« Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours admiré mon père, je l’ai toujours respecté. C’était un homme exceptionnel, charmant, volontaire, un bon vivant qui aimait la vie, la bonne chère, les copains, les grillades, les réunions de famille, la pétanque, les maisons, les pierres et les femmes. C’était un bel homme, droit et généreux, fier, que l’on ne peut oublier.

Cette horreur a commencé avec une pleurésie. En décembre 2002 un examen a révélé la présence d’un mésothéliome pleural, cancer de la plèvre.

Il a toujours eu une toux sèche. Malheureusement il n’a jamais passé de scanner, mais seulement des radios qui n’ont pu déceler la maladie. Il nous a caché la gravité du diagnostic pour nous protéger.
Ensuite, ce fut l’enchaînement de souffrances morales et physiques. A la fin il ne pouvait plus respirer, un seul poumon. L’entourage se sent impuissant, ressent une brûlure réelle, de la peine et de la douleur.
Hospitalisé le jour de la fête des pères, en juin 2004, il est décédé à l’hôpital à 6 heures 30 du matin le 23 juillet 2004. Après m’avoir serré fort la main, il m’a bien reconnu et a prononcé d’une voix très forte : « Fais attention ! », comme le lui avait dit un jour son propre père. Faire attention à la vie, à ses pièges, aux autres aussi.

Ma vie s’est arrêtée ce jour-là. Un choc terrible, une incompréhension totale, le vide, le désespoir, la détresse, le gouffre. Mon mari m’a beaucoup aidée et j’ai dû tenir, pour mes deux enfants. Son absence est insurmontable lors des réunions de famille : la chaise vide. Cette blessure ne s’efface pas avec le temps. Il nous manque tellement. Cela fait quatre ans bientôt qu’il est parti.

Moi, sa fille unique, j’ai changé, je me suis renfermée. J’ai envie de le représenter pour qu’il vive encore à travers moi. On vit aussi au travers de ses enfants. De faire comme il aurait fait. Une façon de me rapprocher de lui encore, malgré tout.

Cette maladie odieuse et dégueulasse, abjecte qui nous l’a enlevé, le cancer de l’amiante. Il n’y a pas de mots.
Nous avons été indemnisés et nous remercions l’Adeva de Fos, le Fiva et le cabinet Teissonnière, qui nous ont aidés. Quand on est confronté à tout cela, on est complètement perdu.
Nous sommes reconnus victimes de l’amiante et cela est légitime. Mais rien ne peut remplacer l’absence de mon père. C’est tellement injuste qu’il ait souffert autant, diminué physiquement et moralement, ne pouvant plus respirer, sans se plaindre car il a lutté jusqu’au bout contre sa maladie, de toutes ses forces, car il était combatif.

Toute ma vie il a été présent. Je suis croyante et je crois qu’il me voit. Je sais que de là-haut il me protège ainsi que mes deux enfants, mon mari et ma mère.

Cette maladie, c’est une plaie. C’est honteux qu’il y ait tant de victimes. Nous associons notre peine à la cause de l’Andeva et nous sommes solidaires de tous ceux qui ont perdu un être cher. Comme moi, mon père que j’aimais tant, qui me manque beaucoup et que je n’oublie pas.
Il était jeune, 67 ans et avait encore de belles années devant lui, que la maladie lui a prises. Il ne méritait pas cela. C’est injuste.
 »

Sylvie R.
(Marseille)


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°26 (mai 2008)