« Nous avons remporté la deuxième manche »

Après quatre années d’un difficile combat
judiciaire, les ouvriers de ZF Masson à Saint-Denis-les-Sens(Yonne) ont transformé l’essai : leur employeur devra indemniser la perte de revenu qu’ils ont subie du fait de leur départ en cessation anticipée d’activité.

« C’est gagné ! La cour d’appel de Paris nous a donné raison ! ».
L’émotion était grande le 18 septembre 2008 à l’Addeva Yonne en apprenant la nouvelle au téléphone.
Plus de quatre années d’un difficile combat judiciaire ! Avec ses temps forts, comme la mobilisation des associations de l’Andeva en 2006 venues soutenir les ZF Masson devant les prud’hommes de Sens. Mais aussi avec ses moments d’inquiétude et de doute.

« C’est gagné ! » On espérait bien une victoire après le jugement favorable du conseil des prud’hommes de Bergerac le 26 juin dernier. Les impressions d’audience étaient plutôt favorables. Mais cette fois-ci, c’est officiel : la chambre sociale de la cour d’appel de Paris vient de confirmer l’indemnisation de la perte de revenus subie par 36 anciens salariés de ZF Masson de Saint-Denis-les Sens (Yonne) du fait de leur départ en cessation anticipée d’activité amiante.

Le téléphone crépite. Les journalistes posent des questions. Le temps presse. Dans l’Yonne Patrick Thourigny et Ezzine Khalfaoui se préparent à reprendre la voiture pour Paris (La veille encore ils étaient venus en car dans la capitale pour une action en faute inexcusable de l’employeur plaidée devant la cour d’appel de Paris). Pas le temps de souffler…

Au cabinet d’avocats, on épluche le jugement : « Presque toutes les sommes obtenues correspondent, au centime près, à celles que nous demandions pour compenser la perte de revenu ». Les plaignants percevront chacun la différence entre leur salaire du temps de leur activité et le montant de leur allocation calculée sur toute la durée de versement de celle-ci. Le montant des indemnisations va de 1646 euros à 52 254 euros...

Au téléphone, Jean-Paul Teissonnière cite un extrait du jugement pour un journaliste : « Dans leur arrêt, les magistrats ont considéré que les anciens salariés étaient placés devant un « choix relatif » : « soit continuer de travailler jusqu’à l’âge légal de la retraite mais sous la menace statistiquement avérée de développer l’une des maladies consécutives à l’exposition à l’amiante, dont il a été souvent constaté qu’elles apparaissent avec un certain retard, et par conséquent risquer d’avoir une retraite écourtée, soit privilégier le droit de partir en préretraite à 50 ans mais au prix d’une diminution de revenus de 35 % et donc d’un préjudice matériel important. Leur choix dans ces circonstances est un choix par défaut, conséquence de la carence de l’employeur dans l’exécution de son obligation contractuelle de sécurité de résultat  ».

A côté de lui, François Desriaux, le président de l’Andeva, se bat avec un portable capricieux sur lequel il tape un communiqué de presse : « Pré-retraite amiante : victoire à la cour d’appel de Paris »… Signé par l’Addeva Yonne et l’Andeva, le communiqué souligne la portée du jugement : « L’Andeva et l’Addeva Yonne se félicitent de cette décision. La préretraite amiante vise à compenser la perte d’espérance de vie de salariés ayant été exposés de façon importante à ce matériau cancérogène. Or de nombreux travailleurs, pourtant éligibles au dispositif, sont contraints d’y renoncer, compte tenu de la perte de revenus trop importante qu’il engendre. Par ailleurs, l’Andeva regrette que de nombreux salariés, pourtant massivement exposés à l’amiante ne soient pas éligibles à l’Acaata. C’est le cas d’une majorité d’ouvriers du bâtiment ou des fonderies... »

« C’est gagné ». Après le jugement de Bergerac, nous avons remporté la deuxième manche. La cour d’appel s’est prononcée à la fois sur la recevabilité de la demande par la juridiction prud’homale et sur le fond. Le prochain rendez-vous judiciaire aura lieu devant la cour de cassation.

Il sera décisif.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°28 (janvier 2009)