Les dérogations autorisant l’utilisation de diaphragmes d’électrolyse à base d’amiante pour la production du chlore ont-elles une justification
technique ?

Non. La plupart des groupes européens, comme Rhodia, BASF, Bayer, AKZO Nobel, Arkema utilisent des produits sans amiante pour l’électrolyse. Trois groupes continuent à utiliser des diaphragmes à base d’amiante : Dow Chemical, Solvay et Zachem. Dow Chemical, principale entreprise concernée en Europe, a d’ailleurs décidé d’adopter une nouvelle technologie de production sans amiante pour ses installations à Freeport aux Etats-Unis !

Quelles sont donc les raisons de ces dérogations ?

La commission prétend qu’un changement de technologie augmenterait la consommation d’électricité. C’est faux.
Elle soutient que l’amiante assurerait une meilleure sécurité aux opérateurs. Ce n’est pas sérieux.
Changer de technologie aurait un coût pour ces trois groupes. Mais cet aspect est secondaire pour l’industrie chimique dans son ensemble. Il faut chercher ailleurs les raisons de son lobbying auprès des institutions européennes. En 2005, l’interdiction de l’amiante en Europe a provoqué une onde de choc, contraignant provisoirement le patronat de la chimie à une certaine prudence. Il sort aujourd’hui de sa réserve, et l’on voit se heurter deux conceptions :

- celle que nous défendons : il revient à l’État d’évaluer la dangerosité intrinsèque de certains produits pour en déduire des mesures de prévention ou d’interdiction qui s’imposeront aux industriels.
- celle que défend le patronat de la chimie : c’est aux industriels de décider des produits et des procédés de production, le rôle de l’État se réduisant à évaluer les risques au cas par cas et à n’intervenir qu’en cas de catastrophe.

C’est une épreuve de vérité pour la politique européenne.
Oui. Il y a une incohérence politique à se poser en défenseur de la santé au travail et de l’environnement et à acheter de l’amiante aux Canadiens.
Pour le mouvement syndical l’enjeu est important. C’est un test de crédibilité pour Reach sur l’évaluation et l’autorisation des produits chimiques.
La commission s’est heurtée à une résistance qu’elle n’avait pas prévue. Il n’est pas exclu que la décision soit reportée en janvier.
Si elle maintient sa position, le parlement européen aura trois mois pour l’annuler. A nous de nous mobiliser...


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°28 (janvier 2009)