Limiter l’utilisation de l’amiante au Canada...

La vente de produits de consommation contenant des fibres d’amiante ou d’amiante pure est strictement interdite en vertu de la Loi sur les produits dangereux.
Le site officiel du ministère de la santé canadien indique que « Santé Canada » encourage les responsables provinciaux de la santé au travail à imposer des limites strictes en ce qui concerne l’exposition des travailleurs à l’amiante.
En outre, les émissions d’amiante dans l’environnement associées à l’exploitation minière et au broyage de minerai sont assujetties à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (protection de l’environnement canadien bien sûr).

… Promouvoir l’amiante dans les pays pauvres

Par contre le gouvernement canadien mandate l’Institut du chrysotile pour promouvoir la consommation de l’amiante dans des pays comme l’Inde, la Thailande ou l’Indonésie. Il prétend aussi oeuvrer pour « l’usage sécuritaire » de l’amiante dans ces pays.
En fait aucun de ces députés n’a jamais mis les pieds dans une usine de transformation d’amiante ou sur un chantier où l’amiante est présent dans ces pays. Nous ignorons s’ils oseraient regarder les photos ci-jointes et répéter leurs mensonges. Ils sont d’ailleurs incapables de commencer à décrire en quoi pourrait consister ce qu’ils appellent un « usage sécuritaire » de l’amiante.

Les voix de l’indignation au Canada

Les scientifiques canadiens, bien que subissant de nombreuses tentatives de muselage, venant tant des industriels que du gouvernement, n’ont pas sur l’amiante chrysotile une position différente du consensus international. Quand ils publient une étude épidémiologique, ils constatent que le Québec, pourtant seulement exposé au « gentil amiante canadien », jouit du privilège d’avoir un des plus forts taux de mortalité par mésothéliome sur la planète (« Épidémiologie des maladies reliées à l’exposition à l’amiante au Québec », Institut national de santé publique du Québec, 2005).
En octobre 2008 le très sérieux Journal de l’Association Médicale Canadienne publie un éditorial intitulé « La mortalité liée à l’amiante : une exportation canadienne ». On peut y lire « Prétendre pour le Canada que l’Inde, la Thaïlande et l’Indonésie peuvent réussir à gérer l’amiante en toute sécurité lorsque les pays industrialisés ont échoué, c’est fantasmer » et un peu plus loin « Le gouvernement du Canada semble avoir calculé qu’il est préférable pour l’industrie de l’amiante du Canada d’agir dans l’ombre comme des marchands d’armes, sans égard aux conséquences mortelles. Il ne pourrait y avoir plus claire indication que le gouvernement sait que ses agissements sont scandaleux et répréhensibles »..

Le titre du rapport (2008) de l’institut Rideau – institut politique respecté et indépendant basé à Ottawa – parle de lui-même : « QUAND LE CANADA EXPORTE LE MAL – la vente de l’amiante dans les pays en développement ».
La presse canadienne est de plus en plus critique, citons parmi de nombreux articles récents l’éditorial de la Gazette de Montréal du 27 octobre 2008 « Time is propitious for Canada to stop exporting asbestos » (1).

Les victimes

L’industrie canadienne de l’amiante et son promoteur, l’Institut du chrysotile ne s’intéressent pas aux victimes de l’amiante, sauf éventuellement pour les faire taire. On cherchera en vain sur le site de l’Institut du chrysotile des chiffres, même atténués, sur l’ampleur nationale ou mondiale de la catastrophe sanitaire provoquée par leur commerce lucratif. Difficile de connaître le nombre exact des victimes de l’amiante au Canada et particulièrement au Québec. La raison est simple : pour pouvoir continuer à vendre de l’amiante à l’étranger, il vaut mieux ne pas afficher des statistiques inquiétantes sur les maladies professionnelles liées à l’amiante et ne pas laisser la parole aux victimes canadiennes de l’amiante, pourtant nombreuses.
L’Andeva connaît bien les méthodes d’intimidation utilisées, puisque deux de ses responsables, François Desriaux et Marc Hindry, sont poursuivis pour diffamation par l’Institut du chrysotile, pour un article paru dans ce bulletin.

Les responsabilités futures en matière d’indemnisation.

Sur son site officiel, le gouvernement canadien dit s’être doté d’un règlement pour la Convention de Rotterdam : « Lorsqu’une substance fait l’objet de la procédure PIC [Procédure de consentement préalable en connaissance de cause] les exportateurs canadiens doivent se conformer aux dispositions de ce Règlement. Ils sont donc tenus :
- de se procurer un permis d’exportation de la substance vers les pays qui sont Parties à la Convention. Un permis est délivré si le pays importateur accepte l’importation de la substance chez lui. Les conditions comprises dans le consentement du pays importateur figurent sur le permis d’exportation.
- de détenir une assurance de responsabilité civile pour chaque envoi de substance soumises à la procédure PIC ;
- de fournir avec chaque envoi, des renseignements en matière de santé et d’environnement, comme des fiches signalétiques et des étiquettes,
- de reprendre des envois lorsque les conditions figurant sur le permis n’ont pas été respectées.

Le règlement s’applique à toutes les substances faisant l’objet de la procédure PIC. »

On comprend mieux les déclarations à la presse canadienne du président de la mine Jeffrey d’Asbestos, Bernard Coulombe, « l’ajout du chrysotile à cette liste signerait finalement l’arrêt de mort de l’industrie québécoise de l’amiante ».

Il dévoile même sa stratégie commerciale : « On est en train de chercher du financement pour finir la construction de notre grande mine souterraine, qui devrait durer pour les 25 prochaines années. Pensez-vous que je vais trouver beaucoup d’investisseurs si le chrysotile est classé produit dangereux à déclarer auprès de tous les pays acheteurs ? »
Évidemment les compagnies d’assurance refuseraient de signer un contrat de responsabilité civile avec les exportateurs d’amiante ; dès 1910 les assureurs aux États-unis recommandaient à leurs agents de ne pas signer de contrats d’assurance-vie avec les personnes travaillant dans l’amiante …
Mais le gouvernement canadien prend un risque énorme dont il n’a peut-être pas mesuré l’importance. En dissimulant les dangers de l’amiante canadien au sein des institutions internationales, il engage la responsabilité de tout un pays vis-à-vis des victimes passées et futures.
Sa position n’est plus tenable. Pour protéger une industrie en voie de disparition, il sème la mort, propage le mensonge, salit l’image du Canada, où de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer son irresponsabilité.
Le temps est venu pour lui de prendre les seules décisions qui puissent restaurer sa dignité : cesser de mentir à la planète entière, cesser de soutenir financièrement les industriels de l’amiante, interdire l’amiante.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°28 (janvier 2009)