Des travaux récents(1). dans le nord-est du pays, mettent en lumière une exposition environnementale des populations.

Nichée entre rivières, mer et montagne, la commune de Hienghène se situe sur la côte Est de la Nouvelle-Calédonie, à sept heures par la route de Nouméa. Elle offre le calme de la nature montagneuse. Vingt tribus mélanésiennes se disséminent sur le territoire communal principalement dans les vallées avoisinant le village(2).

Un mode de vie qui favorise l’exposition à l’amiante

La population mélanésienne de la vallée de la Hienghène vit en tribu(3). sous la forme de hameaux claniques d’une centaine d’âmes. Chaque tribu regroupe un ou plusieurs clans déplacés par les vicissitudes de l’histoire dans un habitat le plus souvent regroupé, parfois dispersé.

Les habitations se composent de plusieurs constructions, construites de « bric et de broc » : maisons en bois, cases en matériaux naturels (torchis et paille), bâtiments en aggloméré, ciment et tôle. Les sols des habitations sont quelque fois en ciment, le plus souvent en terre battue. Pas de vitres aux fenêtres pour beaucoup d’entre elles, les portes restent ouvertes laissant passer lumière et… poussières. Peu ou pas de meubles.

Les gens s’allongent sur la natte à même le sol pour regarder la télévision, papoter ou faire la sieste. Ce même sol sert d’espace de jeux aux enfants et de bureau pour faire les devoirs d’école.

La famille étendue est la règle. Elle accueille de nombreuses personnes sous le même toit selon des liens d’adoption, amicaux, de parentèle ou de solidarité.

Chacun participe selon ses disponibilités, ses moyens ou à « sa façon » à la gestion de cette microsociété. Les hommes vont à la chasse, les femmes s’occupent autour des activités domestiques ou papotent autour d’un bol de thé ou de café, allongées sur une natte. Parfois elles se retrouvent et jouent au « bingo ». Le temps est employé à l’entretien du champ(4). et des espaces verts, au bricolage ou aux réparations diverses. Quelques personnes sont salariées de la municipalité ou exercent un travail indépendant.

Même profondément transformée par l’influence occidentale, la vie en tribu se décline au rythme de la coutume, cet ensemble de règles non écrites, d’usages et d’habitudes vécues au quotidien par les Mélanésiens.

Les poussières d’amiante s’accumulent dans l’espace de vie au quotidien

Des affleurements amiantifères ont été localisés dans différents endroits de la vallée, le long du chemin d’accès aux habitations et à proximité des lieux de vie et d’activités(5)..

Ainsi, une partie des habitations de la tribu de Tendo est construite sur du matériel schisteux amiantifère (trémolite)(6).. L’ensemble forme une bande allongée située sur le flanc rive droite de la rivière dans la partie ouest de la tribu. Un chemin fréquemment utilisé par les habitants traverse cette zone dans sa partie amont.

Ces affleurements constituent une source émettrice de fibres dans l’air : l’exposition a été précisée par des mesures d’empoussièrement tant à l’extérieur qu’à l’intérieur des habitations(7)..

Le mode de vie tournée vers l’extérieur favorise le contact avec les poussières contenant de l’amiante. Dans ces espaces contaminés, l’habitat ; nous l’avons vu, n’offre peu ou pas de protection contre les fibres. Celles-ci s’accumulent dans les maisons où elles sont remises en suspension par le seul déplacement des individus. Les Mélanésiens de la tribu de Tendo sont ainsi exposés lorsqu’ils vaquent à leurs activités quotidiennes. L’exposition est passive et permanente, longue dans le temps, régulière, débutant dès le plus jeune âge. Elle se conjugue à une exposition plus importante lorsque les activités familières telles que le balayage, le jardinage remettent les fibres en suspension dans l’air. Le contact avec les poussières d’amiante est alors limité dans le temps mais expose à des doses élevées de pollution.

A chaque voyage, ils respirent des fibres mortelles

L’exposition aux fibres est aussi le fait des pistes non goudronnées. L’amiante émerge en plusieurs endroits sur les talus reliant les tribus entre elles. Pendant longtemps (encore aujourd’hui ?), les pistes ont été remblayées avec du matériau prélevé dans les carrières de matériau compact constitué de roches amiantifères. Ces pistes créent une situation d’exposition pour toutes les personnes les empruntant que ce soit le long du chemin, à pied ou à cheval ou encore en voiture. Le risque d’exposition concerne essentiellement les gens des tribus de la vallée qui en sont les utilisateurs réguliers. Ce risque a été mis en évidence par l’analyse de poussières prélevées sur le tableau de bord d’une voiture, analyse qui révèle un nombre important de fibres d’amiante au cm².

Ce constat est alarmant si on évalue la surface de l’habitacle potentiellement contaminée. Le conducteur et les enfants qui se rendent régulièrement à l’école respirent à chaque voyage des fibres mortelles.

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°30 (septembre 2009)