D’ici 2025, il y aura 100000 morts dues à l’Amiante, peut être même plus. Ce documentaire passionnant, reprend les grandes étapes de l’histoire de l’amiante.
Témoignages à l’appui, José Bourgarel tente de comprendre comment une
telle tragédie s’est produite. Il s’interroge sur le lobby de l’amiante et donne parole aux victimes. Il répond ici aux questions de Léa Veinberg.

« L’affaire de l’amiante, c’est le primat du business sur la santé publique »

Comment avez vous eu l’idée de faire ce film ?

J’ai lu, un jour, dans le journal qu’il allait y avoir 100 000 morts dues à l’amiante dans les années à venir.

J’ai donc commencé à me documenter pour comprendre comment un tel drame avait pu se produire. J’ai proposé ensuite à France 2, de diffuser un documentaire sur ce sujet.
 

 


Mesuriez-vous l’ampleur du phénomène ?

Non, comme la plupart des gens, je pensais que le problème avait été résolu avec l’interdiction de l’amiante en 1997. Et d’ailleurs, je crois que la majorité des gens ne sont toujours pas vraiment au courant de l’actualité de la question et ses implications. Certes, tout le monde a entendu parler de l’amiante, mais très peu de gens connaissent sa dangerosité actuelle. L’amiante est encore omniprésent dans notre pays, dans la rue, sur les toits, dans les bureaux.
 

 


Pensez-vous que l’on a tiré les leçons du scandale de l’amiante ?

Le scandale de l’amiante est un très bon exemple. Il illustre le fonctionnement de notre société, de notre pouvoir politique, de notre économie. Il démontre le problème de fonctionnement de la machine démocratique et du primat de l’économique et du business sur la santé publique.

Évidemment, aujourd’hui nous avons davantage de garde-fous, je pense à l’Afsset en particulier. Mais je ne suis pas certain qu’un tel drame ne puisse pas se reproduire.
Il suffit par exemple de constater, qu’actuellement aucun principe de précaution particulier n’est appliqué dans l’utilisation des nanotechnologies.

C’est la même chose en ce qui concerne la possible nocivité des ondes wifi et des téléphones portables. On devrait être plus prudent, notamment dans l’industrie, même si on a fait quelques progrès avec le protocole REACH (Règlement entré en vigueur en 2007 qui permet de tester les nouvelles substances chimiques).
Mais lobbys et appât du gain, sont toujours là.
 

 


Qu’est ce qui vous a le plus touché dans votre enquête ?

C’est la tragédie humaine et l’injustice.

Une histoire en particulier m’a bouleversé. J’ai rencontré à Condé-sur-Noireau une femme, qui finalement n’a pas voulu apparaître dans le film.

Elle était elle-même malade, son mari était décédé, et ils avaient contaminé leurs trois enfants à cause des fibres déposées sur leurs vêtements de travail.

Et cette femme me disait : « J’ai tué mes enfants. » On ne ressort pas indemne de ces rencontres.
 

 


Pourquoi à votre avis a-t-on mis autant de temps à interdire l’amiante ?

Dès les années 60, il était difficile d’ignorer sa nocivité mais les substituts étaient plus chers à
utiliser. 

Comme principalement, ce n’était que les catégories modestes de la population qui était touchées, l’information et les actions ont été moins rapides.

Ces gens avaient moins accès aux médias qu’ils n’intéressaient pas beaucoup non plus.

C’est pour cela que l’affaire de l’amiante à Jussieu a été capitale.

Les profs ont eu plus de facilité pour se faire entendre, notamment autour du professeur Henri Pézerat, universitaire à Jussieu, toxicologue au CNRS.
 

 


Quelle est pour vous l’importance d’un procès ?

Cela montra ce que l’on veut comme priorité dans la société, comme représentation de la cité.
Et puis, comme en Italie, l’information circulera davantage. On aura plus de légitimité pour demander des comptes : Le diagnostic amiante a-t-il été fait dans votre logement, dans l’école de vos enfants, sur votre lieu de travail ?
Il me semble aujourd’hui capital de mettre en place en France un grand plan de désamiantage. Évidemment cela coûterait cher mais pas si l’on prend en compte les coûts des maladies et des indemnisations.

 


Que vous ont dit les
victimes ?

J’ai remarqué la grande dignité de toutes les victimes, même si parfois j’ai pu être étonné que certains n’osent pas attaquer leurs employeurs. D’autres, résignés, ont travaillé au contact de l’amiante et ne sont pas suivis médicalement.
Certains n’ont même pas la force de remplir le dossier du FIVA.
Heureusement, ils sont épaulés par les associations de victimes.
Leur rôle est capital. Elles aident les gens à se défendre, leur expliquent leur droit, les aident à remplir des dossiers.
À Condé-sur-Noireau, j’ai rencontré un type exceptionnel, Bernard Brodin, qui passe son temps à aider bénévolement les malades de l’amiante.
 

 


Quel sera votre prochain film ?

Un film sur l’environnement.

J’essaie de faire des films qui permettent de réfléchir sur des problématiques, économique, politique ou sociales de notre époque, sur la mondialisation, sur la maladie mentale, sur la guerre d’Algérie notamment.

Il reste des petites cases à la télé, où on a la possibilité de passer des films qui font réfléchir !

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°32 (mars 2010)