Un film réalisé par le CAPER des Combrailles a été projeté en juin aux journées de Médecine et Santé au travail à Clermont-Ferrand. A l’occasion des dernières journées nationales de Médecine et Santé au Travail, le président du Comité scientifique Alain Chamoux a ouvert le débat sur la prévention des risques par la projection du film du Caper. On y entend les témoignages terribles des victimes de l’amiante d’Everitube à Saint-Eloy et d’autres entreprises de la région : Michelin, la fonderie Sautereau, une centrale EDF… Face à la caméra, ils évoquent les ateliers saturés de poussières d’amiante, les patrons qui savaient et qui ont nié le danger, les propos rassurants du médecin du travail, les souffrances des malades et des familles... Le générique égrène les noms et les âges des amis tués par l’amiante : Jean-Michel (45 ans), René (54 ans), Michel (54 ans), Pascal (47 ans), Yves (67 ans), Didier (56 ans), Michel (53 ans), Jean-Pierre (56 ans), Marcel (59 ans), Henri (57 ans), Daniel (61 ans). Après la projection, la salle semble en état de choc. Jean-François Troglic, représentant du Bureau International du Travail (BIT), tire un bilan critique de l’action de cet organisme « qui n’a pas fait mieux que les autres ». Il souligne la nécessité d’une « expertise publique forte et indépendante ». « Ce film est un document pédagogique exceptionnel, déclare-t-il, je ferai en sorte que notre centrale de Genève l’ait dans sa médiathèque ».
BERNARD GRAND :« Nous voulions garder des traces « En faisant ce film, explique Bernard Grand, le président du Caper des Combrailles, notre but était de garder une trace de tout ce qui s’était passé à l’usine Everitube de Saint-Eloy-les-Mines.
BERNARD DWORACZEK : « L’amiante est partout. Il faut préserver l’avenir des générations futures » A la différence d’autres documentaires qui traitent de l’amiante, le film de Michel Daffix et Frédéric Vanel accorde une grande place à la prévention. Conformément à un arrêté préfectoral, ils ont été enfouis sous quelques dizaines de centimètres de terre et les parties pentues recouvertes d’une bâche. Ces mesures sont-elles vraiment suffisantes pour assurer la « mise en sécurité » du site ? Tous en doutent : La végétation a déjà percé la bâche en plusieurs endroits. Les premières habitations ne sont pas très loin. L’aire de stockage n’est pas close. Des enfants peuvent y jouer. Certains sont même venus y faire du moto-cross… Les images du film sont terribles : par endroit il y a des déchets sur 7 mètres de hauteur. Les élus locaux interviewés semblent dépassés par la situation. L’arrêté préfectoral ne rend même pas le site inconstructible sur toute sa surface. Le Caper a demandé des analyses d’air et d’eau. Sans résultat. « L’amiante est encore là. Il est partout, explique Bernard Dworaczek. Il faut aider la population à prendre conscience du danger. Les élus locaux devaient exiger une dépollution complète du site à la charge d’Everitube Saint-Gobain. Nous ne voulons pas que nos enfants revivent ce que nous avons vécu. C’est l’avenir des générations futures qui est en jeu. »
La force des témoignages« Dans l’usine, on travaillait comme des Gaulois, raconte Wladyslaw. Il n’y avait aucune protection. » « L’amiante arrivait en sacs. On déchargeait les semi-remorques à dos d’homme », dit André. « Pour mélanger amiante et ciment, on coupait le sac et on le secouait, raconte Gérard. Les gens récupéraient les sacs pour ramasser les légumes dans leur jardin. » « Les plaques et les tuyaux défectueux étaient cassés à la masse et passés dans un gros broyeur pour être réintroduits dans des fabrication, explique Michel » « Les bleus étaient pleins d’amiante. On les passait à la soufflette ! », dit Bernard. L’épouse les lavait à la maison. On a pollué tout le monde, même les gens des usines voisines. » « L’amiante ? Quand on posait la question au médecin du travail, témoigne Wadyslaw, il disait que ce n’était pas dangereux. » « Les patrons ont caché le danger pour faire du fric, conclut Serge. On a commencé à en parler du danger en 1977 quand les filles d’Amisol ont bougé. Henri Pézerat de l’Université de Jussieu a visité l’usine. Il nous a dit : « Attention ! Cancer ! C’est une bombe à retardement ! ». Mais il a fallu attendre la mort de Jean-Michel Méritet en 1996 pour prendre vraiment conscience de la situation. » Aujourd’hui, il faut vivre avec cette épée de Damoclès : les maladies, les enterrement des copains. C’est lourd à porter. Avec l’aide du Caper, c’est moins difficile. Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°40 (septembre 2012) |
Amiante : la menace inexcusable
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