20 ans après le décret ouvrant droit à un suivi médical post-professionnel pour les retraités et les chômeurs, le nombre d’examens effectivement réalisés reste dérisoire.

- Quand on a été
exposé, connaître son état de santé
est un droit

Les ex-salariés qui ont été exposés à des cancérogènes et particulièrement à l’amiante ont droit à des examens médicaux gratuits. Pour cela, ils doivent envoyer à la caisse primaire une attestation d’exposition cosignée par le médecin du travail et l’employeur. S’ils n’ont pas ce document, ils peuvent faire une demande. La caisse sera alors tenue de diligenter une enquête et de statuer.
Il ne doit pas s’agir d’un examen ponctuel de dépistage, mais d’un suivi, c’est-à-dire d’un accompagnement médical inscrit dans la durée.
Si l’examen repère une maladie, ils pourront bénéficier d’une indemnisation de leurs préjudices et - sous certaines conditions - d’une allocation de cessation anticipée d’activité.

- La grande majorité des retraités et des
chômeurs l’ignorent

En 2011, 2012 et 2013, la réglementation sur le suivi médical post-professionnel (SPP) a évolué : l’examen TDM (le scanner) est devenu la référence, le suivi a été élargi aux trois fonctions publiques.
Mais, aujourd’hui encore, seule une infime partie
des personnes concernées demande à bénéficier d’un suivi médical post-professionnel.
En Ile-de-France par exemple, 266 demandes ont été déposées en 2012. Un chiffre dérisoire pour une région où vivent 12 millions d’habitants !
C’est le résultat de la mauvaise volonté des employeurs et de l’absence d’information des personnes concernées sur leurs droits.
Face à cette situation, la Haute autorité de santé avait recommandé :

- une visite médicale préalable à la cessation d’activité par le médecin du travail avec remise d’un relevé d’expositions de fin de carrière et une information du salarié sur ses droits (R3),

-  l’envoi par la Sécurité sociale d’un questionnaire à tous les néo-retraités sur leurs expositions professionnelles (R8),

- la mise en place de structures régionales avec la participation des associations de victimes.

Aucune de ces trois propositions n’a été réalisée. Même une mesure limitée et de bon sens comme l’information systématique des bénéficiaires d’une cessation anticipée d’activité amiante par les caisses primaires sur leur droit à un suivi médical gratuit -  recommandée par l’IGAS et un moment envisagée par le ministère - n’a jamais été mise en pratique.
Pas plus que le recours aux médias nationaux et régionaux pour des campagnes d’information sur le suivi médical des anciens salariés exposés à l’amiante et à d’autres cancérogènes.

- Quels examens de suivi médical ?

L’arrêté du 6 décembre 2011 prévoit un scanner tous les 5 ans pour les expositions fortes et un tous les 10 ans pour les expositions intermédiaires. Cette périodicité préconisée par la HAS, est sensiblement identique à celle de la conférence de consensus de 1999 (6 ans et 10 ans).
Il y a cependant une différence importante  : entre deux scanners, la conférence de consensus préconisait une radio et un examen clinique tous les deux ans. La réglementation actuelle ne prévoit ni l’un ni l’autre.
La suppression des radios, était motivée par la faible efficacité de cet examen. Celle des examens cliniques ne se justifie pas.
La HAS recommandait qu’entre deux scanner, toute personne s’inquiétant de son état de santé puisse bénéficier sur sa demande d’une consultation gratuite (R20). Une recommandation qui n’a pas été reprise dans l’arrêté de 2011.
Cette double suppression - qui laisse un « vide » de
5 ans voire de 10 ans entre deux scanners - entre en contradiction avec la notion même de suivi et d’accompagnement des personnes exposées. La nature ayant horreur du vide, cette période risque de déboucher soit sur une démotivation et un abandon de tout suivi médical, soit inversement sur une multiplication de scanners hors de tout cadre organisé, avec un risque d’irradiation excessive.

Autre problème : l’arrêté de 1995 laissait ouverte la possibilité de compléter éventuellement les examens radiologiques par des explorations fonctionnelles respiratoires (EFR). L’arrêté de 2011 supprime toute prise en charge des EFR dans le suivi médical.
Cette suppression pose problème. S’il est vrai que les EFR sont un outil médiocre pour le dépistage des maladies liées à l’amiante, elles sont par contre un outil incontournable pour l’évaluation et le suivi dans la durée de la fonction respiratoire, un outil dont on aurait tort de se priver.

-  Réactualiser les
recommandations sur le suivi médical

La HAS préconisait que ses recommandations puissent être réévaluées «  dans un délai maximal de 5 ans, pour tenir compte de l’évolution des connaissances et de l’expérience acquise par leur mise en oeuvre.  »
Quatre années se sont écoulées et plusieurs faits nouveaux rendent cette réévaluation indispensable :

- Une importante étude américaine sur le cancer bronchopulmonaire dans une population de gros fumeurs montre une nette réduction de la mortalité chez ceux qui ont bénéficié d’un suivi médical par scanner 1 ;

- Une étude française sur le suivi de plus de 6546 personnes ayant bénéficié d’un scanner révèle chez les personnes atteintes de plaques pleurales un risque accru de décès par cancer respiratoire, notamment de mésothéliome 2 ;

- Les doses d’irradiation délivrées par les scanners de la dernière génération et la durée de l’examen ont fortement diminué.

Au vu de l’ensemble de ces données, il apparaît nécessaire de préparer une nouvelle audition publique sous l’égide de la HAS.
Elle devrait reprendre la réflexion sur des questions telles que les modalités de poursuite du suivi médical entre deux scanners, le bénéfice médical d’un dépistage du cancer broncho-pulmonaire, une périodicité plus serrée des examens pour des populations ayant un sur-risque de cancer (porteurs de plaques pleurales, expositions particulièrement fortes à l’amiante...).