La Cour d’appel de Paris a condamné EDF

Jean-Louis Grollier et Alain Denizard avaient engagé une action en référé devant le conseil des Prud’hommes de Meaux. Il a condamné EDF en octobre 2007. La direction a fait appel, en se limitant aux cancérogènes autres que l’amiante. Par un arrêt du 4 décembre 2008, la Cour d’appel de Paris a confirmé la recevabilité de leur action et ordonné à EDF de leur remettre des attestations d’exposition conformes aux dispositions des articles D 461.25 du Code de la Sécurité Sociale et R 4412.58 du Code du travail relatives à l’exposition à la silice, aux amines aromatiques, au benzène, au chrome, à l’hydrazine, aux huiles minérales dérivées du pétrole, au brai de houille, au dichloréthane, au plomb, à la laine de roche, au trichloréthylène, au tétrachloréthylène et aux rayonnements ionisants.
Les attestations devront être remises aux intéressés sous astreinte de 20 euros par jour de retard.
EDF devra en outre verser 2000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.


UN IMPORTANT DEBAT JUDICIAIRE

La Cour a entendu les deux parties : les deux salariés représentés par Maître Emmanuelle Demaziére, du cabinet Ledoux ; EDF par Maître Philippe Toison.

La mauvaise foi d’EDF

A titre principal, Maître Toison a d’abord plaidé l’irrecevabilité : « Le suivi post-professionnel, en tant que prestation sociale, relève de la compétence du TASS et non des Prud’hommes, la formation en référé est incompétente en la matière. »
A titre subsidiaire, il a d’abord contesté l’exposition aux produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) : «  La présence de toxiques sur les sites ne constituent pas une preuve d’exposition ». Il contesta aussi l’obligation pour l’employeur de fournir des attestations pour des expositions antérieures au décret de 2001 sur les CMR : « L’employeur n’était tenu qu’à une obligation générale de sécurité, en absence d’une pathologie déclarée, la société est dans l’incapacité de présenter une attestation d’exposition sur des toxiques définis par la suite. »
A l’entendre, EDF aurait même fait preuve de responsabilité en prenant en considération « le coût social de la prise en charge du suivi post-professionnel par la CPAM » et « l’inquiétude de santé générée chez son personnel, par une délivrance laxiste d’attestations d’expositions. » (sic !).

Les clarifications du Procureur

Le Procureur de la République, Maître Henriot, insista sur la nécessité de clarifier le cadre juridique des procédures liées aux risques professionnels : « Dans ce domaine, les législations sociale et du travail sont étroitement imbriquées, la compétence ou la primauté d’une cour par rapport à une autre paraît tout à fait secondaire ». La législation sur les CMR faisant partie du code du travail, la compétence du conseil des Prud’hommes ne pouvait être contestée. La procédure en référé était « tout à fait adaptée à l’urgence des dispositifs de prévention des cancers souhaités par le législateur. »
Il balaya les arguments d’EDF sur son incapacité à présenter des attestations pour les expositions antérieures à 2001 en invoquant le décret de 1995 et l’arrêté de 1995 qui lui imposaient de le faire pour les produits cancérogènes.

150 preuves d’exposition !

Atteint d’un cancer, Alain Denizard, ne pouvait assister à l’audience. Jean-Louis Grollier et lui avaient versé au dossier plus de 150 pièces prouvant l’exposition aux CMR : des témoignages de collègues, des photographies, les descriptions précises des tâches professionnelles, des courriers du médecin du travail de l’époque, des fiches produits, des mesures de contrôle de produits toxiques dépassant les normes en vigueur, des documents d’EDF où l’on relevait près de 240 produits de la liste européenne des CMR (note ED 976 de L’INRS).
Jean-Louis Grollier fournit des attestations des docteurs Sandret et Carré, médecins du travail à EDF, confirmant le contact avec des cancérogènes tels que la silice, l’hydrazine, des amines aromatiques, le benzène, le chrome, les huiles minérales dérivées du pétrole, le brai de houille. La matrice emploi-exposition EDF-GDF Matex permit également de repérer des expositions à partir d’une analyse croisée des fiches de poste et des périodes d’activités.
L’avocate des salariés fit valoir que ces agents chimiques sont dangereux au sens de l’article R.4412-40 du code du travail et relèvent donc de la compétence du conseil des Prud’hommes.
Elle souligna les contradictions d’EDF, qui « ne peut à la fois accepter le jugement du conseil des Prud’hommes de Meaux concernant les attestations amiante et faire appel de sa décision concernant les attestations CMR. »

En fin d’audience, Jean-Louis Grollier expliqua à la cour le quotidien de son métier. Son intervention permit aux juges de mieux appréhender la réalité des expositions professionnelles à EDF.

Le 4 décembre, le jugement des Prud’hommes de Meaux a été confirmé en appel.

Frédéric HOUEL


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°28 (janvier 2009)