Dans la région de Bastia, les immeubles poussent comme des champignons sur des terrains amiantifères. Une activité profitable pour les promoteurs et les patrons du BTP. Une menace pour la santé des travailleurs et des habitants...

Située dans une zone riche en amiante chrysotile, la Vallée du Fango, au cœur de l’agglomération de Bastia est en pleine expansion. Les travaux d’excavation et de terrassement s’y multiplient.
Il a fallu batailler pour imposer des mesures élémentaires de sécurité : « Les ouvriers de ces chantiers ne portaient souvent que des masques papier. Nous sommes intervenus pour qu’ils aient des masques à ventilation assistée et des combinaisons, explique Patricia Burdy. Avec Pierre Lecullier du service prévention de la CRAM Sud-est, nous avons imposé les cabines à trois compartiments, avec un sas de décontamination. Mais le problème est d’obtenir qu’ils soient réellement utilisés ».

Pour éviter la dissémination des poussières d’amiante il est indispensable de travailler à l’humide : « Nous demandons que les zones de travail soient humidifiées en permanence, mais sans excès car la gestion des eaux de ruissellement est un problème non résolu à ce jour. Nous demandons aussi que les déblais mis à nu soient immédiatement recouverts. Il faut que ces chantiers soient conçus dès le départ en fonction de la présence d’amiante. Il est difficile de l’obtenir des gros maîtres d’ouvrages, et encore plus lorsqu’il s’agit de petits chantiers... » 

Que faire des déblais amiantés ?

Un problème majeur est celui des déblais : que faire des milliers de tonnes de terres contenant des fibres d’amiante qui s’envolent dès qu’on les manipule ? La tentation des entreprises est de les réutiliser. Certaines le font en catimini, sans prévenir quiconque et surtout pas les ouvriers du chantier destinataire. Les déblais ont un intérêt économique : ils se vendent.
 
« C’est l’une des raisons de la procédure en référé que j’avais engagée en 2004 », explique Patricia Burdy, qui craint que la réutilisation de déblais amiantifères dans des zones sans amiante n’aboutisse à une contamination en cascade.

Depuis 10 ans tous les acteurs moteurs de ce dossier (la DDASS, la CRAM, l’inspectrice du travail, le docteur Dubois) demandent l’ouverture de sites de stockage. L’ARDEVA Sud-est a écrit au préfet en ce sens. L’idée semble admise par le département et la préfecture. Pour la construction du parking de la gare à Bastia en 2006, la mairie a obtenu un site de stockage dans une ancienne carrière, dite de Barbaggio. La question est posée par les associations ARDEVA et U Levante sur place : pourquoi ne pas utiliser comme lieu de stockage des sites déjà contaminés, comme l’ancienne mine de Canari ?

Le pré-stokage, avant évacuation de milliers de mètres cubes de déchets amiantés, est un problème non résolu. « Nous avons vu ces déblais stockés derrière des immeubles du Fango, très près des balcons où sèche le linge », témoigne Christiane Quintin.
Le transport des déblais peut, lui aussi être une source de pollution redoutable. « Le bâchage des camions ne suffit pas à assurer l’étanchéité. Il faut aussi que les bennes soient recouvertes par une couche saine », explique Patricia Burdy. J’ai toujours recherché des solutions concrètes. J’aurais pu me contenter de faire respecter la loi a minima en protégeant les salariés avec des masques, mais l’employeur a aussi l’obligation de protéger l’environnement ce qui est noté dans le code du travail. »


FAUT-IL AUTORISER LA CONSTRUCTION D’IMMEUBLES SUR DES TERRAINS POURRIS D’AMIANTE ?

Il est indispensable de prendre des mesures pour renforcer la sécurité des chantiers en terrain amiantifère. Mais l’Ardeva Sud-Est estime qu’une question incontournable est posée aux pouvoirs publics : faut-il autoriser la construction d’immeubles dans des zones à risques ?
Délivrer un permis de construire pour un chantier qui va générer des dizaines de milliers de mètres cube de déblais amiantés ne va pas de soi. C’est une décision politique.
Pour les industriels du tourisme et du BTP, ces constructions représentent une véritable manne. Ils constituent un lobby puissant pour défendre leurs profits.
Mais c’est du point de vue de la santé publique que ce problème devrait être posé.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°27 (octobre 2008)