Il est courant que des demandeurs attendent plus d’une année avant de toucher leur indemnisation. Des victimes et des familles expriment leur colère devant la dégradation spectaculaire de la situation.

En créant le Fiva, les pouvoirs publics avaient annoncé la mise en place d’une voie d’indemnisation « simple et rapide » pour réparer tous les préjudices de toutes les victimes de l’amiante.
Six ans après sa création, la situation est devenue critique : la croissance prévisible du nombre de victimes s’est traduite par une augmentation importante et continue du nombre de dossiers.
En un an, de juin 2006 à juin 2007, le nombre de nouveaux demandeurs a augmenté de 32%, celui de nouveaux ayants droit de 25% par rapport à la période précédente ! Et cette tendance n’a fait que se confirmer au deuxième semestre 2007.
S’agissant de maladies évolutives, le Fiva doit également traiter des demandes d’aggravation. Leur nombre augmente, comme celui des procédures de contentieux engagées par des demandeurs qui contestent à juste titre l’insuffisance de certaines indemnisations.
Face à cette augmentation massive de la charge de travail, quelques embauches ont été obtenues grâce aux batailles menées par les représentants des syndicats et des associations au conseil d’administration du fonds. Mais l’effectif reste malgré tout insuffisant.
Toutes les associations locales de l’Andeva font le même constat : les délais sont trop longs. Les dysfonctionnements se multiplient. Il est de plus en plus difficile de joindre un régleur. Les victimes et les familles s’exaspèrent.

« Les délais sont beaucoup trop longs, explique Rozen, secrétaire administrative à l’Addeva 93. Une de nos adhérentes a déposé son dossier complet en décembre 2006. Trois mois plus tard, elle reçoit une lettre du Fiva confirmant que le dossier était recevable et annonçant qu’une offre serait faite avant le 15 juin 2007. En fait, l’indemnisation n’est arrivée chez le notaire qu’en avril 2008, 16 mois après sa demande ! »

Monique Nowak, la présidente de l’Ardeva Sud Est, fait le même constat : « Nous recevons beaucoup d’appels de personnes qui s’inquiètent de ne pas avoir de nouvelles de leur dossier alors que les délais sont dépassés. Un de nos adhérents, indemnisé par le Fiva, est décédé de sa maladie. Sa veuve a écrit le 23 juillet au Fiva pour l’aviser du décès et demander réparation de ses préjudices personnels. Pas de réponse. Elle a alerté l’association. Nous avons relancé le Fiva deux fois. Sans succès. Nous perdons un temps incroyable à relancer le Fiva et à expliquer la situation à nos adhérents. »

Les courriers du Fiva donnent le nom du régleur qui suit le dossier, son numéro de téléphone, ainsi que la tranche horaire où on peut l’appeler (de 14 heures à 16 heures). Mais, quand on téléphone, il n’y a souvent personne au bout du fil, et l’on entend un message informant que le Fiva a plusieurs mois de retard sur les dossiers. Beaucoup de courriers et de mails restent sans réponse.
« C’est un formidable gaspillage de temps et d’énergie pour les bénévoles et la salariée de notre association, explique Henri Boumandil, secrétaire de l’Addeva 93. Ce n’est pas la faute des régleurs qui s’occupent des dossiers. Nous avons de bons rapports avec la très grande majorité d’entre eux. Nous savons qu’ils sont débordés. Ils préfèreraient que les choses se passent autrement, mais ils sont, eux aussi, victimes de cette situation. »

Zahra Aouchiche, qui s’occupe des dossiers Fiva pour le cabinet Ledoux confirme ce constat : « Nous constatons un retard significatif pour environ 40% des dossiers Fiva dont nous assurons le suivi. Les retards varient selon le type de dossier : pour des cancers de la plèvre ou du poumon, il arrive encore aujourd’hui que le dossier soit traité en quelques mois. Pour les plaques pleurales nous avons couramment 6 à 8 mois de retard. Pour les préjudices complémentaires des ayants droit, on peut atteindre jusqu’à deux années de retard. »

« Nous nous sommes battus au conseil d’administration pour sortir de cette impasse, explique Michel Parigot, représentant de l’Andeva au CA du Fiva. Nous avons obtenu un certain nombre de résultats suite à notre refus de voter le budget en l’état : trois postes supplémentaires ont été créés ainsi que deux contrats à durée déterminée. Mais ces mesures ne porteront pas leurs fruits immédiatement, car le personnel recruté doit être formé et acquérir de l’expérience. Le Fiva a également décidé de sous-traiter une partie de la charge de travail des régleurs (la rédaction des conclusions pour les contentieux), afin qu’ils aient davantage de temps pour se consacrer à l’instruction des dossiers. Mais le nombre de demandes continue à progresser très rapidement. Ces mesures ne suffiront sans doute pas à redresser la situation. »

« La colère monte, dit Monique Nowak. L’Ardeva Sud-Est a décidé d’envoyer une pétition à signer à ses adhérents. Elle sera adressée au Fiva et surtout aux pouvoirs publics : ils doivent prendre la mesure de la gravité de cette situation. »


QUELQUES CHIFFRES QUI PARLENT

Nombre de demandes :
- de juin 2006 à juin 2007 : 22 681
- en moyenne par mois : 1890

Nombre d’offres présentées :
- de juin 2005 à mai 2006 : 11 112
- de juin 2006 à juin 2007 : 14 301

Dépenses d’indemnisation (en millions d’euros) :
- de juin 2005 à mai 2006 : 330, 2
- de juin 2006 à juin 2007 : 375, 3

Depuis le début de son activité et jusqu’au 31 mai 2007, le FIVA a versé 1,436 milliard d’euros à l’ensemble des demandeurs.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°26 (mai 2008)