Aujourd’hui en France, sauf exception locale, le suivi médical post-professionnel des retraités et des chômeurs (SPP) existe davantage sur le papier que dans la vie. Seule une infime proportion de personnes éligibles passent effectivement des examens.
En avril 2010, après une audition d’experts, la Haute Autorité de Santé (H.A.S.) a émis des recommandations qui sont, à ce jour, restées lettre morte.

Des décisions pourraient être annoncées cet automne. Une délégation de l’Andeva a été auditionnée par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas).

La situation est grave. Ce n’est ni par des effets d’annonce ni par des mini-mesures qu’on la débloquera.
Il faut appliquer les recommandations de la H. A.S. et en tirant les enseignements des programmes régionaux de suivi médical qui ont bien marché.

Des propositions à mettre immédiatement en oeuvre

Dans une société idéale, tous les salariés exposés à l’amiante seraient informés de leurs droits. Ils sauraient qu’à la retraite ils pourrraient bénéficier d’un suivi médical gratuit, s’ils ont été exposés à l’amiante. A leur départ, leur patron leur remettrait toujours une attestation d’exposition à l’amiante co-signée par le médecin du travail pour qu’ils passent les scanners prévus par la réglementation.

Nous ne sommes pas dans une société idéale : la plupart des retraités exposés n’ont aucun suivi médical, car ils ignorent leurs droits.
La plupart des patrons ne délivrent pas d’attestation d’exposition, de peur de mettre le doigt dans un engrenage financier et judiciaire.
La réglementation, qui n’a pas été remise à jour depuis seize ans, prévoit des examens radiologiques obsolètes !
Pour que le suivi médical devienne une réalité en France, il faut d’abord que l’état joue son rôle.

Le scanner doit devenir l’examen de référence réglementaire

L’arrêté du 28 février 1995 prévoit une radio du thorax tous les deux ans. Or le scanner est plus sensible et plus spécifique que la radio pour le repérage des fibroses liées à l’amiante : quand le scanner voit cinq plaques pleurales, la radio n’en voit qu’une chez les mêmes patients !
La H.A.S. recommande que le scanner soit l’examen de référence et que l’on abandonne les radios. L’arrêté du 28 février 1995 doit être mis à jour.

Visite médicale de fin de carrière et relevé des expositions professionnelles par le médecin du travail

La délivrance d’une attestation d’exposition par l’employeur ne doit pas être le point de passage obligé pour bénéficier d’un suivi médical.
La recommandation N° 3 de la H.A.S. est de faire une visite de fin de carrière par le médecin du travail, qui délivrerait à cette occasion un relevé des expositions au cours de sa carrière utilisable auprès de son organisme de protection sociale.

Un questionnaire d’exposition envoyé par les caisses aux nouveaux retraités

En l’absence d’un dispositif efficace de repérage des expositions, la recommandation N° 8 de la H.A.S. insiste sur le rôle informatif et incitatif des caisses de Sécurité sociale pour « informer tous les nouveaux retraités sur les risques liés à l’exposition professionnelle à l’amiante et sur les dispositifs de prise en charge, et leur envoyer un questionnaire de repérage des expositions professionnelles. ».

Une exploitation informatique des réponses permettrait de sélectionner les personnes susceptibles d’avoir été exposées, de leur proposer un rendez-vous pour évaluer leur exposition.
L’expérience des programmes-pilotes de suivi médical comme ESPri montre que c’est techniquement possible et que le coût n’est pas exorbitant.

Limiter l’envoi de ces questionnaires aux seuls bénéficiaires de l’Acaata serait tourner le dos à l’esprit et à la lettre des recommandations de la Haute autorité de santé, en continuant à laisser sur le bord du chemin les salariés qui auraient le plus besoin d’un suivi médical : ceux qui ont travaillé dans des conditions très dures au contact des poussières d’amiante dans le bâtiment et les travaux publics ou bien dans des petites et moyennes entreprises, où il n’y avait ni délégué ni syndicat, ni CHSCT pour faire respecter les règles de sécurité.


TOUS CEUX QUI ONT EU LA MÊME EXPOSITION DOIVENT AVOIR LES MÊMES DROITS

La recommandation N° 1 de la HAS est que « Les personnes ayant été exposées professionnellement à l’amiante doivent pouvoir bénéficier du suivi post-professionnel (SPP), quel que soit leur régime de protection sociale (salariés, travailleurs indépendants, fonction publique, etc.) »


COMME POUR LA TUBERCULOSE OU LE V.I.H.

La déclaration du mésothéliome aux autorités sanitaires va devenir bientôt obligatoire

Cette déclaration a été expérimentée au premier semestre 2011 dans 6 régions. Cette expérimentation est terminée. On attend des textes rendant obligatoire cette déclaration sur l’ensemble du territoire national.

Comme pour la tuberculose, le tétanos ou le V.I.H, tout médecin ou biologiste qui pose le diagnostic d’un mésothéliome devra signaler le cas à la direction départementale de l’action sanitaire et sociale (Ddass). Ces données seront suivies par l’Institut de veille sanitaire (InVs). Ce dispositif viendra compléter le programme national de surveillance des mésothéliomes pleuraux (PNSM) qui existe déjà dans 23 départements.

Un premier bilan dans 6 régions

La déclaration obligatoire aux autorités sanitaires a été testée dans six régions : Aquitaine, Auvergne, Lorraine, Ile de France, Midi Pyrénées,Paca.

Les tout premiers chiffres

Les chiffres du premier trimestre 2011 permettent de tirer un premier bilan :

- Déclarations reçues par l’InVS : 42.

- Médecin déclarant :

Pathologiste : 60%

Clinicien : 40%.

- Mésothéliome :

de la plèvre : 81%

du péritoine : 19%

Histologie :

100% des cas ont eu un diagnostic anatomopathologique.

Sexe :

Hommes : 79%

Femmes 21%.

Age moyen au diagnostic : 69 ans

La fiche de déclaration comporte une question sur un éventuel « contact professionnel avec l’amiante ».
Le médecin n’a répondu : oui que dans 33% des cas. Un chiffre très inférieur à la réalité !

Dans 38% des cas, le médecin n’a répondu ni oui ni non, laissant la question en blanc.

Expositions professionnelles méconnues

Dans sa conception actuelle, ce dispositif ne permet donc pas de documenter les expositions professionnelles des patients.

Ce n’est pas vraiment étonnant car 60% des déclarations ont été faites par des anatomopathologistes, qui n’ont aucun contact avec le malade.
L’exposition professionnelle n’a été renseignée dans un second temps par un clinicien que pour sept cas. Ce qui est très peu.

Ces chiffres imposent une réflexion sur la finalité de cette déclaration obligatoire aux autorités sanitaires.

Comme pour la tuberculose ou le V.I.H. elle a l’intérêt de fournir des données qui permettent de suivre l’évolution et les caractéristiques d’une maladie.

Mais, dans l’intérêt du patient, elle devrait s’accompagner d’un dispositif d’aide à la déclaration en maladie professionnelle et à l’indemnisation.


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°36(Septembre 2011)