En mai 1997 Patricia Burdy est nommée inspectrice du travail à Bastia, en Haute Corse. Très vite, elle est confrontée au risque amiante sur cette île où 133 communes sont concernées par la présence de roche amiantifères.

A l’époque, le préfet Erignac, sensible au problème, demande à la direction régionale du travail de réunir les services concernés. Les inspecteurs sont alertés, mais les chantiers du BTP en zone urbaine posent des problèmes difficiles : comment protéger les salariés et la population en évitant la dispersion des fibres dans l’environnement ?
« Il n’existait pas de méthode, explique Patricia Burdy. La réglementation était insuffisante. Il a fallu aller à la pêche aux informations... »

Son chemin croise celui de l’OPPBTP et du docteur Dubois, médecin du travail, dont elle salue l’engagement.
Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) avait dressé une cartographie des zones amiantifères en Corse. Elle intervient auprès de la préfecture, de la direction de l’action sanitaire et sociale (DDASS) et de la direction de l’équipement (DDE), pour que ce document ait une large diffusion. Il faudra attendre 2002 pour que cette demande aboutisse.
Pour objectiver l’importance du risque, il fallait disposer de mesures d’empoussièrement. Elle demande que ces mesures soient réalisées par un organisme indépendant des employeurs. Sans résultat.

Malgré ces difficultés, les choses commencent à bouger. 2004 est une année charnière : les victimes de l’amiante de la mine de Canari, défendues par maître Ledoux, obtiennent la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par le Tribunal des affaires de Sécurité sociale. L’impact est énorme. Patricia Burdy fait alors la connaissance de l’Ardeva.
La même année, elle engage un référé judiciaire et une instance correctionnelle contre une très grosse entreprise corse du BTP, qui construit sans précautions des immeubles en zone urbaine sur un terrain amiantifère. L’entreprise est condamnée à payer 100 000 € en appel du référé et 45 500 € en correctionnelle.
C’est aussi en 2004 qu’un arrêt du Conseil d’Etat reconnaît pour la première fois les lacunes et la responsabilité de l’Etat dans la gestion du dossier amiante.

Grâce à l’action judiciaire engagée par Patricia Burdy, l’importance des risques dus aux travaux en terrain amiantifère devient une certitude. l’expertise ordonnée par le juge des référés montre en effet que sans humidification les taux d’empoussièrement sont très supérieurs aux valeurs limites tant pour les salariés que pour l’environnement.
Pour la première fois la presse locale parle de l’amiante.
L’inspectrice du travail veut sensibiliser les professionnels et le public pour qu’ils prennent conscience du danger de ces fibres invisibles. Elle fait une information lors des réunions de chantier. Avec Robert Ghio de l’OPPBTP et le docteur Dubois elle réalise un projet de brochure en vue d’une diffusion par les services de la Direction du Travail. Le projet reste sans suite.

Aidée par l’impact des actions judiciaires et l’écho dans la presse, cette action opiniâtre commence à porter ses fruits malgré la résistance des employeurs qui contestent l’applicabilité de la réglementation de 1996 : la méthodologie de travail mise au point par l’inspectrice est validée par la direction du travail en 2004. Un décret du 30 juin 2006 sur la protection des travailleurs réglemente en tant que tels les travaux en terrain amiantifère. C’est une avancée, même si le texte reste en deçà des propositions faites par l’inspectrice et le docteur Dubois.
« J’ai fait beaucoup de notes restées sans réponse. Quelquefois on m’a fait comprendre que j’en faisais trop, explique Patricia Burdy. La réglementation doit être encore améliorée. Il faut donner plus de moyens à l’inspection du travail en Corse. Malgré une prise de conscience réelle, quand l’inspection n’est pas assez présente la sécurité se relâche sur les chantiers. Je remercie le réseau de solidarité. J’ai été très touchée, de cette mobilisation de personnes que je ne connais pas autour de ce problème récurrent de l’amiante ».


Article paru dans le Bulletin n°27 (octobre 2008)