Pourquoi cette permanence ?

Carine TOUTAIN : L’association avait du mal à répondre à certaines questions : le taux d’incapacité est-il justifié ? La maladie vient-elle de l’amiante ? La création de la permanence médicale en 2004 a répondu à ce besoin.

Lucien PRIVET : Il s’agit d’apporter un éclairage médical, quand une association se heurte à une difficulté : refus médical de reconnaissance d’une maladie, taux d’IPP insuffisant, refus d’admettre que la maladie a causé le décès, pathologie pouvant avoir d’autres causes que l’amiante…
Pour les cancers non inscrits dans les tableaux, Il faut des dossiers solides pour le Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), avec recherche bibliographique et rédaction d’un mémoire.

Comment êtes-vous organisés ?

Carine TOUTAIN : Il y a un important travail de préparation en amont.
Il faut comprendre à quel stade de la procédure on se situe : la maladie a-t-elle déjà été déclarée ? Y a-t-il un contentieux ?
Il faut réunir le maximum de pièces médicales : comptes-rendus de scanner, explorations fonctionnelles respiratoires (EFR), comptes rendus d’hospitalisation, examens anatomopathologiques…
A partir de ces éléments, j’élabore une fiche de synthèse et je transmets le dossier au docteur Lucien Privet pour examen. Il vient une journée par mois à Vincennes et nous travaillons ensemble.

Comment évaluez-vous la situation médicale ?

Lucien PRIVET : Il est important de voir les personnes concernées et de discuter avec elles pour rédiger un avis destiné au tribunal du contentieux de l’incapacité (TCI) ou à la Cour nationale de l’incapacité (la CNITAAT). Certains dossiers sont simples, d’autres beaucoup plus complexes. Il ne faut pas se contenter du compte-rendu de scan-ner et se reporter aux images.

L’imagerie médicale a fait de grands progrès.

Lucien PRIVET : Oui, en travaillant sur le CD Rom fourni par le radiologue, on dispose d’une foison d’images. Avec des images en trois dimensions on peut mieux évaluer l’importance d’une lésion qu’avec seulement des coupes transversales. En faisant varier les contrastes, on peut mettre en évidence des pathologies pleurales non calcifiées. Le CD Rom permet aussi de produire des images lors d’un contentieux. La vérité médicale n’est plus l’apanage des médecins. Tout le monde peut voir...

Vous travaillez en lien étroit avec les associations du réseau Andeva.

Carine TOUTAIN : Oui, certaines sont déjà bien rodées et envoient des dossiers complets. Quand ce n’est pas le cas, je leur écris pour demander des compléments.

Lucien PRIVET : la présence d’un responsable d’association au moment de l’examen du dossier est un plus. Notre objectif est de faire en sorte que des militants soient en mesure de défendre eux-mêmes le dossier au TCI. C’est aussi le but des formations médicales organisées par l’Andeva.
Il ne faut pas que les militants des associations se contentent de lire un compte rendu de scanner, il faut qu’ils apprennent à regarder les images et à décrypter le langage médical. Ils doivent sentir les enjeux médicaux et prendre de l’assurance pour être capables de soutenir une controverse.
Au TCI siège un juge professionnel avec des assesseurs, mais le poids des experts médicaux est très important. C’est avec eux qu’il faut mener le débat pour emporter la conviction du tribunal. Certains experts antisociaux tordent la vérité médicale, par refus de voir les victimes correctement indemnisées.

La permanence existe depuis quatre ans. Ce travail commence-t-il à porter ses fruits ?

Carine TOUTAIN : Oui. Tout récemment par exemple, avec le Caper 59, nous avons fait majorer le taux d’incapacité d’un cancer broncho-pulmonaire de 20 à 67%. Nous avons obtenu que le taux d’IPP pour des épaississements de la plèvre viscérale passe de 5 à 10 ou 15%...

Lucien PRIVET : Notre but n’est pas d’opposer de bons spécialistes à de mauvais spécialistes. Il est de faire en sorte que des victimes puissent devenir acteurs à part entière de leur santé dans le débat social.


Article paru dans le Bullletin de l’Andeva n’28 (janvier 2009)