En août 2004, le Tribunal des affaires de Sécurité sociale de Mont-de-Marsan avait reconnu la faute inexcusable d’EDF pour 23 dossiers de la centrale d’Arjuzanx (Landes), avec des niveaux d’indemnisation décents pour les victimes et des familles.
Mais, le 12 mars 2007, statuant sur 15 autres dossiers de la même centrale, ce Tass divisait par 3 les niveaux des indemnisations qu’il avait lui-même accordés ! Sans la moindre justification...
Comment expliquer que puissent exister de telles différence entre des collègues de travail qui ont la même maladie, qui ont respiré les mêmes fibres d’amiante, en exerçant le même métier, dans le même atelier, à la même époque ?
Cette réduction drastique des indemnisations fut vécue par les victimes comme une insulte et un renoncement à inciter les employeurs à la prévention.
Le 10 avril, jour de l’audience à la cour d’appel de Pau, une manifestation unitaire fut organisée par des structures syndicales CGT et des associations de victimes de toute la région. Une mobilisation massive : 500 personnes au rendez-vous de la solidarité.

« Nous attendions 250 participants. Il y en a le double », explique Jean-Louis Barthès. Venus de toute la région, ils se rassemblent à 10 heures 30 devant le palais de Justice.
Une heure plus tard, la manifestation s’engage dans les rues piétonnes de Pau. En tête du cortège, derrière le camion sono, une centaine de salariés de la centrale EDF d’Arjuzanx. Ils ont payé un lourd tribut à l’amiante. Sur leur banderole ces simples mots : « 92 victimes dont 25 morts. Garantir la Santé au travail ».
Derrière eux, des « hommes en blanc », avec des combinaisons de désamianteurs. Puis le gros du cortège, avec les syndicats et les associations, le Cerader, Allo Amiante cheminots, les amiantés de Mimizan...
Le cortège s’arrête devant le siège du Medef. Il y a un lourd contentieux avec ces employeurs cyniques qui ont fait passer leur profit avant la santé des salariés.
Chaque « homme en blanc » se couche sur le sol. Autour de lui, quelqu’un trace les contours d’une silhouette blanche peinte sur le bitume. Quand il se relève, on écrit à l’intérieur le nom d’une entreprise où il y a des victimes de l’amiante : EDF, CECA, Turboméca, Messier, dockers… Un acte symbolique qui rend palpable l’ampleur de la contamination et la responsabilité des industriels. Ces empoisonneurs doivent être jugés au pénal.
Le cortège passe par le centre ville, se dirige vers la Préfecture. De nouvelles silhouettes sont peintes sur le sol. Michel Lalanne lit un appel pour la santé au travail, qu’il fait voter par les manifestants.
Le cortège redescend par la rue Serviez jusqu’au Palais de Justice. Un casse-croûte convivial permet à chacun de récupérer. Les discussions vont bon train.
L’audience va commencer. La police filtre les entrées. Les plaignants d’Arjuzanx entrent dans la salle. Les autres restent dehors. Dans sa plaidoirie, Michel Ledoux dénonce les manœuvres du MEDEF et de l’EDF : incapables d’éviter la condamnation, ils mettent tous leurs efforts à diminuer son coût. Mais à quoi bon reconnaître une faute « inexcusable », si les préjudices sont réparés par une indemnisation symbolique ? Tant qu’indemniser leur coûtera moins cher qu’investir dans la sécurité, il n’y aura pas d’incitation réelle à la prévention.
Vers 15 heures 30 Michel Ledoux et Jean-Louis Barthès font un compte rendu d’audience. La décision sera rendue le 12 juin.
La manifestation du 10 avril a frappé les esprits par sa dimension régionale, sa massivité, le nombre d’entreprises représentées et la convergence dans l’action des syndicats et des associations de victimes. Une autre action est prévue le 16 mai à Bordeaux.


Ils étaient dans la manifestation

Le Collectif des victimes de l’amiante des Papeteries, Allo amiante (cheminots), le Cerader de Dordogne ; les sections maladies professionnelles des CMCAS EDF de Pau, de Gironde et de La Rochelle ; l’union régionale, des unions départementales et des unions locales CGT ; des salariés de la CECA de Parentis, de Turboméca et Messier (aéronautique), des salariés d’EDF de Toulouse, Agen, Bayonne, Bordeaux, Pau, Périgueux et des Landes…


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°26 (mai 2008)