La lente agonie de l’industrie de l’amiante

Début 2008, il y avait encore trois mines en activité au Québec : Bell Mine, Lac d’amiante et la mine Jeffrey près de la ville Asbestos. En 2008 la première a été fermée et la dernière a suspendu ses opérations. Quant à la mine de Lac d’Amiante, ses réserves ne dépasseraient pas 2012 .

D’où le projet fou d’ouvrir une nouvelle mine souterraine pour faire revivre la mine Jeffrey avec des investissements privés et une garantie de prêt de 58 millions de dollars par le gouvernement du Québec.

Ce prêt est conditionné à l’obtention de 25 millions de dollars
d’investissements privés attendus depuis deux ans. Les investisseurs hésitent. Non par honte ou remord mais à cause des maigres perspectives économiques et du risque de procès futurs.

L’industrie canadienne est en difficulté : elle ne peut concurrencer les autres grands producteurs (Brésil, Kazakhstan, Russie) et les avis de l’Organisation mondiale de la santé, de l’Agence internationale de recherche sur le cancer, de l’Organisation internationale du Travail, entre autres, sur la dangerosité de l’amiante commencent à peser lourd sur le commerce de de ce matériau cancérogène.

Le marché se réduit comme peau de chagrin

L’Europe (hors les pays de l’ex-URSS) a cessé d’utiliser l’amiante. Les Etats-Unis n’utilisent pratiquement plus d’amiante. L’Afrique n’offre pas de marché ; la production d’amiante y a cessé : l’Afrique du Sud, jadis troisième producteur mondial, a interdit l’amiante et les mines du Zimbabwe (ancienne Rhodésie) se sont écroulées. L’Australie a interdit l’amiante et la Nouvelle-Zélande a interdit l’importation d’amiante brut. L’Amérique du Sud n’achète plus d’amiante au Canada : l’Argentine, le Chili et l’Uruguay ont interdit l’amiante et les autres pays encore utilisateurs achètent au Brésil.

Reste l’Asie où le marché est encore important. Mais les Philippines et la Malaisie sont sur la voie de l’interdiction de l’amiante. La Chine, premier consommateur mondial, commence lentement à comprendre l’ampleur du problème et a interdit les produits de friction en amiante (freins, embrayages) et certains produits de construction en amiante-ciment. En Inde, deuxième consommateur mondial, un projet de loi interdisant l’amiante a été proposé au parlement. Même en Russie, premier producteur mondial, une loi interdisant les freins en amiante a été mise en route, provoquant la fureur des industriels.

L’entêtement criminel du gouvernement canadien

Le Canada continue à se couvrir de honte. Sa politique est à la fois criminelle et absurde, car l’amiante ne représente plus aucun enjeu commercial pour le Canada.

Les employés de la mine Jeffrey ont été contraints d’accepter des salaires misérables dans l’hypothèse d’une relance de la mine souterraine. Leur nombre (200 à 300) et leur âge (plus de 55 ans en moyenne) ne leur laissait aucune marge de négociation.

Le gouvernement Harper sait que l’amiante chrysotile cause des maladies mortelles. Au Canada, comme dans le monde, un décès par cancer professionnel sur trois est causé par l’amiante. L’Association Médicale du Québec, l’Institut National de Santé Publique du Québec, l’Association des Médecins Spécialistes en Santé Communautaire du Québec, la Société Canadienne du cancer, et l’Association pour la Santé Publique du Québec s’opposent à la relance de la mine Jeffrey et à l’exportation de l’amiante vers des pays pauvres dépourvus de législation protégeant les travailleurs.
Mais le gouvernement canadien reste pour l’instant sourd et aveugle.

Un gouffre pour les finances publiques

La mine Jeffrey a déjà coûté très cher aux contribuables canadiens.
Déjà en 2004, Simon Dupéré président de LAB chrysotile (l’autre mine d’amiante), dénonçait un « traitement de faveur » dont jouissait cette mine concurrente, avec 93 millions de dollars d’impayés, ajoutant que «  depuis 1989, plus de 160 millions de dollars auront été accordés à la Mine Jeffrey…C’est aberrant ! ».

20 millions de dollars pour l’Institut du Chrysotile

L’Institut du Chrysotile, a reçu du gouvernement fédéral canadien plus de 20 millions de dollars depuis 1984 (et une somme équivalente du gouvernement québécois !) pour promouvoir l’« usage sécuritaire » de l’amiante. Un des directeurs de cet organisme pseudo-scientifique est Bernard Coulombe, le président de la mine Jeffrey. Son président, Clément Godbout, ancien syndicaliste, a utilisé cet argent public pour poursuivre deux responsables de l’Andeva en justice…Ce financement pourrait être supprimé dans le budget de l’an prochain, mais le gouvernement a d’autres façons d’aider l’Institut du Chrysotile.


 

Qui dirige Balcorp ?

Le consortium Balcorp, censé trouver les fonds privés pour relancer la mine Jeffrey est dirigé Baljit Chadha, un homme d’affaire qui exporte depuis 15 ans l’amiante canadien en Inde. Parmi ses multiples activités citons le commerce des noix et l’organisation d’événements destinés à recueillir des fonds pour les partis politiques canadiens.

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°36 (septembre 2011)