La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris les avait blanchis avant même qu’ils soient jugés. La Cour de cassation a cassé cet arrêt qu’elle a jugé contraire à la Convention européenne des Droits de l’Homme.
Les victimes reprennent espoir de voir enfin se tenir
le procès pénal de l’amiante qu’elles attendent depuis 16 ans


Par un arrêt du 16 décembre, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris avait annulé les mises en examen de six directeurs d’Eternit et dessaisi sans un mot d’explication la juge Bertella-Geffroy du dossier Eternit qu’elle instruisait depuis dix ans.

Ressentie comme une giffle

Pour des milliers de victimes contaminées et de familles endeuillées par l’amiante d’Eternit, cette décision, à quelques jours de Noël, avait été reçue comme une giffle douloureuse, un véritable déni de justice. Avec cet arrêt de la cour de cassation elles reprennent espoir que se tienne enfin le procès pénal qu’elles attendent depuis 16 ans, et qu’en France – comme en Italie – les responsables de leurs souffrances soient enfin jugés et condamnés.

La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris avait justifié l’annulation des mises en examen en invoquant une prétendue « insuffisance de précision sur la période de temps couvrant les faits reprochés  » et une « absence de spécification des lois invoquées pour justifier la qualification des mises en examen ».

Une nullité prononcée sans débat

La cour de cassation a balayé ces arguments.
Elle a d’abord souligné que la chambre de l’instruction de la cour d’appel avait prononcé la nullité des mises en examen des 6 directeurs, « sans avoir invité les parties à présenter leurs observations  », alors que seuls deux d’entre eux avaient fait une demande de nullité.

La Cour a estimé qu’en vertu l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme et du code de procédure pénal «  la chambre de l’instruction ne peut prononcer d’office l’annulation d’une mise en examen sans avoir permis aux parties d’en débattre  ».

La cour de cassation a considéré que les qualifications juridiques notifiées par Madame Bertella-Geffroy pour la mise en examen de MM Cuvelier et Vast étaient précises et « commandées par les textes applicables », puisqu’il leur était reproché d’avoir « depuis un temps non prescrit, involontairement causé la mort de 23 salariés et occasionné les blessures involontaires à dix salariés de la société Eternit nommément désignés ».

Une victoire des victimes

L’arrêt de la chambre de l’instruction est donc cassé dans son intégralité.
L’affaire reviendra devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris (autrement constituée).

La Juge Bertella-Geffroy va reprendre le dossier qu’elle suivait depuis 10 ans. C’est une nouvelle victoire très importante des victimes de l’amiante.
Quatre mois après le procès de Turin qui avait condamné deux hauts dirigeants d’Eternit à 16 ans de prison, cet arrêt résonne un désaveu pour tous ceux qui – dans l’appareil judiciaire et dans les sphères du pouvoir - estimaient que les affaires de Santé publique n’avaient rien à faire au pénal.

Il redonne un nouvel élan à la bataille engagée il y a 16 ans pour un procès pénal en France. Mais tout n’est pas réglé pour autant. Pour que la juge d’instruction ait les moyens d’achever une instruction de qualité dans des délais raisonnables il faut lui donner des moyens supplémentaires, comme le réclame l’Andeva depuis des années.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°40 (septembre 2012)