Annoncé sans aucune concertation, ce projet avait soulevé un tollé chez les professionnels et les usagers de ces tribunaux.

Fin 2008, les ministères du Travail et de la Justice annonçaient la suppression de 44 des 115 Tribunaux des affaires de la Sécurité sociale (Tass) actuels : tous les tribunaux traitant moins de 550 affaires par an devaient disparaître en 2010 .

En février 2009 beaucoup apprirent la décision les concernant par courrier et sans concertation préalable. Ce fut un tollé général dans le monde judiciaire.

Un recul du principe d’égalité face à la Justice

Ce projet était lourd de conséquences :

- L’éloignement géographique imposait à des victimes de maladies ou d’accidents professionnels, ayant une santé souvent précaire, de faire jusqu’à 200 kilomètres de trajet pour assister aux audiences. Une difficulté insurmontable pour des personnes handicapées, malades ou invalides.

- L’augmentation des frais de déplacement était difficile à supporter pour des personnes ayant des ressources réduites. Des justiciables Rmistes, qui saisissent le Tass pour des litiges de 100 ou 200 euros, ne pouvaient financer ce trajet.

- Les délais d’audiencement, qui atteignent deux ans pour certains tribunaux risquaient de s’allonger davantage.

En privant de facto de leurs droits les assurés les plus fragiles, ce projet marquait un recul important du principe d’égalité face à la justice.

L’opposition des associations de victimes

L’Andeva et la Fnath en ont bien mesuré les enjeux.

« Notre juriste est presque chaque semaine au TASS pour défendre des accidentés de la vie, explique Michel Perrin, responsable d’un groupement départemental de la Fnath. Tout le temps passé en déplacement sera du temps en moins pour les permanences et l’accueil de nos adhérents ».

Lors des actions en faute inexcusable de l’employeur, les adhérents des associations locales de l’Andeva remplissent souvent la salle d’audience. L’éloignement du tribunal ferait obstacle à cette solidarité.

Les personnels des Tass craignent de pâtir de cette mobilité géographique, avec, pour certains, un trajet journalier de trois heures au détriment de leur vie familiale et professionnelle.

Des manifestations un peu partout en France

Le projet de suppression des Tass s’est donc heurté à une hostilité générale des professionnels et des usagers de ces tribunaux.

La conférence des bâtonniers, qui représente l’ensemble des avocats de province, a demandé le retrait pur et simple de ce projet « précipité ».
Des manifestations regroupant syndicats, associations et professionnels du barreau ont eu lieu un peu partout en France pour défendre les Tass menacés de disparition.

Les préfets de région ont exprimé des réserves, et de nombreux élus locaux, au sein même de la majorité, ont dit publiquement leur désaccord.
Le projet sera « repris à zéro »

Devant ce tollé, Brice Hortefeux alors ministre du travail, annonça le 8 juin que le projet de son prédécesseur, Xavier Bertrand, était suspendu. « En l’état, le projet pénalise trop l’accessibilité de ces tribunaux pour les particuliers requérants, souvent en grande difficulté sociale, et les nécessités d’aménagement du territoire n’ont pas été assez prises en compte », expliqua son entourage.

Une mission sera confiée à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’Inspection des services judiciaires pour établir de nouvelles propositions d’ici à la fin de l’année.

Le gouvernement a fait un recul tactique en annonçant que ce projet de fusion progressive des Tass serait « repris à zéro », mais il ne s’agit à ce jour que d’une suspension et non d’un abandon. Brice Hortefeux a depuis cédé sa place à Xavier Darcos, qui a déjà supprimé 17.000 postes dans l’Education Nationale… La vigilance s’impose.

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°30 (septembre 2009)

Frédéric HOUEL