Les trois quart des maladies dues à l’amiante sont des plaques pleurales. Il s’agit de fibroses : en réaction à la présence de fibres d’amiante un tissu fibreux se forme sur la plèvre, l’enveloppe du poumon.
Ces plaques ne touchent pas que la plèvre. Elles peuvent également se former sur l’enveloppe du cœur, le péricarde. On parle alors de plaques péricardiques.
Qu’elles soient pleurales ou péricardiques les plaques peuvent se calcifier en devenant plus rigides et plus dures.
Les plaques péricardiques ont une évolution différente de plaques pleurales. Elles peuvent et doivent être indemnisées à un niveau plus élevé, comme le prévoit le barème de la Sécurité sociale.
Le docteur Lucien Privet, médecin référent de l’Andeva, analyse ici le dossier d’une personne atteinte de plaques péricardiques.

LE CAS DE MONSIEUR S.

Il a 64 ans. Exposé à l’amiante durant sa carrière professionnelle dans la sidérurgie, il a été reconnu en maladie professionnelle au titre du tableau n°30 partie B pour des plaques pleurales non calcifiées et des plaques péricardiques calcifiées.
Ces lésions ont été mises en évidence au scanner et les plaques péricardiques ont fait l’objet d’un bilan cardiologique avec mise en œuvre d‘une échographie.
Un taux d’IPP de 5 % a été attribué par la caisse, ce qui indemnise correctement les plaques pleurales, dans la mesure où elles ne sont pas très importantes et que les explorations fonctionnelles respiratoires restent dans les limites de la normale.
Par contre les plaques péricardiques n’ont pas été prises en compte. Aussi Monsieur S. conteste le taux d’IPP devant le Tribunal du contentieux de l’incapacité (TCI) avec à l’appui un avis médical en sa faveur.

Cet avis fait valoir que les plaques péricardiques constituent une maladie différente des plaques pleurales, avec un génie évolutif différent, le risque étant que les calcifications ne s’étendent et provoquent une constriction du cœur.
Concernant leur indemnisation, l’avis dit qu’il faut se référer dans le barème maladies professionnelles non plus au chapitre concernant les affections respiratoires, mais au chapitre concernant les affections cardio-vasculaires et plus précisément au paragraphe 1.5 consacré aux atteintes péricardiques.
Dans cet avis il est proposé que soit attribué à la victime un taux d’IPP de 30 %, venant s’ajouter aux 5 % pour les plaques pleurales, portant donc le taux global à 35 %.
Alors qu’il ne semble pas que l’expert médical sur place se soit clairement prononcé, le Tribunal, prenant en considération l’avis médical produit par la victime, attribue à Monsieur S. un taux d’IPP de 35 %.
Commentaires

Les plaques péricardiques, la plupart du temps associées à des plaques pleurales, sont fréquentes chez les personnes qui ont été exposées à l’amiante, mais elles ne sont identifiées que si elles sont calcifiées.
Le péricarde, tout comme la plèvre, est constitué de deux feuillets, séparés par un film liquidien et coulissant l’un sur l’autre. Ce dispositif permet au cœur de battre librement tout en étant solidement amarré.
Tout comme la plèvre, la face de chaque feuillet donnant sur la cavité virtuelle est recouverte d’un revêtement appelé mésothélium.
Les fibres d’amiante qui ont une attirance particulière pour ce type de revêtement n’hésitent pas à s’échapper de la plèvre pour gagner le péricarde qui est voisin et y provoquer le même type de dégâts qu’au niveau de la plèvre.
Dans la majorité des cas, les plaques péricardiques calcifiées restent localisées et il est rare qu’elles envahissent l’ensemble du péricarde, avec le risque d’enserrer le cœur et de ne plus permettre un battement normal, mais leur présence signe bien l’existence d’une « péricardite chronique calcifiée  ».

Dans la mesure où le péricarde est proche de la plèvre tapissant le côté situé vers le cœur, appelé plèvre médiastinale, le doute peut exister entre une plaque pleurale médiastinale et une plaque péricardique. Certains médecins ont d’ailleurs tendance à ne voir que des plaques pleurales médiastinales et non pas des plaques péricardiques.
L’examen attentif du scanner, en prenant bien soin d’utiliser toutes les possibilités de contraste, et l’échographie cardiaque permettent la plupart du temps de lever le doute.
De toute façon si l’on veut prétendre à une indemnisation de plaques péricardiques, il vaut mieux produire devant le TCI un bilan cardiologique avec notamment une échographie. Car curieusement, alors qu’elles sont nommément désignées dans le tableau n°30 à la partie B et qu’elles sont assez souvent reconnues maladies professionnelles, elles passent pratiquement toujours à la trappe lorsqu’il s’agit de les indemniser.
En fait dans le barème maladies professionnelles, on sort du chapitre des affections respiratoires pour aller au chapitre des affections cardiovasculaires. Un des paragraphes de ce chapitre (1.5) concerne les atteintes péricardiques et celles-ci sont divisés en 3 formes : « légère, moyenne et grave ».

Les plaques péricardiques calcifiées, entrant dans le cadre d’une péricardite calcifiée chronique, correspondent à la «  forme moyenne », « caractérisée, dit le barème, par l’un des tableaux cliniques suivants : … péricardite calcifiée chronique sans syndrome de constriction, clinique ou hémodynamique  ».
Le barème prévoit pour cette forme moyenne un taux d’IPP de 30 à 60 %. Si les plaques sont peu étendues, on peut éventuellement accepter un taux inférieur à 30 %, mais le taux plancher reste quand même 30 %. C’est ce taux qui a été homologué par le TCI dans l’exemple qui a
été donné.

Docteur Lucien Privet


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°27 (octobre 2008)