La direction du FIVA a réussi, en profitant d’imperfections de notre système judiciaire, à obtenir de la Cour d’appel de Douai qu’elle ordonne à des victimes de rembourser une part importante de l’indemnisation que cette même Cour leur avait accordée plusieurs années auparavant et que celles-ci pensaient être définitivement acquise. Comme si cela ne suffisait pas, la direction du FIVA fait notifier les décisions aux victimes …. par voie d’huissier !

Cette situation n’a malheureusement rien d’un accident. Elle participe d’une volonté délibérée. Le gouvernement veut dissuader les victimes qui « osent » contester devant les tribunaux le montant de l’« offre » d’indemnisation qu’elle leur fait. Pourtant celles-ci ne font qu’exercer un droit prévu par la loi créant le FIVA. Un droit essentiel, puisque c’est lui seul qui garantit aux victimes la possibilité d’obtenir une indemnisation intégrale de leurs préjudices.
Le barème du FIVA n’est pas l’indemnisation intégrale, il est le résultat d’un rapport de force. Il a été adopté à une voix près par le Conseil d’Administration. Un conseil autrement composé aurait adopté un autre barème. Le montant des indemnisations retenu dans le barème est celui que les ministères de tutelle ont bien voulu accepter, et il est inférieur à ce que proposaient les tribunaux à l’époque.

L’action menée par la direction du FIVA est donc illégitime dans son fondement. Elle est aussi choquante dans sa forme. Le fait qu’un établissement public communique par l’intermédiaire d’huissiers avec les victimes qu’il est censé aider, est choquant. Comme l’est le fait de dénigrer par insinuation dans les médias les avocats, les associations mais aussi les victimes elles-mêmes en les faisant apparaître comme des tricheurs cherchant à avoir une double indemnisation.
La direction du FIVA ferait mieux de s’occuper d’assurer les missions que la loi lui a confiées et qu’elle assure si mal. La loi oblige le FIVA à faire une offre d’indemnisation dans un délai de 6 mois. Actuellement le délai « moyen » est supérieur à 9 mois, ce qui signifie en pratique qu’il est bien souvent supérieur à un an. Il est pourtant tout à fait possible de respecter les délais : entre avril 2005 et avril 2006, le FIVA était parvenu grâce à la volonté de son premier directeur à indemniser les victimes de cancers dans le délai moyen de 4 mois.

Mais on a depuis oublié la raison d’être première de cet établissement : indemniser rapidement les victimes pour qu’elles ne décèdent plus avant d’être indemnisées.

Le FIVA est en train de se transformer en une machine sans âme où les victimes individuelles n’ont plus d’existence en tant que telles. Le contact téléphonique entre les associations et les agents du FIVA a été supprimé. Les dossiers ne sont plus gérés individuellement mais au sein d’un « portefeuille collectif » et traités « en série ». Et maintenant la direction a décidé d’ « externaliser » les appels des victimes vers un centre d’appel privé ! Tout cela au nom d’une efficacité …. qui n’est même pas au rendez-vous.

Avec la Fnath, nous avons décidé de nous opposer résolument à ces dérives. Nous avons organisé une réunion publique le 19 décembre à Dunkerque au cours de laquelle nous avons reçu le soutien chaleureux d’élus régionaux et de plusieurs candidats à l’élection présidentielle : François Hollande, François Bayrou, Jean-Luc Mélenchon, Eva Joly, Jean-Pierre Chevènement.
Le combat contre le remboursement des indemnisations est légitime. L’émotion de l’opinion publique et les multiples témoignages de solidarité obtenus dans le monde associatif, syndical et politique le confirment. Ce combat, nous le mènerons aussi bien sur le terrain politique que sur le terrain judiciaire. Et nous le gagnerons.

Les victimes de l’amiante ne sont ni des profiteurs ni des fraudeurs. Elles demandent que le FIVA, créé pour assurer une réparation rapide et équitable de leurs préjudices, remplisse simplement ses missions. Aucune intimidation, aucune pression, aucune manoeuvre ne nous fera renoncer.

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°38 (janvier 2012)

Michel PARIGOT
Pierre PLUTA