Les pro-chrysotile utilisent deux arguments essentiels pour justifier ce qu’ils appellent « l’usage sécuritaire » de l’amiante chrysotile.
A les en croire, il y aurait deux sortes d’amiante : la bonne (le chrysotile) et la mauvaise (les amphiboles). En fait, toutes les variétés d’amiante sont classées comme cancérogènes, aussi bien par le Centre international de Recherche sur le Cancer que par la réglementation européenne.

Le potentiel cancérogène de l’amosite semble effectivement plus élevé, mais l’utilisation d’amiante chrysotile a été si massive (94% l’amiante extrait et commercialisé dans le monde), notamment pour l’amiante-ciment, qu’aujourd’hui l’écrasante majorité des victimes de l’amiante sur la planète sont des victimes du chrysotile. L’interminable liste des malades et des morts d’Eternit devrait suffire à s’en convaincre.

Le second argument est la possibilité d’un « usage sécuritaire » du chrysotile. En utilisant ce terme (qu’ils se gardent bien de définir) ils laissent entendre que le chrysotile pourrait être extrait et manipulé avec précaution, sans conséquences néfastes pour la santé. Ils sont forts discrets sur l’ampleur des dégâts humains chez les travailleurs canadiens (un tiers des décès d’origine professionnelle recensés sont dus à l’amiante), mais aussi dans la population vivant à proximité des mines d’amiante.

Pour eux, ces morts renvoient à des conditions de travail passées, qui n’existent plus. Ils soutiennent qu’aujourd’hui il est devenu techniquement possible de produire et d’utiliser avec précaution ce matériau cancérogène, sans conséquences néfastes pour la santé.

Cet argument fait l’impasse sur deux évidences :

- La première est le risque dû à la dissémination : admettons un instant qu’il soit possible de contrôler l’extraction de l’amiante en protégeant les salariés, comme ils le prétendent. Le contrôle de son utilisation resterait une gageure : la mise sur le marché, par centaines de millions de tonnes et sous des milliers de formes différentes, d’un matériau qui se dégrade au fil du temps, tout en conservant ses propriétés cancérogènes, compromet les possibilité pratiques d’un tel contrôle.

La question posée n’est pas technique. Elle relève de l’éthique : a-t-on le droit, pour défendre l’emploi de quelques centaines de mineurs canadiens et les intérêts financiers d’une poignée d’industriels, de mettre en danger la santé et la vie de millions de personnes sur tous les continents et pour plusieurs générations ?

- La deuxième est la situation existant dans les pays importateurs.
Pour contrôler l’usage d’un matériau cancérogène, il faut en avoir les moyens et la volonté politique. Or, c’est vers des pays où la réglementation est déficiente, voire totalement absente que les producteurs ont réorienté leurs exportations, quand ils ont vu se fermer les marchés européens après l’interdiction de l’amiante.

Pour contrôler l’usage d’un matériau cancérogène, il faudrait aussi, au minimum, être informé du danger. Or le gouvernement canadien s’opposant à l’inscription de l’amiante chrysotile sur la liste des produits dangereux de la Convention de Rotterdam.

La mauvaise foi des pro-chrysotile est évidente.

_______________________________________________________

Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°27 (septembre 2008)