Maître d’œuvre pour divers chantiers dans le bâtiment et les travaux publics et lui-même victime de l’amiante.

Didier Faure est adhérent de l’Addeva 93. Quand il évoque les dangers de l’amiante, il sait de quoi il parle : d’abord parce que son métier est de veiller à la sécurité sur les chantiers du bâtiment mais aussi parce ses poumons ont été atteints par l’amiante. Il nous fait partager son
expérience.

Quand je suis tombé malade, mon asbestose a été reconnue en maladie professionnelle due à l’amiante. C’est peu après que j’ai décidé de monter une entreprise de bureau d’étude.

Non seulement je ne trouvais pas d’emploi du fait de mon handicap mais c’est à ce moment précis, que j’ai réalisé l’importance de la réglementation du travail (sur les chantiers notamment). Lorsqu’elle n’est pas respectée ou mal appliquée, les accidents de chantier, les maladies professionnelles sont légion.
Mon entreprise
existe depuis 2007. Sa spécialité est la maitrise d’œuvre amiante : ordonnancement, pilotage et coordination, rédaction de fiches méthodologiques pour les entreprises, suivi de chantier en regard d’un cahier des charges établi par d’autre maîtres d’œuvres ou architectes, promotion de la prévention.
Je suis spécialiste du bâtiment. Après plusieurs CAP, j’ai commencé à travailler dans le bâtiment en 1982.

Ensuite, je suis devenu aide métreur puis j’ai suivi une formation pour la rénovation et la construction. Je me suis spécialisé dans les lots de bâtiments.
Depuis des années, je ne peux que déplorer les difficultés que nous rencontrons dans la mise en place des consignes de sécurité sur les chantiers.

La charge de travail des agents de la CRAMIF, de l’inspection du travail ou de l’OPPBTP (Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics) est si importante qu’ils ne parviennent pas à faire autant de contrôles qu’il serait nécessaire.

La majorité des intervenants est persuadée de se faciliter la vie en contournant les normes de sécurité. Beaucoup s’imaginent que les respecter serait trop coûteux.

Je pense à l’exemple récent d’un immeuble : l’architecte maître d’œuvre avait fixé des règles de sécurité, dans l’intérêt de ses clients. Mais, sur le chantier, j’ai pu voir qu’aucune n’était respectée : ni pour le montage de l’échafaudage, ni pour les diagnostics sur la présence éventuelle de matériaux dangereux comme l’amiante (pourtant obligatoires avant le début des travaux). J’ai constaté avec effroi que les travaux de réfection du conduit de cheminée en fibrociment avaient commencé sans qu’aucune protection n’ait été mise en place en cas de présence d’amiante.

Personne n’avait non plus prévu de bordereau de suivi des déchets.
On ne réfléchit pas, on fonce sans se soucier du danger ni des conséquences éventuelles, sans ne jamais même prendre le temps de chercher les informations en amont. Dans l’immense majorité des cas, sur les chantiers, la réglementation en vigueur n’est pas appliquée.

Et que dire des travaux effectués chez les particuliers ? La plupart d’entres eux sont complètement perdus dans la réglementation. Ils n’en comprennent pas tous les enjeux.
Lors de la vente d’un bien immobilier, le propriétaire doit établir des diagnostics énergétiques et de mise aux normes de l’électricité, de la présence de termites, de plomb et d’amiante.

Ces diagnostics fournis avant la vente sont sensés protéger les particuliers. Or la réalité est toute autre.
Les diagnostics sont souvent approximatifs et la législation bien ambiguë. Le diagnostiqueur doit-il soulever une moquette pour identifier un sol amianté ? Tous les matériaux susceptibles de contenir de l’amiante sont-il vraiment testés (joints de châssis, enduits, câbles, colle…).

« Dans l’immense majorité des cas, la réglementation n’est pas appliquée sur les chantiers »

Dans la plupart des cas on ne prévient pas les gens des risques qu’ils courent.
Les notaires ou les agents immobiliers n’ont ni les compétences ni le temps pour éplucher ces diagnostics afin d’y repérer d’éventuelles lacunes.
Quant au particulier s’il a souvent conscience des risques qu’il peut courir avec une électricité défectueuse, le risque amiante lui semble abstrait.
D’ailleurs combien savent que les travaux de désamiantage doivent être gérés par une entreprise spécialisée ? Combien se sont posés la question de la présence potentielle d’amiante dans les joints d’une fenêtre à changer, dans la colle du revêtement de leur sol ou même dans certains câbles électriques ?

Pourtant, s’ils sont mal gérés, les travaux sur l’amiante et les déchets qu’ils produisent peuvent empoisonner de façon irréversible ceux qui se trouvent autour.
Et qu’en est-il enfin des artisans qui font des travaux chez des particuliers en ignorant la règlementations ou en étant persuadés que les précautions préconisées pour l’amiante sont inutiles ?

Devant ce genre de risque, tout le monde reste un peu muet. On évoque les travaux d’enlèvement d’amiante comme des procédures « de luxe ». On hésite pour des raisons d’argent à faire appel à des professionnels pour le confinement ou la gestion des risques.
Que faire alors ?
Je crois qu’il faut informer, prévenir tout un chacun des risques. Il faut expliquer l’importance de respecter les procédures. Il faut prévenir un ouvrier des précautions à prendre sur un chantier dès que l’on a le moindre doute. Et pourquoi ne pas proposer des formations aux acheteurs vendeurs, aux notaires et aux agents immobiliers et surtout aux artisans afin de faire circuler l’information ?

Tout le monde a une part de responsabilité.

« Il faut informer, prévenir tout un chacun des risques »

_____________________________________________

Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°36 (septembre 2011)