NON au commerce de la Mort

Les contribuables canadiens vont payer 58 millions de dollars pour aider un marchand d’amiante à rouvrir la mine Jeffrey. L’objectif annoncé est d’exporter des millions de tonnes de ce matériau cancérogène vers l’Inde durant les 20 prochaines années.

Les bénéficiaires sont Bernard Coulombe, président de la Mine et Bajlit Chadha, président de la société Balcorp.
Les grands perdants sont la morale et la santé publique.

Le prêt est une fiction : ni l’état canadien ni le gouvernement québécois ne reverront l’argent.

Les protestations sont nombreuses au Canada et dans de nombreux pays. La communauté scientifique internationale se mobilise.

En février, le ministre de l’économie québécois a royalement octroyé 1,4 million de dollars pour un projet de recherche sur les liens entre le cancer et l’environnement. Quarante fois plus pour la propagation des cancers en Inde que pour la recherche sur le cancer au Canada !

Tout un programme !


 

Le Québec finance le développement du cancer en Inde

Le gouvernement a annoncé un « prêt » de 58 millions de dollars pour financer la relance de la mine d’amiante Jeffrey. Ce projet criminel a soulevé une tempête de protestations au Canada et dans le monde entier.

Des mensonges et des menaces

29 juin 2012 : le ministre Yvon Vallières, flanqué du maire de la ville d’Asbestos, Hugues Grimard, et du président de la mine d’amiante Jeffrey, Bernard Coulombe, annonce un prêt de 58 millions de dollars pour financer le redémarrage.
Bernard Coulombe se réjouit. « Actuellement, notre principal pays importateur est l’Inde.  ». Soucieux de rassurer, il ajoute : « Nous avons pris toutes les mesures nécessaires pour que le chrysotile soit utilisé de façon sécuritaire par tous nos clients  ».

Un mensonge éhonté immédiatement suivi d’une menace de poursuites judiciaires contre la Société canadienne du cancer « pour ses messages au sujet des dangers pour la santé reliés aux activités de la mine ».

Leader mondial de l’hypocrisie

Le ministre annonce que la mine fera signer à ses clients une promesse de bonne conduite et qu’une «  inspection sera menée chaque année aux frais et sous la responsabilité de la mine Jeffrey ». Puis il termine par un couplet lyrique : « Je suis convaincu que le Québec deviendra un leader mondial dans l’utilisation sécuritaire du chrysotile  » 

En fait, pour l’amiante, le Québec est déjà devenu le leader mondial de l’hypocrisie et du bobard criminel.
Le mythe de l’utilisation « sécuritaire » de l’amiante a déjà causé d’innombrables décès dans tous les pays utilisateurs, à commencer par le Canada.
Il en causera a fortiori dans un pays d’un milliard d’habitants dont les conditions de vie et de travail sont souvent misérables, et où la moitié de la population n’a pas accès aux soins.

Un montage financier frauduleux

Depuis près de deux ans le gouvernement du Québec conditionnait l’obtention d’une garantie de prêt de 58 millions de dollars à l’obtention d’investissements privés de 25 millions de dollars. Mais aucune banque n’a souhaité mettre un dollar canadien dans cette aventure douteuse.
Qu’à cela ne tienne ! Monsieur Vallière a annoncé que le gouvernement du Québec avait « choisi d’offrir un prêt directement à Mine Jeffrey plutôt qu’une garantie de prêt, comme il en était d’abord question. » Mais pour sauver des amis, on ne regarde pas de trop près à l’utilisation de l’argent public…

L’un des investisseurs privés serait Ulan Marketing, une société thaïlandaise d’amiante-ciment (voir page 28)

Une opération financière risquée

D’un strict point de vue financier, cette opération est pourtant risquée pour de multiples raisons.

D’abord elle mise sur le pari que les gouvernements d’Inde et de Thaïlande continueront à être aveugles et sourds sur les dangers de l’amiante. Rien n’est moins sûr.

Elle mise ensuite sur le pari que le cynisme continuera à prévaloir dans la politique des gouvernements canadiens et québécois futurs. Ce qui n’est pas garanti. L’hostilité au commerce de l’amiante a gagné plusieurs partis d’opposition.

Et les concurrents du Canada dans le commerce de l’amiante auront eu plus de deux ans (la période de fermeture des mines du Canada) pour accaparer les marchés. En effet, la mine ne tourne que six mois par an depuis 2002 et elle ne reprendra pas avant août 2013 ... si le prêt est effectivement débloqué. 

Enfin l’industrie de l’amiante québécois va devoir faire face aux actions judiciaires des nombreuses victimes et l’état canadien ne pourra pas éternellement la protéger.

Quel avenir pour une industrie moribonde ?

Les défenseurs du projet répètent que ces 58 millions vont permettre de créer 400 à 500 emplois.

A-t-on le droit de détruire des centaines de milliers de vie pour maintenir quelques centaines d’emplois ? La question ne semble pas les effleurer.
En réalité, même sur le terrain de l’emploi, il s’agit d’un pur mensonge.
La relance de la mine Jeffrey permettrait tout au plus à la compagnie de ne pas licencier tout de suite ses salariés proches de la retraite (la moyenne d’âge est supérieure à 57 ans).

Elle a profité de la situation pour négocier des salaires de misère avec ses employés effrayés par le spectre du chômage. Quand la mine a été déclarée en faillite, ils ont appris que leur fonds de pensions n’était pas assuré. L’avenir est certainement maigre pour les travailleurs de Mine Jeffrey.

Il n’est pas sûr non plus que Messieurs Coulombe et Chadha puissent continuer longtemps à s’engraisser sur les fonds publics au détriment des victimes de l’amiante.


 

Ici on désamiante, là-bas on tue.

Le 30 juin 2012, s’est tenu l’assemblée générale de l’ANDEVA. Elle a adopté une lettre à l’ambassadeur du Canada, dont voici quelques extraits :
«  L’Andeva représente plus de 25 000 victimes de l’amiante. La majorité de ces victimes en France sont des victimes de l’amiante canadien. »

« Nous venons de prendre connaissance de la décision du gouvernement du Québec d’accorder une garantie de prêt de 58 millions de dollars qui permettra la réouverture de la mine Jeffrey d’Asbestos »

« Nous tenons à vous faire part de notre indignation contre cette décision incompréhensible et monstrueuse. »

« Monsieur l’ambassadeur, financer d’un côté pour plusieurs dizaines de millions de dollars le désamiantage du parlement canadien à Ottawa, et financer de l’autre côté à hauteur de plusieurs dizaines de millions de dollars l’empoisonnement d’un pays n’est pas compatible avec la morale » 

« Votre gouvernement finance depuis trente ans l’exportation d’un produit mortel et, pour protéger ce commerce, cherche parallèlement à empêcher les autres gouvernements de protéger leurs populations (…) Ces actes ont entrainé la mort de centaines de milliers de personnes dans le monde et vont encore tuer pendant des décennies. Ils doivent cesser. »

L’assemblée a demandé l’annulation du prêt, le respect de l’éthique et de la science, l’arrêt du financement de l’exportation d’amiante vers les pays en voie de développement par l’argent des contribuables canadiens et le financement de mesures sociales de transition pour les travailleurs des mines d’amiante du Québec.


 

La révolte de la société civile canadienne

L’annonce par le gouvernement du Québec a été présentée discrètement, la veille des vacances. Elle a pourtant suscité un tollé dans la société civile et une partie du monde politique canadien.

Camil Bouchard, professeur d’Université à Montréal, déclare «  on a mieux à faire comme peuple que d’empoisonner le monde. Pourquoi ne pas offrir un prêt ou une garantie de prêt de 58 millions de dollars en innovation technologique (…) à des investisseurs dans la région. Tout le monde y gagnerait. Et nous pourrions, Québécois, envoyer un message clair aux gouvernements, et surtout à la population de ces pays en mal d’amiante leur disant : « Nous pensons que votre vie vaut autant que la nôtre ».

Protéger la santé et
l’environnement

La Société Canadienne du Cancer exprime sa déception « Bien que la Société soit profondément découragée par l’approbation de la garantie de prêt, notre organisation est encore plus déterminée à continuer à travailler sur cette question. Nous ne reculerons pas, nous savons que les canadiens et les citoyens des autres pays comptent sur nous pour protéger leur santé  ».

Le docteur Bonnier Viger, président de l’Association des médecins spécialistes en santé communautaire du Québec (AMSSCQ), écrit au premier ministre , Jean Charest : «  L’amiante est un matériau dangereux qu’on utilise peu au Canada et qu’on enlève dans les édifices publics. En relançant la Mine Jeffrey, notre gouvernement favorisera son utilisation dans des pays où il sera difficile de protéger les travailleurs et l’environnement  »

L’impossible utilisation « sécuritaire »

L’Institut National de Santé Publique du Québec INSPQ critique sévèrement la décision : « à la lumière des connaissances scientifiques disponibles, c’est très, très difficile, voire impossible, d’assurer une utilisation sécuritaire dans tous les contextes au Québec. L’INSPQ considère l’amiante comme un cancérigène, tant pour la fibre chrysotile que pour les autres formes. » dit le directeur de l’Institut, le Dr Boileau.

L’irresponsabilité de Charest

Le journal La Presse titre « Mine Jeffrey : le Québec va financer le cancer  ». Un éditorialiste francophone voit dans la décision un « exemple d’irresponsabilité de Charest  ». Un autre anglophone titre « Quebec should let the asbestos industry die » [Le Québec devrait laisser l’industrie de l’amiante mourir]. Les News titrent «  Mine Jeffrey : Québec subventionne l’exportation du cancer  ».

Une décision indigne

Le député de Québec solidaire, Amir Khadir, estime qu’il est absurde et irresponsable de soutenir ce projet, alors que le secteur privé refuse de subventionner une industrie qui produit «  le cancer et la mort ».

Des fonds publics pour une industrie dénoncée sur toute la planète

Mme Ouellet, députée du Parti Québécois, déclare qu’il « n’est pas judicieux de consacrer des fonds publics à la relance de Mine Jeffrey, à Asbestos, alors que les risques de maladies liées à l’amiante ont entraîné son interdiction dans de nombreux pays. C’est une erreur d’investir, surtout avec un prêt de 58 millions de dollars pour soutenir sur un respirateur artificiel une industrie qui est dénoncée à travers la planète ». Elle estime que le gouvernement aurait mieux fait d’investir dans la diversification économique de la région au lieu de soutenir le redémarrage de la mine.

Le Nouveau Parti Démocrate (NPD), qui avait déjà pris position pour l’interdiction de l’amiante au Canada, condamne une décision dont les principales victimes seront les habitants des «  pays cible », principalement ceux de l’Inde. Le député canadien Pat Martin rappelle que, malgré la difficulté d’avoir des statistiques fiables, les estimations raisonnables indiquent que plusieurs milliers de personnes par an meurent d’amiante en Inde. Les données précises sont absentes car il n’existe pas de registre des cancers et la majeure partie de la population n’a pas accès à des soins.

Les mesures de prévention vis-à-vis de l’amiante sont tout aussi inconnues, à commencer par la diffusion même de l’information sur les dangers.


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°40 (septembre 2012)