Le jugement rendu par le tribunal civil de Bruxelles fera date

Oui, dans le combat des victimes de l’amiante en Belgique, il y aura un avant un après le 28 novembre.

C’est le premier procès engagé par une victime environnementale. Le juge a utilisé des mots très durs, évoquant le « cynisme » d’Eternit.

L’entreprise a invoqué la prescription du dossier. Le juge ne l’a pas suivie.

Eternit a plaidé l’ignorance. La cour a établi que l’entreprise connaissait les dangers de l’amiante au moins depuis les années 60 et qu’elle a continué à utiliser ce minéral, en sachant que la vie des ouvriers et celle des gens du voisinage était mise en péril.

Les dirigeants d’Eternit ont finalement décidé de faire appel.

Oui. Cela ne nous émeut pas. Mes frères et moi sommes confiants. Nous ferons connaître davantage le combat des victimes de l’amiante et nous demanderons que les indemnisations soient majorées.

Le procès a eu un écho très important dans les médias en Belgique.

Oui. Toute la presse a salué le courage de ma mère qui a refusé qu’Eternit achète son silence et relaté son combat et celui de ma famille qui a attendu onze ans, et qui a gagné. J’espère que ce jugement encouragera d’autres victimes à faire de même. Je ne peux pas faire de reproche à celles qui s’adressent au fonds d’indemnisation amiante (AFA). Je sais qu’il peut y avoir des besoins financiers pour assurer un confort et une aide des services sociaux pour un malade en fin de vie, mais je dis à tous ceux qui le peuvent de ne pas hésiter à aller en justice. Le pot de terre peut gagner contre un pot de fer.

La médiatisation du procès et la condamnation d’Eternit donnent un nouvel espace à l’Abeva.

Cette victoire nous ouvre des perspectives pour sensibiliser le monde politique à la situation des victimes de l’amiante en Belgique. Nous avons eu des rencontres avec des partis politiques de tous bords (gauche, droite, centre, écologistes). Des propositions ont été faites par des députés. Le Sénat va les examiner.

Notre première demande est d’améliorer les conditions d’indemnisation par le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante. En France une victime indemnisée par le Fiva peut encore se retourner contre l’industriel qui l’a exposée à l’amiante. Ce n’est malheureusement pas le cas en Belgique.
Les finances belges sont suffisamment mal en point. Il n’y a pas de raison que les industriels responsables s’en tirent à bon compte.

Quelles sont vos autres demandes ?

Nous demandons que les cancers du poumon et du larynx soient indemnisés par le fonds.

Par souci d’efficacité, nous n’avons pas posé pour l’instant la question des plaques pleurales qui ne sont pas indemnisées en Belgique.

Nous demandons que les couples qui peuvent prouver une vie commune, tels que des pacsés ou des mariés homos soient pris en compte. Aujourd’hui la personne survivante ne bénéficie d’un capital que si elle est mariée.

Nous revendiquons un allongement du délai de prescription. Le délai entre l’exposition et la date du dépôt de plainte ne doit pas dépasser 20 ans ; le délai entre les premiers symptômes et le dépôt de la plainte ne doit pas dépasser 5 ans. Vu l’importance du temps de latence entre l’exposition et les maladies dues à l’amiante, ce délai est insuffisant.

Le procès de Bruxelles a eu un écho international important.

Oui. J’étais récemment en Inde à une conférence du réseau asiatique I-ban. Tout le monde nous a demandé que le jugement, qui est rédigé en néerlandais, soit traduit en anglais, en français, en italien… Fernanda Gianassi a salué le verdict en disant qu’il servirait la cause des victimes de l’amiante au Brésil.

Toute la presse a fait le lien entre les procès de Bruxelles et de Turin
Il y a eu d’emblée une solidarité et un effet d’écho mutuel. Yan Frémon, notre avocat, est en contact avec ses homologues de Turin. Ils travaillent ensemble. Les messages que j’ai eu de Casale Monferrato nous ont fait chaud au cœur.

Il y a une solidarité entre les victimes de l’amiante de tous les pays. On échange des informations par mails. Les veuves de Dunkerque sont venues à Bruxelles. La télévision et la presse les ont interviewées. Elles ont été émouvantes et dignes. Les médias ont su trouver le ton juste, sans voyeurisme.

Le film sur Casale est passé sur la RTBF. Deux anciennes émissions ont été rediffusées. La première date de 2000. J’y ai revu avec émotion ma mère dénoncer l’injustice et dire ses craintes pour de futures victimes environnementales ; la seconde date de 1981. Marianne Mangeot y révèle les pratiques d’Eternit et explique les dangers de l’amiante.

Quels sont vos projets dans l’immédiat ?

Fêter la victoire avec nos amis de l’Abeva, remercier ceux qui nous ont aidés et rendre un chaleureux hommage à ces deux femmes qui ont joué un rôle décisif pour le combat des victimes de l’amiante en Belgique.

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°38 (janvier 2012)