud RATP ont refusé l’accord. Les six autres organisations syndicales l’ont signé.

Dix-huit mois ont passé depuis cette signature. Quel bilan pouvez-vous tirer-aujourd’hui ?

Une centaine de personnes (victimes et familles de victimes décédées) ont été convoquées. La Régie leur a proposé une indemnisation immédiate de tous leurs préjudices, à condition qu’ils renoncent à toute procédure judiciaire. Environ 95% d’entre elles ont accepté. La perspective d’une indemnisation importante et rapide a emporté leur décision. Pourtant, en étudiant point par point la mise en œuvre de cet accord, on s’aperçoit qu’il s’agit d’une véritable arnaque.
S’il reconnaît la faute inexcusable, un TASS accorde aux victimes ou aux ayants droit un doublement du capital ou une majoration de la rente Sécurité sociale.
La RATP le fait aussi, mais elle ne reconnaît pas avoir commis de faute inexcusable. Les majorations du capital ou de la rente ne figurent pas dans le texte signé et ne sont pas actées par la Commission des Rentes. Elle peuvent être remises en cause à tout moment.
Autre point important : la RATP refuse de verser l’action successorale aux héritiers d’une victime décédée.
Aujourd’hui, lorsqu’une victime meurt sans être indemnisée, le Tass ou le Fiva verse à sa famille l’action successorale (c’est-à-dire ce qu’elle aurait dû toucher si elle avait été indemnisée de son vivant). Cette somme est partagée entre ses héritiers conformément aux droits de succession.
Malgré des demandes répétées, la RATP refuse de le faire. Il s’agit d’une véritable spoliation. Dans les actions en faute inexcusable à la RATP, les sommes obtenues au titre de l’action successorale se situent entre 60 000 et 210 000 euros selon les tribunaux…
Le Fiva indemnise la tierce personne, c’est-à-dire le temps passé par le conjoint pour assister la victime, si celle-ci ne peut plus faire seule les actes élémentaires de la vie quotidienne. La RATP s’y refuse.

En cas de décès, quels membres de la famille sont indemnisés par la RATP pour leurs préjudices ?

Le Fiva indemnise le conjoint, concubin ou pacsé, les enfants, petits-enfants nés avant le décès, parents, frères et sœurs.
Le barème d’indemnisation RATP ne mentionne que le conjoint et les enfants et exclut les concubins, pacsés, petits-enfants et ascendants.
La RATP s’était engagée à contacter en cas de décès tous les membres de la famille susceptibles de bénéficier d’une indemnisation. Elle ne le fait pas ou le fait très mal. Résultat : certains enfants, privés d’information sur leurs droits, n’ont touché aucune indemnisation !

Un bilan de cet accord a-t-il été tiré avec les organisations syndicales ?

Nous venons d’apprendre que la commission de suivi, s’est réunie en décembre dernier. Elle devait tirer le bilan des problèmes rencontrés, mais l’accord est resté en l’état.
Les délégués syndicaux assistent les personnes convoquées. Ils ont pu corriger certaines injustices. Mais on ne règlera pas des problèmes de cette ampleur, en faisant du « cas par cas ». C’est le contenu de l’accord qui est en question. Le problème posé est global.

Que va faire l’association ?

La situation est difficile. Nous en sommes conscients. Notre premier devoir est d’informer les personnes concernées, afin qu’elles puissent réellement faire un choix entre les différentes voies d’indemnisation.
L’action en faute inexcusable de l’employeur est plus longue, mais elle permet en général d’obtenir des indemnisations supérieures à celles que donnent le Fiva et l’accord RATP.
Nous avons élaboré un document d’information détaillé pour toutes les personnes concernées. Il se conclut par un appel à se mobiliser pour que la RATP indemnise réellement toutes les victimes et tous les ayants droit de tous leurs préjudices.
Nous rechercherons des convergences avec toutes les organisations syndicales prêtes à agir pour une indemnisation équitable.
Nous étudions avec notre avocat, maître Jean-Paul Teissonnière, toutes les possibilités de recours contre la RATP.


« Surtout, ne le dites à personne ! »

Toute personne qui accepte l’indemnisation proposée par la RATP doit signer un document stipulant :

- qu’elle n’a engagé aucune action judiciaire contre la RATP et n’en engagera aucune ou qu’elle se désiste des éventuelles actions engagées,
- qu’elle n’a pas saisi le Fiva, ou qu’elle se désistera si elle l’a saisi,
- qu’elle s’engage à « conserver au présent accord un caractère confidentiel ».

Ne comparez pas ce que vous avez touché avec ce que les Tass ont donné à vos collègues, vous risqueriez de faire des découvertes...


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°26 (mai 2008)